UN POLICIER URINE SUR DEUX ADOLESCENTS À SAINT-OUEN DEVANT SES COLLÈGUES, EN PLUS
DE VIOLENCES ET D’INSULTES RACISTES
Accusé d’avoir uriné sur deux mineurs, et d’avoir frappé un groupe d’adolescents, un policier municipal de Saint-Ouen sera bientôt jugé au tribunal de Bobigny.
David Perrotin livre une enquête très détaillée pour Mediapart sur des faits extrêmement graves commis par deux agents de la police municipale audonienne, en compagnie de cinq autres complices.
Ces deux agents de la ville de Saint-Ouen, située en Seine-Saint-Denis, ont été renvoyés accusés d’avoir dissimulé des violences physiques, accompagnées d’insultes racistes.
Pire encore, l’un d’entre eux, toujours en poste au Blanc-Mesnil, aurait uriné sur deux adolescents, ce qui peut-etre considéré a minima comme une agression sexuelle sur mineurs.
Nous sommes le 17 mars 2021, Thibault*, Sammy* et Mehdi* âgés de 14 et 16 ans, enfreignent la loi durant le confinement et décident de se retrouver dehors aux alentours de minuit trente.
Pourchassés dans un premier temps par la police nationale, les trois adolescents s’enfuient.
Appelés en renfort, sept agents de la police municipale parviennent à les attraper.
Les adolescents se retrouvent menottés, mis à genoux contre un muret puis arrêtés.
Mediapart rappelle à juste titre, que le non-respect au confinement était sanctionné normalement par une simple amende.
Les insultes fusent, le chef de brigade Yohan C aurait dit à Mehdi « ce soir, il allait prendre sa mère », « Vu qu’il y a des arbres et que tu es noir, tu peux bien grimper aux arbres. »
Par la suite, son collègue, Cédric G aurait enfilé des gants renforcés pour « gifler à six ou sept reprises » Thibault. Il l’aurait relevé avec Sammy pour les « allonger au sol face au mur ». « De là, il nous a uriné dessus en disant que ça faisait du bien de se soulager », affirme le jeune garçon dans sa plainte déposée le lendemain des faits.
(Toutes les parties entre guillemets sont extraites de l’article de Médiapart).
Arrivé au commissariat de la police nationale, Thibault aurait été saisi à la gorge une dizaine de secondes, après avoir raconté l’histoire devant d’autres policiers. Cédric G l’accuse d’outrages et lui assène une nouvelle série de gifles.
Sammy livre le même témoignage « J’ai dit que j’avais mon attestation car je sortais du travail mais ils ne m’ont pas cru et m’ont jeté dans un coin avec deux autres individus (…)
Ils m’ont mis des coups de matraque au niveau du genou droit et au genou gauche ainsi qu’aux deux autres individus », explique-t-il. « Le policier municipal a ouvert sa braguette, a sorti son sexe et a commencé à m’uriner dessus au niveau des genoux ainsi que sur l’un des deux autres individus. Il était accompagné d’une dizaine d’autres policiers municipaux qui ont vu les faits ».
Côté police, comme à l’accoutumée, on nie les faits : « À 00 heure et 25 minutes, conduisons les individus au commissariat de police pour effectuer une vérification d’identité. (..) Précisons que les transports se sont déroulés sans incident. (…) Verbalisons les individus pour le non-respect du couvre-feu ». (Procès verbal).
Seulement voilà, le frère de Sammy est lui-même policier, plus précisément, agent de la BAC.
Mamadou*, se serait rendu immédiatement au commissariat de Saint-Ouen pour se confronter aux bourreaux de son frère, arrivé chez eux en larmes, lui déballant tout.
Yohan C nie tout de fond en comble, prétextant que Sammy se serait assis dans un endroit où se trouve de l’urine. Mamadou affirme qu’il va porter plainte et conserve les vêtements de son petit frère, mis sous scellés, afin de prouver que l’urine provient du policier.
La Mairie de Saint-Ouen fait ouvrir une enquête administrative, les deux policiers nient en bloc.
Prétextant une « prostate fragile », Cédric G se défend comme il peut pendant son audition et reconnaît avoir sorti son penis « Je ne voulais pas exhiber mon sexe. C’était uniquement pour le pincer et pouvoir me retenir plus longtemps ». Évidemment son collègue le couvre : « à chaque fois, en service, il a besoin d’aller pisser. Pire qu’une femme. », aucun certificat médical ne confirme cette version.
L’enquête de la municipalité de Saint-Ouen et le tribunal de Bobigny ne retiendront pas le jet d’urine mais « un traitement dégradant sur mineurs et mineurs de moins de 15 ans en ce qu’il y a exhibition, sur la voie publique, attentat à la pudeur et intention manifeste d’humilier les interpellés ». Les analyses réalisées après plusieurs mois sur les vêtements de Sammy s’avèrent négatives et Thibault avait lavé les siens.
Autre point que les policiers n’avaient pas prévu :
une vidéosurveillance témoigne des faits de violences dans le commissariat. Il est important de préciser que les agents de la ville avaient dans un premier temps refusé de livrer ces images.
Le brigadier du centre opérationnel ira jusqu’à prétendre que la vidéo a été effacée automatiquement avant de se résorber prétextant réaliser soudainement l’affaire qui est évoquée.
De plus, une vidéo prise à l’intérieur du commissariat par un autre policier municipal contredit cette version. L’auteur de la vidéo Daniel.L aurait ri en filmant l’adolescent 14 ans en train de se faire frapper. Le témoignage des policiers présents aux moments des faits à l’extérieur et dans le commissariat se contredisent.
Par exemple, certains affirment qu’un sexe a été sorti, d’autres non.
Les exactions commises par la police municipale de Saint-Ouen semblent récurrentes, un membre de l’équipe de CND affirme avoir entendu des témoignages faisant état d’exactions à l’encontre de mineurs.
Se posent alors plusieurs questions : pourquoi les policiers témoins de la scène ont-ils laissé faire de a à z ? Comment ces deux agents ont pu être réembauchés après cette histoire en tant que policiers municipaux ?
De plus, l’inaction des policiers face à des faits inadmissibles devrait elle aussi être un motif de sanction.
Cédric.G sera jugé le 15 décembre au tribunal de Bobigny.
Aussi grave et choquante que soit cette affaire, elle n’est malheureusement pas surprenante.
Il y a fort à parier que les policiers ne seraient peut-être pas inquiétés si le frère d’une des victimes n’en n’était pas un lui-même.
Pour finir, les deux enquêtes qui refusent de reconnaître le jet d’urine témoignent de la passivité, voire même de la complicité de la justice vis-à-vis des violences policières.
L’intégralité de l’investigation est à retrouver sur le site de Mediapart
*tous les noms portant une astérisque ont été modifiés
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