A Restinclières, les arbres protègent les cultures

Boursorama – AFP24/05/2019

Un technicien de l’INRA examine les vignes du centre de recherche de Restinclières, proche de Montpellier, dans l’Hérault, le 18 mai 2019 ( AFP / Pascal GUYOT )

Veillées par d’imposants pins pignons qui les protègent des insectes ravageurs, les vignes de grenache poussent sous le regard attentif des chercheurs du monde entier: le domaine de Restinclières, près de Montpellier, est un pionnier dans l’agroforesterie.

Anciennement propriété d’un botaniste anglais, le domaine a été racheté en 1990 par le département de l’Hérault, qui permet à l’INRA, l’Institut national de recherche agronomique, d’y mener des études pour vérifier les effets de la plantation d’arbres sur les rendements des cultures.

« C’est là qu’on a démontré que le système agroforestier était beaucoup plus productif qu’un système où les arbres sont séparés des cultures », raconte à l’AFP Christian Dupraz, directeur de recherche à l’INRA et concepteur du site agroforestier. Selon lui, arbres et cultures, lorsqu’ils sont combinés, peuvent produire jusqu’à « 50% de biomasse supplémentaire ».

24Une abeille posée sur une feuille de pommier abritant une masse de pucerons au centre INRA Restinclières, dans l'Hérault ( AFP / Pascal GUYOT )

Une abeille posée sur une feuille de pommier abritant une masse de pucerons au centre INRA Restinclières, dans l’Hérault ( AFP / Pascal GUYOT )

A l’entrée du domaine se côtoient pins d’Alep, cyprès, cèdres de l’Atlas, chênes verts… Un concentré de sylviculture méditerranéenne.

« Le parc compte quelque 80 essences d’arbres », indique à l’AFP Rodolphe Majurel, chargé de mission environnement au département de l’Hérault.

Particularité de ce laboratoire à ciel ouvert de 50 hectares: « des parcelles témoins de cultures normales et d’arbres seuls, pour une comparaison systématique » avec les résultats obtenus sur les parcelles agroforestières, qui réunissent les deux, souligne M. Dupraz.

– Arbres « tampons » pour le climat –

« Les arbres affectent le micro-climat par leur ombre déployée », explique Juliette Grimaldi, chercheuse à l’INRA. « Les températures maximales enregistrées dans la journée peuvent être 3 à 5 degrés plus fraîches pour les vignes plantées à proximité des arbres ».

Un technicien de l'INRA compte les pucerons sur un pommier du centre de recherche de Restinclières, proche de Montpellier, dans l'Hérault ( AFP / Pascal GUYOT )

Un technicien de l’INRA compte les pucerons sur un pommier du centre de recherche de Restinclières, proche de Montpellier, dans l’Hérault ( AFP / Pascal GUYOT )

Cette vertu protectrice joue aussi à inverse: en 2017, où le grand froid a causé de terribles dégâts dans le vignoble français, « nous avons eu moins de gel dans la parcelle agroforestière », rappelle Marie Gosme, responsable à l’INRA d’un projet sur les effets des arbres sur la productivité de la vigne.

Passé une certaine taille, les arbres affectent les rendements de la vigne en entrant en compétition avec elle pour la lumière, mais ils ont le mérite de « tamponner le climat »: en clair, « il fait moins chaud en été et moins froid en hiver. On accepte de perdre un petit peu de rendement tous les ans pour éviter la catastrophe climatique », explique-t-elle devant des scientifiques du monde entier au congrès d’agroforesterie de Montpellier.

« C’est un site de référence. C’est très proche des conditions réelles. En Grèce, nous avons des sites d’expérimentation, mais ils sont beaucoup plus petits », assure de son côté Anastasia Pantera, chercheuse grecque.

« Ce n’est pas souvent qu’on peut avoir différents types de parcelles avec les mêmes conditions climatiques et de sol », renchérit Marie-Stéphane Tixier, maître de conférences à Montpellier SupAgro.

– « Filtre » à nitrate –

Lors d’études menées sur les vignes, elle a pu mettre en évidence l’apport bénéfique des pins pignons dans la lutte contre les insectes ravageurs que sont certains acariens, en offrant un habitat pour leurs prédateurs, une autre espèce d’acarien.

« Les pins servent de réservoir à prédateurs et donnent à manger aux prédateurs », car ils « produisent des pollens, très nourrissants » pour ces derniers, poursuit Mme Tixier.

Un technicien de l'INRA mesure l'hydratation naturelle des plans de pois, au centre de Restinclières, dans l'Hérault ( AFP / Pascal GUYOT )

Un technicien de l’INRA mesure l’hydratation naturelle des plans de pois, au centre de Restinclières, dans l’Hérault ( AFP / Pascal GUYOT )

Le domaine abrite également des rangées de noyers autour de parcelles de grandes cultures: blé, pois, orge, selon les années.

« Les arbres sont de vrais pièges à nitrates, ça évite tous les problèmes de pollution de nappes phréatiques, l’arbre sert de filtre », explique Henri Breton, agriculteur responsable de la gestion de ces parcelles.

Outre l’effet « tampon » contre le climat, comme pour les vignes, la présence d’arbres crée de la biodiversité: il assure qu’il y a sur ces parcelles « beaucoup moins de pucerons sur les cultures qu’en plein champ ».

A en croire Marie Gosme, Restinclières n’a pas fini d’attirer les chercheurs : « Depuis que l’agroforesterie est redevenue à la mode, beaucoup de sites se sont créés, mais on ne va pas pouvoir observer les effets sur les cultures avant 20 ans ». Le temps pour les arbres de devenir grands.

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