Image mise en avant : front Nord-Est à la date du 9 septembre, blog « la voie de l’épée ».
Avec des jours de retard, les médias captent que la situation vient à nouveau de basculer en Ukraine.
Tournant militaire.
Résumons l’aspect militaire des choses, qui n’est pas que militaire.
Depuis des semaines, se préparait une offensive de grignotage sur le secteur de Kherson. Engagée le 29 août – jour anniversaire du massacre d’Ilovaisk, des centaines d’ukrainiens égorgés par les « organes » en 2014 – elle a suscité panique dans l’armée russe en proie à la décomposition – alcoolisme, pillage, heurts entre groupes nationaux, désertions – et inquiétude dans le commandement russe, qui a déplacé, laborieusement en raison de la destruction partielle des ponts, des troupes du front de l’Est.
Le 6 septembre, une offensive frontale a subitement commencé sur la partie Nord de ce front en partie dégarni pour Kherson. La petite ville de Balakliya a été prise, ouvrant la voie à une triple percée à partir d’elle, conduisant, avec une rapidité qui a surpris tout le monde état-major ukrainien compris, à la prise de Kupiansk, nœud logistique, puis d’Izium, clef du Nord du Donbass, et à l’investissement de celui-ci, jusqu’à Severodonetzk à présent ! En première ligne, la Légion internationale dont le jeune Adrien Dugay fut jusqu’à sa mort en juin dernier.
Le militaire dépend entièrement du politico-social et nous en avons là, si besoin, la leçon de choses. L’armée ukrainienne sait pourquoi elle combat. Elle est portée par la population et la majeure partie de son armement ne provient pas de l’ « Occident », mais de l’auto-organisation – les initiatives de crownfunding, de collecte coopérative, ne se comptent plus, par exemple celle d’Alexandre Koltchenko, anarchiste de Crimée présent quelque part sur le front Sud -, même s’il est certain que l’artillerie de précision, insuffisante mais indispensable, provient des livraisons principalement US. L’armée russe ne comprend pas ce qu’elle fait là et ce sont de véritables implosions dans ses rangs qui ont ouvert la voie aux avancées ukrainiennes, ouvrant aussi les brèches de la crise au sommet à Moscou et de la crise politique en Russie, et créant une situation ou désormais l’initiative semble avoir tout à fait changé de camp.
Tournant vers le péril industriel nucléaire.
Mais attention : ce tournant militaire aux causes sociales et politiques est accompagné, et aggrave, le tournant vers le danger nucléaire criminellement passé au second plan de tous nos « grands médias ». C’est, bien sûr, Zaporijjia. Répétons-le : la sécurité des ukrainiens et de tous les peuples du continent passerait par l’arrêt planifié de toutes les centrales de la région, et son corollaire l’organisation de la livraison d’électricité à l’Ukraine. La visite de l’AIEA et des enquêtes de presse permettent à présent de dire que la majorité des bombardements dans la centrale furent bel et bien russes, même si l’armée ukrainienne a sans doute elle aussi joué avec le feu. Depuis maintenant 4 jours la centrale est à l’arrêt et le refroidissement des réacteurs est assuré par des diesels qui sont pratiquement en roue libre car le personnel qualifié pour les gérer n’est plus là ou est épuisé. Mais c’est bien plus que Zaporijjia depuis cette nuit. Car la seule réaction militaire russe sérieuse à la défaite en cours, pour l’instant, a consisté à bombarder les installations de distribution électrique, coupant électricité et eau à la moitié de l’Ukraine. Et à plusieurs autres centrales nucléaires !
Bien entendu, la menace des armes nucléaires proprement dite n’est pas éteinte, elle est là, en réalité plus qu’en février.
Tournant social en gestation.
La ville de Donetzk est à nouveau approchée par les troupes ukrainiennes. Son gauleiter colonial et mafieux Denis Pouchiline s’est enfui. Les « Républiques populaires » vont-elles imploser ? On ne peut le dire à cette heure. Mais rien ne pourrait arriver de mieux. Ce serait là le plus grand évènement révolutionnaire mondiale depuis l’ouverture des « révolutions arabes », assuré par le premier grand évènement révolutionnaire de l’année 2022 : la levée en masse, par en bas, du peuple ukrainien – l’autre grand évènement de l’année ayant été la poussée révolutionnaire au Sri Lanka !
Ceci nous conduit, après le tournant militaire nourri par la réalité sociale et politique, et le tournant de l’aggravation considérable du danger causé par l’industrie nucléaire en zone de guerre, au troisième tournant, que nous signalent par mille et une petites remarques nos camarades ukrainiens, notamment les jeunes militants du Sotsialnyi Rukh et les syndicalistes : la population murmure et plus que cela contre les oligarques et les profiteurs. Le peuple le plus auto-organisé d’Europe, dans lequel le plus d’armes ont été disséminées, est aussi le plus pauvre et le plus précarisé. Les lois antisociales avalisées par Zelenski, théoriquement limitée par lui à la période de guerre, en sont le symbole. La majorité des salariés ukrainiens ont perdu ou changé d’emploi depuis le 24 février. La volonté de chasser l’envahisseur colonial va de pair avec le mécontentement social. Plus l’armée russe subit de défaites, plus ce mécontentement monte avec la conscience de la force collective du peuple.
Il est temps, grand temps, qu’en France et en Europe nous prenions conscience de cette histoire réelle avant qu’elle n’entre brusquement dans nos appartements !
VP, le 12/09/22.
NB : nous avons eu des nouvelles d’Alexandre Koltchenko, anarchiste et syndicaliste de Crimée libéré en août 2019, grâce, notamment, à la campagne coordonnée par Maksym Butkevitch toujours prisonnier. Cette photo résume ces nouvelles :
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