Cela semblait impossible il y a trois semaines. Ce ne l’est plus aujourd’hui.
Il ne semble pas impossible que Poutine morde la poussière en Ukraine. Je ne parle pas des perspectives à moyen et long terme, du fait que la victoire de ses troupes serait fort probablement une victoire à la Pyrrhus.
Cela, on pouvait raisonnablement le pronostiquer depuis un certain temps. Je parle de la possibilité d’une défaite militaire à plus court terme, une défaite sur le champ de bataille.
Le moins qu’on puisse dire est que je n’ai rien d’un expert… J’ai été réformé du service militaire, c’est tout dire! Mais je lis des experts et fais quelques constats. La britzkrieg a échoué. « L’opération militaire spéciale », pour le moment, est embourbée. La logistique ne suit pas. Les troupes russes sont dispersées autour de plusieurs villes qu’elles assiègent et qui résistent.
Du coup, elles ne parviennent pas jusqu’à présent à se regrouper pour encercler Kiev. Les pertes en hommes et en matériel semblent fort importantes. Le moral d’une bonne partie des troupes ne permet apparemment pas d’engager la redoutable bataille urbaine, quartier par quartier.
Les combattant.e.s ukrainien.ne.s, par contre, paraissent gonflés à bloc et très mobiles.
Les réactions de Poutine face à l’échec de son plan initial consistent en une fuite en avant dans une brutalité hallucinante:
1°) bombarder, bombarder, bombarder. Pour briser non seulement les infrastructures, mais aussi le moral. 2°) chercher des renforts, de préférence auprès de tueurs sans scrupules, qui lui sont dévoués (le groupe Wagner et les Tchétchènes de Kadyrov), ou qui ne parlent pas le russe (on parle de Syriens et de Centrafricains) et qui ne rendent de compte à personne.
3°) tenter d’entrainer l’armée biélorusse dans la danse (mais les réticences ont l’air très fortes dans la nomenklatura de Loukachenko, qui sait sa fragilité).
4°) trouver des munitions et du matériel en remplacement de ce qui a été tiré et perdu (les supposées demandes d’assistance à la Chine pourraient rentrer dans ce cadre?).
En face, il y a beaucoup d’inconnues. Par exemple: quels sont les stocks de munitions, de vivres, d’eau, de carburant, etc, des Ukrainiens dans des villes assiégées comme Kharkiv, et surtout comme Marioupol, ainsi que sur la ligne de front du Donbass? Une défaite sur un de ces points clés donnerait de nouvelles possibilités à la poutinienne armée.
Ne faisons pas de plans sur la comète. Les prochains jours apporteront des réponses.
En attendant, redoublons de solidarité avec les courageux antiguerres russes et avec le peuple ukrainien en lutte pour son droit à l’existence en tant que peuple, son droit démocratique à l’autodétermination. Soyons en particulier solidaires des courants de gauche en Ukraine, qui lient la lutte contre l’agression au combat social contre le néolibéralisme, contre les privatisations, et qui exigent l’abolition de la dette ukrainienne.
Personne ne peut aimer la guerre.
Mais le pacifisme n’est pas une option face à Poutine. Le peuple ukrainien est contraint de mener une guerre contre une agression néocoloniale. C’est ce qu’on appelle une « guerre juste ». Une victoire de Poutine dans ce conflit serait donc catastrophique. Pour le dire platement, ce serait la victoire des salauds de partout, ceux qui n’en ont rien à f… de la justice.
Bien au-delà de l’Ukraine, une victoire de Poutine serait un encouragement à toutes les aventures guerrières impérialistes…
Y compris les aventures guerrières de l’impérialisme US… Celui-ci se frotte déjà les mains: alors qu’il était dans les cordes suites à ses déroutes criminelles en Irak et en Afghanistan, Poutine l’a remis en selle en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire!
Aussi paradoxal que cela paraisse: la cause de la paix passe aujourd’hui par la convergence à la base entre le mouvement anti-guerre en Russie et la remarquable résistance armée et non-armée du peuple ukrainien. La victoire du second serait celle du premier, et inversément. Elle encouragerait toutes les luttes pour l’émancipation dans le monde entier. C’est ainsi, en termes de classe – et pas en termes d’affrontement entre les blocs – qu’il convient de lire ce qui se passe sous nos yeux.
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