28/02/2022
Dans cette guerre, il y a un agresseur et un agressé. L’agresseur, c’est l’Etat russe, l’agressé c’est le peuple ukrainien auquel Vladimir Poutine dénie le droit d’avoir un état indépendant de la « Sainte Russie » historique, mise à mal selon lui par la funeste politique bolchévique reconnaissant le droit des nations. Et si la politique des Etats-Unis – dont l’OTAN est un instrument plutôt docile – doit être combattue (d’autant plus en France, membre de l’alliance et dont les gouvernements successifs ont multipliés les interventions militaires) ce n’est pas aujourd’hui l’Ukraine qui bombarde et envahit la Russie mais l’inverse.
Le gouvernement ukrainien est réactionnaire et anti-ouvrier, mais Zelensky ne l’est pas davantage que ses prédécesseurs à la présidence, qu’ils aient été qualifiés de pro-européens ou de pro-russes. Quant à Poutine il faudrait beaucoup d’aveuglement pour en faire un progressiste… C’est un chauvin Grand Russe, nostalgique des Tsar, qui a rendu une place prééminente à la non moins réactionnaire église orthodoxe, et s’il y a des groupes nazis actifs en Ukraine les « Rouges bruns », plus bruns que rouges, ne manquent pas non plus en Russie.
L’OTAN n’est pas une bande de joyeux boys scouts qui aident les vieilles dames à traverser la chaussée ni de sympathiques justiciers qui défendent la veuve et l’orphelin dans le monde entier. Elle n’a jamais été non plus une alliance défensive contre une volonté d’extension du bloc soviétique par la force des armes ; cette prétendue menace était d’autant moins crédible que lors de la création de l’OTAN en 1949 Staline avait fait la preuve de son respect du partage de l’Europe négocié à Yalta. Les partisans communistes grecs avaient été écrasés sans qu’il ne lève le petit doigt, Tito avait certes pris le pouvoir mais contre la volonté du Kremlin, les puissants partis communistes italiens et français s’étaient employés à restaurer l’Etat bourgeois dans leurs pays respectifs. Hors d’Europe, la révolution chinoise n’a rien dû à l’armée soviétique.Allemagne de l’Est, Hongrie, Pologne, Tchécoslovaquie, Staline et ses successeurs blindaient en revanche leur zone de contrôle, comme les USA blindaient la leur en Amérique Latine et partout dans le monde, sur le dos des peuples.
L’effondrement de l’URSS et sa dislocation, le rétablissement du capitalisme dans toute l’Europe de l’Est et en Chine, le développement économique de cette dernière ont sans doute changé la donne, mais la « guerre froide » entre deux systèmes a rendu sa place à un affrontement plus classique entre des impérialismes concurrents.
Si le « but de guerre » de Poutine est de rétablir la domination russe sur les peuples de l’ex-URSS, celui des Etats-Unis est d’étendre leurs parts de marchés. La population ukrainienne, quelles que soient ses illusions, n’a rien à attendre de l’OTAN, de l’Union Européenne, de toute la bande des brigands capitalistes. Et si dans la situation qu’elle subit aujourd’hui ses vains appels sont compréhensibles il ne saurait en être de même du côté de la gauche qui pourtant verse – y compris une partie de celle qui se veut radicale – dans une sorte de « campisme » inversé, le rejet de l’agression perpétrée par Poutine interdisant toute réflexion. L’invocation d’un prétendu « droit international » et l’appel à la « négociation » témoignent seulement de son naufrage idéologique, de sa perte de tout espoir de changement révolutionnaire.
On atteint les sommets quand une partie de cette gauche dite radicale demande aux gouvernements bourgeois d’Europe de livrer des armes à l’Ukraine, ce qui veut dire au gouvernement non moins bourgeois de Zelensky. En cas d’arrêt des hostilités, ce dernier ou son remplaçant ne manqueront pas de les utiliser contre le peuple pour rétablir un ordre ébranlé par la guerre, désarmer et dissoudre les milices populaires qu’il a fallu tolérer pour résister à l’invasion. Quant aux sanctions économiques, elles affecteront d’abord le peuple russe tout en donnant des arguments à Poutine.
Dans cette guerre il y a un agresseur et un agressé et nous ne mettons pas la légitime résistance ukrainienne, qui se développera de plus en plus dans les rues et dans les campagnes, sur le même plan que le gouvernement et l’armée russe. Mais l’indépendance de l’Ukraine ne se gagnera pas sur le terrain militaire, une intervention de l’OTAN ou d’un quelconque pays ne déboucherait d’ailleurs que sur du chaos comme l’ont prouvé la situation présente en Irak, en Lybie, en Afghanistan, voire au Mali et dans d’autres pays d’Afrique.
C’est en Russie que se jouera le sort de l’Ukraine et Poutine en est bien conscient, qui réprime les manifestations et emprisonne les opposants à sa guerre. Certes le chauvinisme semble dominer à l’heure actuelle, mais on ne crie pas « à Kiev » comme on criait « à Berlin » en août 1914. L’Afghanistan est aussi passé par là et le peuple russe, même s’il gobe en partie la victimisation développée par Poutine, ne croit pas à la guerre fraiche et joyeuse ; non seulement les opérations militaires ne vont pas vite et l’armée russe subit quelques revers, mais une occupation du pays avec la mise en place d’un gouvernement fantoche ne serait pas facile. Le mouvement anti-guerre ne fera que se développer pour mettre fin à une intervention coûteuse en pertes humaines, quand les familles russes exigeront le retour en vie de leurs enfants.Souvenons-nous des mobilisations aux USA contre la guerre au Vietnam ! La solidarité envers les opposants à la guerre est un devoir internationaliste !
Prolétaires de tous les pays, unissez vous. Les classes ouvrières de Russie et d’Ukraine n’ont pas d’intérêts divergents. Ce n’est pas une formule magique, c’est la seule réponse, et elle n’a rien d’un pacifisme impuissant : guerre aux châteaux, paix aux chaumières !
Cela doit s’appliquer aussi en France, contre l’OTAN dont elle est membre, contre le belliciste Macron, contre toute velléité d’intervention militaire ouverte ou dissimulée. L’ennemi est dans notre pays, c’est lui qui – dans le même temps qu’il opprime et exploite son prolétariat- multiplie les interventions militaires dans le cadre ou hors du cadre de l’OTAN.
Il n’y aura pas de paix durable dans un monde dominé par les capitalistes (fussent-ils en concurrence) et leurs zélés serviteurs, les Biden, Poutine et Macron, sans oublier les autres.
Gérard Florenson
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