MANIFESTATION
D’anciens « gilets jaunes » ont expliqué à « 20 Minutes » pourquoi ils avaient quitté le mouvement de contestation
- Ce week-end, « l’acte I » des « gilets jaunes » fête ses trois ans.
- Le mouvement de contestation s’est depuis quasiment éteint, la majorité des contestataires ayant abandonné les manifestations.
- Certains d’entre eux ont expliqué à 20 Minutes les raisons de ce départ, qui naviguent entre peur des violences, désaccords et résignation.
Il y a trois ans, le samedi 17 novembre 2018, le mouvement des « gilets jaunes » sortait dans la rue pour la première fois, envahissait les ronds-points et manifestait à travers tout le pays afin de protester contre la hausse du prix du carburant. Selon le ministère de l’Intérieur, 287.710 personnes défilèrent lors de cet « acte » I.
36 mois, le coronavirus et un prix de l’essence toujours aussi haut plus tard, le mouvement semble éteint, la crise sanitaire ayant remplacé la crise sociale. Les ronds-points ne sont plus occupés les rues ne s’embrasent plus au cours des manifestations. 20 Minutes a contacté d’anciens « gilets jaunes », pour comprendre les raisons de leur abandon.
Peur des violences policières
Bien plus que la lassitude, le temps ou l’envie de faire autre chose, ce sont les violences policières qui sont avancées en tant que cause principale de cet abandon du gilet jaune. C’est notamment le cas chez Emmanuelle, 49 ans, « plus du tout mobilisée autour du mouvement. La répression est trop violente. » Même constat chez Cyril, 25 ans : « Lors d’une manifestation, j’ai été frappé puis interpellé place de la Bastille. J’ai été condamné à 1200 euros d’amende au lieu des 3 mois de prison ferme requis pour participation à un regroupement en vue de commettre des dégradations. Depuis, je n’ai plus du tout participé à une manifestation car la crainte de la répression est beaucoup trop forte. J’étais le seul à participer aux manifestations, car 99 % de mon entourage avaient peur des violences. »
Il en va de même pour Frédéric, solidaire du mouvement mais qui ne va plus sur terrain, « pour une unique raison, ne pas revenir d’une manifestation avec des séquelles physiques alors que je ne fais pas partie d’une minorité qui met le bazar ».
Lassitude et désaccord
Autre motif de désertion évoqué, l’impression de se battre dans le vide face à un gouvernement qui ne veut pas faire de concessions. Emmanuelle dresse le constat vain de ses mois de lutte : « Le gouvernement n’a écouté aucune des revendications, n’a rien compris au mouvement. » Humeur encore plus colérique chez Frédéric, qui déclame : « La France n’est plus une République mais un état où seul le droit d’être en accord avec la majorité est toléré. »
Enfin, un désaccord plus ou moins important avec le mouvement ou une partie de celui-ci explique également quelques-uns des départs. Christiane, 65 ans, indique avoir vite arrêté les manifestations en raison de revendications qu’elle trouvait « moyennes » : « Demander de supprimer les charges salariales ? ! Oui, et du coup, on se retrouve sans Sécurité sociale et avec un chômage ridicule. Il aurait plutôt fallu demander de vraies augmentations ». Charles, 73 ans, regrette que le mouvement soit « vite devenu exaspérant par le comportement des meneurs et par les manifestations qui entraînaient des casseurs. Les petits commerçants en ont payé les frais. »
Constat amer
Démobilisés, la plupart reconnaissent pourtant que la plupart des choses qui les révoltaient hier sont toujours là aujourd’hui. « Nous avons manifesté pour rien, car rien n’a changé. C’est même pire qu’avant pour le prix du gasoil, de l’EDF, de l’eau, des impôts pour la maison, etc. », déplore Christian, 68 ans. Sarah, 25 ans, reconnaît que « la vie est toujours aussi dure financièrement. Je soutiens par contre tous ceux et celles qui sont toujours gilets jaunes et qui se battent pour obtenir une vie meilleure. »
Si certains indiquent être prêts à revêtir un gilet jaune ou participer à nouveau à un grand mouvement national, beaucoup se sont tournés vers une alternative pour obtenir les améliorations qu’ils réclamaient jadis dans les rues : la présidentielle de 2022. Emmanuelle : « L’année prochaine, il y aura de nouvelles élections, j’attends du changement de ce côté-là. » Cyril conclut : « Aujourd’hui, nous soutenons toujours les idées et la bataille, mais nous préférons continuer de travailler et de voter pour changer les choses. »
Poster un Commentaire