« Il va y avoir des morts » : alerte dans les hôpitaux publics pour cet été
Difficile de trouver un hôpital public en France qui ne redoute pas la période estivale. L’épidémie de Covid a fait fuir de très nombreux soignants ces deux dernières années et le personnel manque dans beaucoup de services. Et forcément, c’est aux urgences, goulot d’étranglement du système de soins, que ça devrait être le plus visible.
A l’hôpital d’Orléans, le personnel des urgences est en grève depuis plusieurs semaines pour protester contre le manque de moyens. Les patients attendent parfois plusieurs jours sur des brancards dans les couloirs. Matthieu Lacroix, médecin urgentiste, prévoit déjà un été très chargé pour les soignants. « On va faire énormément d’heures par semaine, beaucoup plus de gardes qu’habituellement », explique-t-il. « On va aussi travailler tous les week-ends de ce mois-là. Et forcément, l’épuisement physique et psychologique du personnel va augmenter avec. »
« On est tous très inquiets »
Il est également plutôt pessimiste pour les patients. « Alors même qu’on sera en effectifs très réduits aux urgences du fait de nos vacances, les patients vont attendre encore plus longtemps faute de place dans les autres services, eux aussi à l’os. La situation qu’on vit actuellement, qui est déjà une situation de crise, risque de s’amplifier cet été. On est tous très inquiets. »
Matthieu Lacroix craint aussi pour le personnel qui ne prendra pas de congés cet été : « Il y a certains de nos confrères, afin d’arranger ceux qui ont des enfants et qui sont contraints par les vacances scolaires, qui vont travailler les deux mois d’été. Ces gens-là vont arriver au mois de septembre complètement rincés et totalement dégoûtés de travailler dans des conditions pareilles. »
À Marseille, les chefs de service prévoient déjà depuis plusieurs semaines un plan de bataille pour cet été. « Rechercher des urgentistes, c’est extrêmement difficile parce que tout le territoire français en cherche et qu’il n’y en a pas assez », reconnaît Jean-Luc Jouve, président de la commission médicale des hôpitaux de Marseille. « On a un numerus clausus qui va mettre de longues années pour revenir à des chiffres normaux et nous permettre d’avoir des urgentistes en quantité suffisante. Donc, il faut faire preuve d’imagination ».
Le système D pour trouver du personnel
Des solutions concrètes ont été imaginées pour pallier le manque de personnel. « D’une part, on va mettre en place une ligne de chirurgiens-traumatologues qui seront postés aux urgences », énumère Jean-Luc Jouve. « D’autre part, on va utiliser des unités de courte durée où on mettra des médecins généralistes qui vont pouvoir surveiller les patients qui sont en attente. » Enfin, le SAMU va faire du sur-mesure dans la régulation des appels. « On a mis en place des systèmes de régulation qui font que lorsqu’il y a trop de surcharges sur un hôpital, on le bascule immédiatement sur l’autre afin que les pompiers et les services de secours sachent que tel ou tel hôpital est en tension ».
Malgré toutes ces solutions, Jean-Luc Jouve sait qu’il risque d’y avoir des tensions. Et pour cause, « les hôpitaux de Draguignan, de Manosque et une partie de celui d’Aix-en-Provence ferment régulièrement leurs urgences », explique-t-il.
Si c’est encore le cas cet été, tous les touristes qui seront dans la région vont arriver en bout de chaîne aux urgences des hôpitaux de Marseille. On s’attend à ce que ça tangue beaucoup pendant l’été.
En banlieue parisienne, en Seine-Saint-Denis, les soignants ont les mêmes craintes. Et ils savent qu’ils ne pourront pas compter autant qu’avant sur les intérimaires pour combler les trous dans les plannings. « On fonctionne déjà à l’année avec l’intérim, donc il n’y a pas de marge de manœuvre », assure Christophe Prudhomme, médecin urgentiste à l’hôpital Avicenne de Bobigny. « Les intérimaires gagnent suffisamment leur vie pour prendre aussi leurs vacances l’été. »
Une mauvaise prise en charge des patients
Dans la plupart des hôpitaux du territoire, les médecins redoutent le pire : une perte de chance pour les patients. « Quand on dit le système va s’effondrer, il faut savoir quelles vont être les conséquences », annonce Christophe Prudhomme, également porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France (AMUF). « Ce sont des personnes qui n’auront pas de soins appropriés et il va y a voir une surmortalité par défaut de prise en charge et par manque de moyens ».
Il renchérit : « Cet été, il va y avoir des morts, des gens qui vont mourir parce qu’ils n’auront pas de prise en charge adapté en temps et en heure, qui vont stagner sur des brancards, sans une surveillance suffisante. Il faut dire les choses telles qu’elles sont. »
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