VERS UNE GREVE GENERALE INSURRECTIONNELLE CET AUTOMNE/HIVER EN GRANDE-BRETAGNE QUI NE SERA PAS SANS EFFETS SUR LA FRANCE ET L’EUROPE
La grève générale qui est dans l’air en Grande-Bretagne pourrait bien devenir une réalité cet automne/hiver et prendre un tour insurrectionnel comme cela s’était fait en 1926. Une telle mobilisation aura inéluctablement un effet en cascade sur les luttes déjà importantes qui durent depuis des mois en France comme dans le reste de l’Europe, accélérant partout la prise de conscience de la nécessité de la grève générale d’autant qu’en Espagne ou en Belgique, cette question de la grève générale commence à se poser aussi de manière de plus en plus visible à tous les niveaux des mobilisations.
En juin, juillet et août, les travailleurs britanniques se sont déjà battus comme jamais contre la montée de l’inflation par de multiples grèves de la majorité des secteurs professionnels. Mais ce n’est qu’un début.
En effet, avec en Grande-Bretagne une inflation moyenne estimée à plus de 13% fin septembre (22% l’an prochain) mais en réalité bien supérieure puisque le prix de l’essence a déjà augmenté en ce mois d’août de 45%, celui du lait et du beurre de 40% et 24% respectivement, celui du poisson de 23%, des tomates de 22% et du pain de 17%…. et une hausse de 80% de l’électricité, du gaz et du fioul prévue au 1er octobre, de nombreux britanniques auront du mal à payer leur alimentation, 25% des britanniques ne pourront pas se chauffer cet hiver et les luttes déjà nombreuses vont prendre de plus en plus d’ampleur.
Qu’on en juge :
Les 115 000 employés de la Poste, qui ont fait grève les 28 et 31 août remettent ça les 8 et 9 septembre. Les cheminots et conducteurs de train qui multiplient les grèves, recommenceront les 15 septembre et 26 septembre. Le 5 septembre, les avocats pénalistes d’Angleterre et du Pays de Galles débuteront également une grève illimitée. 50 000 membres du personnel de soutien scolaire, ainsi que 100 000 employés des gouvernements locaux vont entrer en grève en septembre. 1 000 journalistes feront grève du 13 au 15 septembre. 1,5 millions de salariés du service de santé, envisagent la grève après le 27 septembre. 500 000 infirmières doivent faire de même après le 13 octobre. 600 000 enseignants ont prévu la grève pour l’automne. La grève de 2 000 dockers de Felixstowe, le plus grand port de conteneurs du pays, qui a bloqué le pays du 20 au 28 août, devrait reprendre à l’automne. La grève des éboueurs d’Edimbourg qui s’est étendue à une douzaine de villes, suspendue le 31 août, devrait rebondir d’ici peu et s’étendre encore car les éboueurs ont voté la grève dans le pays. Les travailleur d’Amazon qui viennent de mener des grèves sauvages ont décidé de repartir en grève mais cette fois tous ensemble, à 70 000, etc, etc.
L’ampleur des grèves est telle qu’elles sortent de la question strictement sociale pour prendre une dimension politique. Les grands partis britanniques, de droite ou de gauche, sont ébranlés.
Le 5 septembre, les conservateurs vont choisir leur nouveau premier ministre après avoir chassé Boris Johnson parce qu’il était incapable de mettre fin aux grèves. Mais le nouveau sera tout aussi impuissant illustrant aux yeux de tous la modification des rapports de force puisque même l’électorat conservateur soutien les grèves et commence à faite entendre son indignation contre l’inaction de leur parti face à l’inflation. Du côté de la gauche, bien que Keir Starmer, le chef du Parti Travailliste ait proposé ses services comme premier ministre pour casser les grèves et qu’il ait sanctionné un député qui avait rejoint un piquet de grève, ça commence aussi à vaciller. En effet, 600 élus travaillistes viennent de se déclarer publiquement favorables aux grèves désavouant ainsi leur dirigeant tandis que les cheminots ont eux choisi en protestation de faire grève le 26 septembre, date de la conférence nationale du Parti Travailliste. Par ailleurs, à l’approche du congrès national des syndicats, le TUCC, le 11 septembre, plusieurs dirigeants, dont ceux des deux plus grands syndicats, Unison et Unite, organisant 2,5 millions de travailleurs, ont déclaré sous pression de la base qu’il faudrait qu’ils synchronisent un peu plus les luttes en cours et ont lancé des appels en ce sens et le TUC a fini par appeler à une manifestation nationale devant le Parlement le 19 octobre.
Or le seul problème qui se pose pour un succès de la grève vient de là, – et c’est désormais dans la tête de beaucoup – la désorganisation voulue des grèves par les directions syndicales qui refusent totalement de les coordonner.
L’avenir des classes populaires britanniques – mais pas seulement puisqu’un succès ou une défaite aura un impact sur toute l’Europe – va se jouer sur cette question.
On ne peut guère compter sur les directions syndicales qui font entièrement partie du système pour coordonner ces grèves.
Mais c’est peut-être la société civile qui le fera.
En témoigne le succès de la campagne nationale « Enough is Enough » (Trop c’est Trop) qui dénonce la hausse des prix et qui compte déjà 500.000 adhérents alors qu’elle n’a été initiée qu’en août, demandant des augmentations de salaire généralisées, la baisse des tarifs de l’énergie, la lutte contre la faim et l’habitat indigne et une taxation importante des grandes fortunes. Le mouvement s’est étendu à plus de 70 villes au Royaume-Uni et appelle à une manifestation nationale le 1er octobre. Et puis, avec une démarche encore plus radicale, le mouvement « Don’t Pay » (Ne payez pas) incite les citoyens britanniques à cesser de payer leurs factures d’énergie à partir du 1er octobre qui a déjà eu une prolongation en Italie. Leur pétition en ligne rassemble déjà quelques 130.000 signataires, vise rapidement le million ou plus et a déjà organisé plusieurs manifestations pour brûler les factures.
Or ces mobilisations citoyennes réunissent toutes les classes pauvres, de toutes les professions, y compris bien sûr, des grévistes ou des familles de grévistes. C’est là où peuvent se rencontrer et s’organiser ensemble les travailleurs en grève pour coordonner leurs luttes.
Ce sont déjà des rassemblements de ce type contre la « Poll Tax » (une taxe d’habitation que 17 millions de britanniques avaient refusé de payer) qui avaient fait tomber en son temps Margaret Thatcher. Or cette fois-ci, en plus et en même temps, il y a cette énorme vague de grèves qui n’est pas près de cesser. Cela rappelle la grève de Ford en en 1978, qui mit le feu au pays, lorsque le gouvernement d’alors voulut plafonner les hausses de salaire à 5% déjà dans un contexte d’inflation à 8%. 50.000 ouvriers de Ford s’étaient mis en grève et après deux mois de lutte, ils obtinrent 17% d’augmentation de salaire, ce qui entraîna tout le pays dans la grève à l’automne 1978 et l’hiver 1979 avec des grévistes déterminés sur leurs piquets enneigés, un pays entier à l’arrêt, avec écoles fermées, supermarchés aux rayonnages vides et queues interminables aux stations services. Aujourd’hui, en plus petit mais de la même manière, ce qui témoigne du caractère explosif de la situation, la vague de grèves a déjà fait céder à la direction de l’aéroport de Londres Heathrow une augmentation de 13% à ses employés à la simple menace d’entrer en grève.
A ces époques, ces mouvements n’avaient pas été au delà de la Grande Bretagne. Aujourd’hui, l’inflation est mondiale. La lutte contre l’inflation aussi.
Il est bien probable que nous avancions cet automne/hiver en Grande Bretagne vers une addition explosive de la lutte de la Poll Tax et de la grève des ouvriers de Ford, c’est-à-dire un mouvement bien plus important et plus subversif dont le caractère insurrectionnel ne pourra qu’influencer toutes les luttes du continent dans une spirale progressive de prises de consciences et de luttes.
Jacques Chastaing, 4 septembre 2022.
Christian Ribaud et 69 autres personnes
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