Omar Sy, les coulisses d’une interview qui fait polémique

Omar Sy photographié au mémorial de Verdun, jeudi dernier, sur le champ de bataille de la grand Guerre 14/18
CE QUE DIT LA POLÉMIQUE A PROPOS D’OMAR SY
Dans le cadre d’une interview accordée au journal Le Parisien, l’acteur français a suscité une vague d’indignation à caractère négrophobe qui encore une fois ne dit pas son nom.
Et qu’importe à quel point il répète aimer la France et se sentir français.
Comme toujours, dès lors qu’un noir évoque un passé ou un présent pouvant sembler défavorable à la France ou son histoire, il est immédiatement considéré comme « ingrat ». Comme si sa reconnaissance envers le pays devait être linéaire, et que le droit à la critique, ou simplement le fait d’émettre un avis, lui serait interdit.
Ces propos ont déjà été tenu par d’autres mais n’ont jamais suscité les mêmes réactions : c’est bien parce qu’Omar Sy est un acteur noir, qui plus est à succès, que cette violence lui tombe dessus.
LE CADRE DE L’INTERVIEW ACCESSIBLE EN PAYANT DEVENUE POLÉMIQUE
L’acteur était venu initialement parler de son dernier film “Tirailleurs”.
Film qui traite des bataillons indigènes, issus du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne, et qui ont payé un lourd tribut durant les deux guerres mondiales, dépourvus de la moindre reconnaissance de la France qui a toujours volontairement blanchi les bataillons à l’honneur durant les défilés.
« Tirailleurs » évoque l’enfer des tranchées vécu par ces combattants de par leurs origines. Le long métrage
part de l’histoire du jeune sénégalais Thierno Diallo, enrôlé à Verdun, et de son père âgé d’une quarantaine d’années, (interprété par l’acteur phare Omar Sy), qui le rejoint pour ne pas l’abandonner.
« L’histoire m’a touché à deux niveaux car je suis à la fois père et fils »
(…)
« C’est à la cantine pendant le tournage d’Intouchables, dont il était chef-opérateur, que Mathieu Vadepied m’a demandé si le Soldat inconnu pourrait être un tirailleur, se souvient Omar Sy. Je me suis alors demandé pourquoi je ne m’étais jamais posé la question. »
La réponse, l’acteur et le réalisateur la donnent avec autant de respect que de sens du spectacle dans » Tirailleurs ». Ils rendent un hommage vibrant aux soldats africains du Premier conflit mondial.
« On associe souvent les tirailleurs à la Seconde Guerre mondiale, insiste Omar Sy. Je trouvais important de remédier à l’absence d’informations que j’avais à leur sujet. » (source 20 Minutes)
Au cours de cette interview, l’acteur évoque également les atrocités de la guerre de manière globale.
Il déplore aussi le manque de reconnaissance pour les peuples colonisés, morts pour la France qui “méritent plus que la Patrouille de France” et constate une certaine indignation sélective en prenant le conflit en Ukraine pour exemple.
« Je suis surpris que les gens soient si atteints. Ça veut dire que quand c’est en Afrique, vous êtes moins atteints ? », a-t-il estimé. (…) « Moi, je me sens menacé de la même manière quand c’est en Iran, ou en Ukraine. (…) Une guerre, c’est l’humanité qui sombre, même quand c’est à l’autre bout du monde. »
L’INDIGNATION SÉLECTIVE : UNE RÉALITÉ POURTANT ASSUMÉE
C’est par ce simple constat à propos de la hiérarchisation de l’horreur que ferait une partie de la population vis-à-vis des guerres que l’acteur français Omar Sy, considéré comme une des personnalités parmi les plus appréciées de France a suscité une énorme polémique, très probablement malgré lui.
En relevant la différence de traitement et l’indignation à deux niveaux entre le peuple Ukrainiens, et d’autres peuples, notamment sur le continent africain.
Depuis, de nombreuses insultes et accusations aberrantes fusent, de la Macronie au Rassemblement National.
Parmi les arguments avancés pour attaquer l’acteur français, deux d’entre eux reviennent particulièrement.
Le premier concerne la mort de soldats français engagés dans le cadre de l’opération Barkhane. Tout en omettant la responsabilité énorme de l’État français qui a créé cette situation, devenue tâche d’huile en partant du Mali et contaminant dorénavant une partie de l’Afrique de l’Ouest. Finalement, cette idée vient renforcer celle d’une indignation sélective, puisqu’elle n’évoque pas la mort des civils africains victimes de cette guerre, ni même celle de leurs soldats.
Le second argument encore plus relayé sur la toile est celui d’une « proximité culturelle » qui serait forte avec l’Ukraine. Depuis quand parle-t-on d’ une proximité culturelle avec ce pays ?
N’y a-t-il pas, avant tout, des intérêts géostratégiques ?
Les influences et/ou interactions culturelles allant de l’alimentation à la culture (musique, littérature, danses, cinéma…), en passant par le langage sont-elles vraiment si importantes ?
Disons le clairement : la proximité en question est avant tout d’ordre raciale.
Les Ukrainiens sont blancs et chrétiens et donc mériteraient d’être soutenus et d’obtenir un statut de réfugiés. Contrairement aux autres exilés, venus d’anciennes colonies, d’Erythrée, du Soudan, d’Afghanistan, du sous continent Indien etc…
Qui peut nier le fait que les réfugiés ukrainiens bénéficient d’un traitement de faveur concernant le droit d’asile ? L’accès à des logements d’urgence ? Aux aides et campagnes de solidarité de manière globale ?
Est ce que cela veut-il dire que nous ne devrions pas parler de l’Ukraine, ou refuser de leur apporter notre aide ? Évidemment non !
Le problème est dans cette hiérarchie poussée par les médias mainstream qui appuient cette indignation sélective et reproduisent ce schéma raciste pour le compte de la suprématie blanche.
Car c’est bien de ça dont il est question à travers cette polémique portée par un homme noir et français.
Comment nier que la guerre en Ukraine est plus régulièrement mise en avant que d’autres conflits armés ?
A quel moment s’est-on attardé sur le sort de pays comme la Lybie ou l’Afghanistan que la France a contribué à anéantir ?
Soyons honnêtes, qui entend parler du conflit dans le Tigrée (Ethiopie) ? De la gravité de l’atrocité toujours en cours à l’Est du Congo dans la région du Kivu où l’on dénombre des millions de morts ? Qui se soucie de la Centrafrique, ou du Yémen, pays meurtri et massacré par la coalition du Golf avec des armes françaises ? Combien de temps a t’on consacré aux massacres de Rohingyas ou des Ouïghours ?
Tant d’exemples prouvent ce que dénonce Omar Sy sur les horreurs de la guerre.
Et pour en revenir à l’acteur, peut-être devrions nous aussi nous poser la question de sa descente derrière Jean-Jacques Goldman, parmi les personnalités préférées des français.
Ses prises de positions politiques à plusieurs reprises contre les violences policières ou encore le racisme auraient-elles eu une influence ?
Omar Sy serait-il passé du stade de l’indigène modèle intégré après “Intouchable”, voire assimilé aux yeux d’une partie des français à celui « d’un ingrat qui ne reconnaît pas sa patrie » ?
Il aura suffit d’une petite phrase témoignant d’un profond désir de paix de la part de l’acteur pour réveiller les démons racistes enfantés par la République.
Au fond quoi de pire pour un raciste qu’un noir qui dit ce qu’il pense ?
Il s’agit bien de ça, mais aussi du témoignage de lacunes profondes et d’une auto-critique à émettre à l’encontre du camp progressiste, évidemment concernant son antiracisme politique.
Mais nous devons également rappeler son absence générale de perspectives internationalistes, d’un mouvement anti-guerre et d’intérêts à lutter face aux impérialismes, y compris régionaux.
Dans ces conditions, Omar Sy ne bénéficie logiquement pas du soutien dont il mérite.
📷 Lionel Guericolas/MPP/Starface
Peut être un mème de 1 personne et texte qui dit ’CE QUE DIT LA POLEMIQUE SUR OMAR SY Quoi de pire pour un raciste qu'un noir qui dit ce qu'il pense?’
L’entretien du Parisien-Aujourd’hui en France avec l’acteur et coproducteur du film « Tirailleurs », qui sort ce mercredi en salles, a fait réagir le milieu politique, notamment en raison de ses propos sur l’Ukraine. Explications.
Omar Sy photographié au mémorial de Verdun, sur le champ de bataille de la Grande Guerre, que raconte «Tirailleurs» à travers le regard des soldats du Sénégal, alors colonie française. Yoann Le Gruiec pour Gaumont
Le 2 janvier 2023 à 20h45, modifié le 3 janvier 2023

Mais comment en est-on arrivé là ? Un échange nourri et passionnant avec Omar Sy sur la guerre, de celle que raconte son film « Tirailleurs » sur 1914-1918, dans les salles ce mercredi 4 janvier, à celles d’aujourd’hui. Un entretien très vivant, mais sans le moindre sentiment d’attaquer quiconque ou d’allumer la mèche d’une future polémique. Et voilà que l’acteur se retrouve ce lundi attaqué par des politiques, objet de débats musclés sur des chaînes infos pour quelques phrases sur l’Ukraine sorties de leur contexte. Explications.

Ce vendredi 13 décembre, Omar Sy sort de l’enregistrement de « Vivement dimanche » avec Michel Drucker, et nous rejoint dans une loge du Studio Gabriel (Paris VIIIe) pour parler du film « Tirailleurs ». Il y interprète Bakary, un quadragénaire sénégalais qui décide d’accompagner son fils à peine sorti de l’adolescence et enrôlé de force dans l’armée française pour aller se battre en 1917 dans les tranchées de Verdun. Le Sénégal est alors une colonie française, et l’histoire des tirailleurs est très mal connue, comme le rappelle une phrase dès le générique : 200 000 hommes venus de lointaines colonies pour monter au front dans l’enfer de 1914-1918.

« Oh, les copains ? Je vois ça depuis que je suis petit »

Dans la pièce, juste nous deux, et le chien d’Omar Sy, Tato. Et, bien sûr, un téléphone en mode enregistrement pour ne rien perdre de ses propos et ne pas risquer le contresens. Après des questions sur le film, un projet qu’il porte avec le réalisateur Mathieu Vadepied depuis dix ans, et l’histoire des tirailleurs eux-mêmes, nous décidons d’aborder le thème de la guerre en général, toujours omniprésente un siècle après.

Ce qui fait polémique ce lundi nous semble avoir été sorti de son contexte, tant Omar Sy y expose son horreur des atrocités commises sans cesse dans le monde depuis l’époque des tirailleurs, et pas seulement en Ukraine : « Une guerre, c’est l’humanité qui sombre, même quand c’est à l’autre bout du monde. On se rappelle que l’homme est capable d’envahir, d’attaquer des civils, des enfants. On a l’impression qu’il faut attendre l’Ukraine pour s’en rendre compte. Oh, les copains ? Je vois ça depuis que je suis petit. Quand c’est loin, on se dit que là-bas, ce sont des sauvages, nous, on ne fait plus ça. Comme le Covid, au début, on a dit : c’est que les Chinois. »

Un « vous » qui pourrait tout aussi bien être en chacun de nous

Son « oh, les copains ? », qui est tellement sa voix, nous interpelle. L’interview devient presque une discussion. Oui, la règle de proximité fait sans doute que l’on se sent peut-être davantage concerné par un conflit à Kiev qu’au Yémen ou de la guerre autrefois au Sahara occidental. C’est nous qui lui avons cité ce conflit, pas lui.

Il n’y a, à l’évidence, aucune tonalité polémique dans sa réponse. À aucun moment l’acteur ne laisse entendre que l’on parle trop de l’Ukraine. Sinon, nous lui aurions demandé de préciser sa pensée, mais elle est fluide et limpide. La guerre le touche depuis son enfance, où qu’elle surgisse.

« Quand c’est en Afrique, vous êtes moins atteints ? » Cette phrase qui a mis le feu aux poudres ne désigne pas, comme le laissent entendre celles et ceux qui ont nourri cette polémique depuis vingt-quatre heures, la France ou les Français.

C’est une conversation, et ce « vous », ce sont ceux qui se sentent moins concernés quand des enfants sont massacrés par des bombardements à l’autre bout du monde, où qu’ils se trouvent. Il le dit sans aucune virulence. Il ne s’agit que d’un débat, d’un « vous » qui pourrait tout aussi bien être en chacun de nous. Une manière de se décentrer, de réfléchir autrement. Le ton est convaincu mais apaisé, humaniste.

La parole d’un homme sensible aux atrocités

Dimanche soir, quelques heures après la publication de l’interview sur notre site Internet, la députée européenne Nathalie Loiseau et ancienne ministre du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, a lancé la polémique en évoquant « 58 militaires français morts au Sahel en luttant contre les djihadistes », au Mali. Et en ajoutant que les Français se sentent bien « atteints » par la situation en Afrique.

Et nous nous sommes quittés, sans avoir le sentiment que des propos pourraient choquer. Faire réfléchir, oui. Ce qui n’est pas du tout la même chose. L’interview, particulièrement dans sa version longue diffusée sur notre site, parle d’elle-même. La parole d’un homme sensible aux atrocités, qu’elles soient commises « en Ukraine ou en Iran », comme il le dit.

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