11 janvier 2022
À Saint-Chamas, dans le sud de la France, voilà plus de deux semaines qu’un tas de déchets industriels brûle sur un site de stockage et de tri, libérant une pollution massive. L’exploitant entreposait près de trente fois plus de déchets qu’autorisé.
Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône), reportage
La fumée noire et dense des derniers jours a laissé place à des volutes grises et éparses. La structure du gigantesque hangar est arrachée par des bulldozers juchés sur des amas énormes de déchets. L’entrepôt a les allures d’une bête métallique agonisante, aux entrailles en fusion répandues sur le bitume. Plus de deux semaines après le début de l’incendie, qui s’est produit le 26 décembre dernier, les flammes ravagent encore la montagne de déchets dans une odeur saturée de caoutchouc et de plastique brûlés. « En arrivant sur place, on s’est retrouvés nez à nez avec 30 000 m3 de déchets qui s’entassaient sur 10 mètres de haut, sous un hangar fermé », raconte Pierre Bisone, lieutenant-colonel du Service départemental d’incendie et de secours du département (SDIS 13), coordinateur des pompiers sur place.
Les habitants de Saint-Chamas, petit village provençal résidentiel miraculeusement préservé des industries qui bordent l’étang de Berre, à 50 km de Marseille, observent, impuissants, cet amoncellement d’ordures brûler sans discontinuer. Plastiques, bois, matelas, métaux en tout genre composent le magma. Ce sont des déchets industriels banals — ou DIB dans le jargon administratif — que Recyclage Concept 13, l’exploitant du site, stockait, triait et revendait.
L’eau projetée par les pompiers transforme la surface du dôme en une croûte agglomérée. Comme un volcan en éruption, le feu couve de l’intérieur. Depuis vendredi 7 janvier, Recyclage Concept 13 s’attelle donc à déconstruire le hangar afin que les pompiers puissent enfin opérer sans entraves. Difficulté supplémentaire, l’eau utilisée se retrouve contaminée. À 200 mètres du cours d’eau le plus proche de l’étang de Berre, pas question d’arroser abondamment, sous peine de polluer les nappes phréatiques et l’étang. Un gigantesque bassin de rétention a été construit à proximité pour stocker cette eau. Elle devra à son tour être traitée.
- © SDIS 13
Un pic de pollution similaire à ceux de Pékin
En attendant, les fumées continuent de saturer l’air des communes environnantes. Dans la nuit du 30 au 31 décembre, AtmoSud, l’organisme de contrôle de qualité de l’air qui a installé une station fixe de contrôle à 300 mètres du site, a enregistré des taux de particules fines PM10 de près de 1 000 microgrammes/m3. La limite maximum d’exposition fixée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) sur 24 heures est de 80 microgrammes par mètre cube, soit près de dix fois moins que certains niveaux relevés. « Nos appareils ont saturé », confie à Reporterre Dominique Robin, le directeur général de l’organisme. Et d’ajouter : « Ce sont des pics de pollution qu’on enregistre habituellement à Pékin. »
Les habitants ont fait part d’irritations, de toux et parfois de vomissements. Le maire (divers droite) de la commune, Didier Khelfa, a interdit l’accès des enfants aux cours de récréation et les activités de sport en plein air à proximité du site. « Si la situation est sérieuse, ces pics restent malgré tout limités dans le temps et assez localisés », rassure Dominique Robin.
Comment une telle catastrophe a-t-elle pu se produire ? Une enquête de gendarmerie a été ouverte afin de déterminer les origines de l’incendie. Quelques certitudes toutefois : l’exploitant avait l’autorisation de stocker 1 000 m3 de déchets. Lorsqu’ils sont arrivés sur place, les pompiers en ont compté plutôt 30 000 m3.
- © Marius Rivière/Reporterre
« Il y avait 25 à 30 fois le volume autorisé là-dessous ! » ne décolère pas Didier Khelfa. Voilà plusieurs mois déjà qu’il multiplie les alertes auprès des services de l’État et de la Métropole. Du côté de Recyclage Concept 13, on rejette la faute sur l’ancien exploitant, parti en 2020, qui s’était engagé à vider le hangar et n’en a rien fait. « Les collectivités étaient au courant. On s’était engagés à vider au fur et à mesure, mais ça ne se fait pas en trois jours », s’agace Régis Guillot, responsable du site, en précisant : « On ne travaille pas clandestinement et on ne s’est pas échappés comme des voyous, on fait face. »
Le 14 décembre dernier, la Préfecture des Bouches-du-Rhône avait adressé une mise en demeure à l’exploitant, suite à une visite de ses services menée en septembre. Certains passages résonnent cruellement aujourd’hui : « Il convient d’édicter des mesures conservatoires afin de limiter le risque d’incendie du site en évacuant le volume de déchets excédentaires d’ici au 31 décembre. »
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