Ma réponse à vos messages me demandant mon avis pour dimanche. En tant qu’anarchiste, je n’ai pas de conseil à donner, mais je peux dire sans problème ce que j’ai décidé de faire.
INFLIGER UN COUP D’ARRÊT AU SACCAGE NÉOLIBÉRAL ET À L’EXTRÊME-DROITE, SANS OUBLIER QUE RIEN NE SE FERA SANS LES LUTTES SOCIALES
Je n’ai jamais voté à des élections législatives. Très rarement à d’autres élections. Et pour cause : je suis anarchiste, je ne crois pas à la démocratie prétendument représentative ni au système électoral qui permet à une caste de notables de la classe dominante de se maintenir au pouvoir avec l’appui des médias puissants à la solde de quelques milliardaires. Je vote très rarement : uniquement dans des circonstances exceptionnelles. La plupart du temps, je préfère m’abstenir et je me consacre uniquement aux luttes sociales et environnementales, parfois au moyen d’actions artistiques et solidaires. Le plus souvent, je refuse de voter car je me sens dupé sitôt que je me rapproche de l’isoloir, comme dans une sorte de cirque, de spectacle illusoire, de farce grotesque et sans réel enjeu, tant le changement promis est insuffisant à mes yeux.
Mais ce qui se passe en ce moment n’est pas anodin et je ne peux pas l’ignorer. De nouvelles lignes de force se dessinent à l’horizon, par-delà les différentes façons de lutter et la radicalité variable de nos points de vue, face au saccage mortifère de la vie sur Terre. Le rapport du GIEC ne nous donne plus beaucoup de temps pour inverser la tendance. La planète est exhangue. Les guerres se multiplient. Les inégalités ne cessent de se creuser. Le racisme sème la discorde et la confusion au sujet des vrais responsables de cette situation que sont les dirigeants politiques et économiques. Car ce sont eux, les vrais casseurs et les insupportables parasites qui détruisent le monde et se gavent sur notre dos, en exploitant tout ce qui est possible aussi violemment qu’un suicide collectif emportant avec lui des milliards de victimes.
Comme vous, j’observe actuellement la panique des médias du pouvoir en France devant la possible victoire du « bloc populaire » récemment constitué. Tous les néolibéraux montent partout au créneau et inondent les plateaux télé pour annoncer une banqueroute et une pluie de grenouilles en cas de basculement. Sans surprise, les chefs de l’extrême-droite viennent maintenant à la rescousse du système qu’ils prétendaient combattre en ciblant plus que jamais la racaille gauchiste et écologiste. Désormais, deux camps se distinguent clairement, alors que l’issue va se jouer à peu de choses : d’une part, celui d’une gauche antilibérale et écologiste proposant de mettre un frein aux politiques dévastatrices et d’ouvrir le débat sur une refonte des institutions, et d’autre part, le camp des néolibéraux et de l’extrême-droite qui dévoile une fois de plus sa convergence d’intérêts par-delà ses désaccords de façade.
Dans plus de 300 circonscriptions, le second tour va opposer l’Union populaire aux Macronistes. Dans une soixantaine d’autres, l’Union populaire aux Lepenistes. Dans la plupart des cas, tout va se jouer à très peu de choses, quelques milliers de voix, et les instituts de sondages reconnaissent se situer dans la marge d’erreur dans beaucoup de circonscriptions.
Du coup, nous sommes nombreux à nous poser la même question, deux mois après le premier tour de la présidentielle : intervenir à nouveau ou pas ?
Le 10 avril dernier, beaucoup d’entre nous avaient décidé d’intervenir et nous avions failli faire la différence en quelques heures. À 1% près, Le Pen aurait pu être éliminée dès le premier tour (Mélenchon était brusquement passé de 17% à 22% au tout dernier moment, alors que la candidate du RN plafonnait à 23%). Beaucoup de mes ami-es libertaires, révolutionnaires et abstentionnistes convaincu-es m’avaient confirmé avoir également participé à cette puissante irruption. Pour exemple, les nombreux commentaires et témoignages sur facebook :
https://www.facebook.com/photo/?fbid=2981893582121249&set=a.1386628864981070
(et plus nombreux ailleurs, à l’abri des regards)
Actuellement, nous discutons à nouveau de la situation, depuis deux ou trois jours : compagnons anarchistes, camarades de gauche et antifascistes, solidaires de toutes sortes, jeunes et moins jeunes. La plupart d’entre nous allons sans doute intervenir au second tour, chose exceptionnelle. Certains pour la première fois à des élections législatives (c’est mon cas).
Nous allons le faire, non pas pour soutenir quelqu’un ou quelqu’une, mais pour essayer d’infliger un coup d’arrêt au saccage néolibéral et à l’extrême-droite qui ne cessent de gagner du terrain. Il ne s’agit pas de déléguer ce combat à quiconque, mais d’utiliser tous les moyens possibles pour freiner la course en avant mortifère d’un système politique et économique qui nous mène tout droit à la catastrophe.
Mais soyons clairs : quoi qu’il arrive dimanche, rien ne se fera sans les luttes sociales. Rien ne changera vraiment si nous ne descendons pas massivement dans la rue, quel que soit le gouvernement qui sera nommé la semaine prochaine, que ce soit pour nous opposer radicalement à ses décisions ou, à l’inverse, pour lui rappeler résolument ses promesses. Rien ne se construira sans un mouvement social puissant et sa capacité à l’initiative, dans l’autonomie et l’autogestion, en imposant notre agenda et nos priorités quand les médias essayeront à nouveau de faire diversion avec des sujets futiles ou diviseurs.
C’est à nous de changer les choses et à personne d’autre. Pas question de donner des chèques en blanc à des hommes providentiels. Dans notre cas, ce n’est pas eux qui se servent de nous, mais nous qui nous servons d’eux, les uns contre les autres, pour pousser la société toute entière dans le sens de l’Histoire, car la politique du pire n’a jamais rien donné.
C’est à la rue, à la base sociale, aux nombreuses initiatives locales et réseaux de luttes de pousser, pousser encore et pousser toujours plus fort pour accoucher d’un monde différent dans lequel, à l’avenir, plus rien ni personne ne pourra entraver nos choix, nos vies, nos désirs.
Nous aussi, nous voulons une société d’harmonie des êtres humains, entre eux et avec la nature.
Rendez-vous dans la rue sitôt les élections passées, dans les luttes, partout, quel que soit le pouvoir que nous aurons en face de nous, tant qu’il y aura un pouvoir.
Courage à tou-tes, dans votre diversité, et dans le respect de vos choix respectifs !
Anarmicalement depuis la Grèce,
Yannis Youlountas
PS1 : n’oublions jamais que ce n’est pas le gouvernement du Front Populaire qui a donné de lui-même la première semaine de congés payés et les 40 heures de travail hebdomadaires en 1936, mais que c’est, au contraire, la grande grève générale de mai-juin 1936 qui l’a obtenue, en faisant pression sur un gouvernement qui était plus enclin que le précédent à céder.
PS2 : rions un peu avec les expressions alarmistes des Macronistes :
Mon compagnon Yannis nous rejoue sa complainte de 2012 et celle de 2017, après avoir été le porte-parole de José Bové en 2007. Et c’est toujours al même rengaine : https://frontdegauchemontagnac.wordpress.com/2012/04/06/le-philosophe-libertaire-yannis-youlountas-sexplique-sur-son-appel-a-voter-melenchon/.