Le nouveau modèle de camion blindé de la gendarmerie, utilisé lors de manifestations, sera équipé d’une mitrailleuse lourde, d’un lanceur de grenade multi coups et d’une caméra d’identification à longue distance.
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Au salon de l’armement Eurosatory, qui s’est déroulé en juin à Villepinte, le ministère de l’intérieur a présenté pour la première fois son nouveau camion blindé de 14 tonnes et de plus de 7 mètres de long.
Incarnation d’un « savoir-faire efficace et moderne », d’après un gendarme présent au salon, le Centaure, c’est son nom, est le nouveau véhicule blindé de la Gendarmerie. Le ministère de l’Intérieur en a commandé 90.
Polyvalent, le Centaure sera utilisé en maintien de l’ordre en manifestations mais aussi dans le cadre de la lutte anti-terroriste ou en soutien lors de catastrophes naturelles.
Mitrailleuse calibre 7.62
Sur son toit, le camion est orné d’un fusil mitrailleur de type FN MAG 58, capable de tirer 1000 coups à la minute d’un calibre 7.62. Une arme de guerre, pilotée depuis l’intérieur du véhicule grâce à une caméra intégrée au système, qui restera fixée au blindé même lors de mission de maintien de l’ordre.
« Démonter et remonter l’arme en fonction des missions prendrait trop de temps et limiterait le blindé sur le terrain », explique un représentant de la gendarmerie lors du salon de l’armement. Contacté, le ministère de l’intérieur répondra, signe de l’importance de dossier, via le conseiller presse de Gérald Darmanin qui affirme de son côté que les équipements, dont la mitrailleuse, orneront les blindés uniquement lorsque ça sera nécessaire. « Il possède la même gamme d’équipement que les véhicules actuels et la mitrailleuse ne sera montée que pour des missions particulières comme en Opex – opérations extérieures. »
Or du côté de la Direction Générale de la Gendarmerie Nationale (qui a répondu à Politis après que nous ayons révélé ce nouveau modèle sur les réseaux sociaux), un général, chef de la communication etfin connaisseur du parc blindé, confirme que « la mitrailleuse ne sera pas forcément retirée car cette opération est assez complexe, plus que sur les anciens Véhicules blindés à roues de la Gendarmerie (VBRG) ». Conscient des polémiques possibles sur la présence de ce type d’arme lors de manifestations, il précise que celle-ci sera « dans une housse et sans munitions ».
Pour le moment, aucune consigne claire n’a été donnée sur le maintien de l’arme en maintien de l’ordre : le blindé n’est pas encore en service.
Mais présente ou non, pour le général « ça ne changera pas grand-chose car de toute manière l’arme ne sera pas utilisée dans les manifestations, bien évidemment ». Le haut gradé termine en précisant que la Gendarmerie réfléchit aussi à inclure des écrans sur les véhicules pour mieux communiquer avec les manifestants « lors des sommations par exemple ».
Lance grenades et caméras
Le Centaure dispose aussi sur son toit, d’un lance-grenades lacrymogène, venu de Corée du sud, capable de tirer 30 munitions à deux reprises lors des manifestations. C’est 30 fois plus que les anciens VBRG qui disposent d’un lance grenade mono-coup.
Derrière ce lance grenades, une imposante caméra de l’entreprise française Syt Technologie. D’après le catalogue du fabricant, ces caméras sont capables d’identifier une personne à plus d’une dizaine de kilomètres en plein jour et à quelques kilomètres de nuit. Tout à l’arrière, on trouve enfin, une tourelle composée de quatre micros dédiés à la détection acoustique de tirs par l’entreprise Metravib Defence membre du GICAT, un groupement d’entreprises privées françaises qui organise le salon. On retrouve cette technologie sur de nombreux véhicules de l’armée.
57 millions d’euros
Cela fait plusieurs années que la Gendarmerie cherche à remplacer ses vieux VBRG, dont les premiers, des Berliet VXB 170, datent des années 70. Ces blindés se répartissent aujourd’hui entre le groupement blindé de gendarmerie mobile de Satory, le centre national d’entraînement des forces de la gendarmerie de Saint-Astier et des détachements outre-mer. Ils sont prévus pour les situations de crise où les forces classiques de maintien de l’ordre se révèlent insuffisantes, mais le recours à l’armée, excessif. Ainsi ils peuvent résister à tout genre de projectiles, comme des cocktails Molotovs, voire des tirs d’armes à feu. Ils sont utilisés pour la première fois en métropole en 1979, lorsqu’un village, Chooz, dans les Ardennes, se révolte contre la construction d’une centrale nucléaire.
A lire : A Chooz, le prix de l’atome
Aujourd’hui ils sont principalement mobilisés pour franchir des barricades en métropole, en Corse et en Outre mer. Plusieurs VBRG avaient ainsi été déployés lors des manifestations des gilets jaunes ou de l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.
En 2020, le parc devenant difficile à entretenir, l’État avait opté pour une rénovation expérimentale à 200.000€ par blindé. L’opération est finalement abandonnée et le ministère de l’Intérieur décide donc d’acquérir 90 Centaure pour 57 millions d’euros. « La commande de la gendarmerie n’est pas la plus grosse pour nous mais cela va nous donner une excellente image à l’internationale. C’est un sacré label pour nous », précise un représentant de la société Soframe, qui a remporté le marché public le 27 octobre 2021.
D’après cette entreprise, 1 800 exemplaires de ce blindé ont été vendus dans le monde entier.
Quatre-vingt-dix autres à l’Arabie saoudite alors que le royaume est impliqué dans la guerre au Yémen depuis 2015. En 2018, Aymeric Elluin, chargé de plaidoyer armes à Amnesty International France, confirmait l’acquisition de ces blindés par la garde nationale saoudienne après le début du conflit. Début 2022, l’ONU a estimé à près de 400 000 le nombre de morts causés par cette guerre.
Pour Soframe, le Centaure qui équipera la gendarmerie est une « pépite de savoir-faire. » Imposant, il est un sujet de fierté pour des gendarmes qui le présentent : « Ça va vraiment nous changer ! » se réjouissent-ils.
Un changement que percevront aussi les manifestants français.
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