L’enseignant controversé, très influent sur internet, était interviewé sur Le Média, lundi soir.
Invité lundi 10 juin de l’émission « Cartes sur tables » sur la chaîne en ligne Le Média, le professeur d’éco-gestion Etienne Chouard, auteur d’un blog influent et inspirateur de plusieurs débats de société sur la réforme des institutions, a été longuement interrogé par le journaliste Denis Robert sur la question des chambres à gaz.
Alors qu’Etienne Chouard, qui s’est affiché aux côtés de plusieurs leaders des « gilets jaunes » ces derniers mois, soulignait l’importance de « déconstruire l’histoire écrite par les vainqueurs », le nouveau patron du Média a tenu à revenir sur les nombreuses attaques à l’encontre de l’intellectuel, notamment sur son indulgence supposée pour les penseurs négationnistes.
« Mais qu’est-ce que c’est que cette question-là…, s’agace Etienne Chouard. « Ce n’est pas mon sujet, j’y connais rien, moi. »
« Tu ne peux pas répondre “J’y connais rien” ! »
« Bien sûr que si ! Alors je vais te dire “Je n’ai aucun doute’’. Juste, je n’y connais rien. Je dis que je n’ai aucun doute, sinon je suis un criminel de la pensée. Il y a un truc déconnant, là. On demande aux gens d’être sûrs, d’avoir une certitude, sur un sujet qu’ils ne connaissent pas. »
« Je n’ai jamais rien lu là-dessus »
Mais Denis Robert n’est pas satisfait de la réponse apportée par son interlocuteur : « Ce n’est pas que tu es un criminel, c’est qu’à ton niveau de popularité, avec ce que tu fais, les procès en sorcellerie qu’on te fait, je trouve dingue que tu dises que tu ne sais pas et que tu n’as pas pris le temps de te renseigner depuis sur le sujet. »
« Sur les chambres à gaz ? Ce n’est absolument pas mon sujet, je n’ai pas pris le temps du tout », répète Etienne Chouard.
« Le confusionnisme c’est ça, c’est ce qu’on te reproche. A un moment donné, sur ces questions-là, il faut que tu sois d’une grande intransigeance et d’une grande clarté », souligne Denis Robert.
« Que je dise quoi ? Que je dise ’’les chambres à gaz ont existé’’, de manière tranchée, non ambiguë ? » répond Chouard. « Je peux le dire si vous voulez, mais rendez-vous compte du truc. Je n’ai jamais rien lu là-dessus. »
« Je n’ai pas besoin d’avoir lu des ouvrages scientifiques pour dire que la Terre est ronde », rétorque Mathias Enthoven, le rédacteur en chef numérique du Média qui participe également à l’interview. « Je n’ai pas besoin d’avoir lu cinquante ouvrages pour affirmer que les chambres à gaz existaient. Là-dessus, je trouve que vous n’êtes pas clair. »
« Bon bah, les chambres à gaz existaient. Mais bon, enfin… »
Denis Robert est embarrassé : « J’ai l’impression d’être un procureur, alors que ce n’est pas le but, le but est de dialoguer… »
« Oui, un petit peu, sans vous en rendre compte ! », confirme Chouard.« Je pense à “1984’’ et au crime de la pensée. Ça me fait penser à ça. Dans la description que fait Orwell du monde totalitaire soviétique, qui s’adapte magnifiquement bien à de nombreux aspects du monde actuel, il décrivait la nécessité pour Big Brother, pour quelqu’un qui veut dominer la société, de n’avoir que des oppositions contrôlées, et de définir des crimes de la pensée : il y a des choses qu’on n’a pas le droit de dire, et c’est Big Brother qui décide. […] Tu vois bien que c’est une manœuvre pour me discréditer, pour que je ne puisse pas parler de mon sujet. Comment ça se fait que ça arrive dans la conversation ? Ce n’est pas mon sujet du tout ! »
« Va falloir bosser ça… »
« Ce qui m’avait donné envie de faire cette émission, c’était de voir la violence des attaques dont tu étais l’objet », insiste Denis Robert, justifiant son interrogation : « Ce qu’on te reproche c’est le négationnisme, de donner la parole aux négationnismes – il y a cette vidéo où [Paul-Eric] Blanrue te parle de [Robert] Faurisson – donc la question des chambres à gaz se pose. »
« Tu es tellement attaqué là-dessus que je me dis qu’à un moment donné, Etienne Chouard va prendre un bouquin, lire “la Destruction des juifs d’Europe’’ de Raul Hilberg par exemple. Cette violence qu’il y a contre toi naît de ce type de réponses que tu nous fais. »
« Je vois probablement cela d’un autre point de vue que vous », élude l’essayiste. « Sur cette histoire de chambres à gaz, s’il est si grave d’en douter, ne suffirait-il pas d’en produire la démonstration contre ceux qui nient, comme pour le racisme ? Pourquoi faut-il discréditer sans avoir à produire la démonstration ? »
« Va falloir bosser ça… », finit par admettre Chouard, à court d’arguments, en notant les références des ouvrages conseillés par ses interviewers.
Suivi par une large communauté sur internet depuis une quinzaine d’années, Etienne Chouard s’est retrouvé sous les projecteurs ces derniers mois à l’occasion de la crise des « gilets jaunes », qui avait mis en lumière plusieurs de ses idées majeures, notamment le référendum d’initiative citoyenne (RIC). Il a notamment été recruté en mars dernier par la station Sud Radio pour une heure d’émission hebdomadaire.
Le professeur déclenche régulièrement des polémiques comme lorsqu’il avait manifesté son intérêt pour l’essayiste d’extrême droite Alain Soral avant de s’en détourner, ou lorsqu’il s’était défini lui-même comme « complotiste » sur France-Inter, c’est-à-dire méfiant envers les « complots des puissants ». Sur Twitter ce mardi, Alain Soral lui a apporté son soutien en commentant l’extrait de l’interview en ces termes : « Quand deux flics de la pensée s’acharnent sur un honnête homme qui refuse de se soumettre, exactement comme dans tous les régimes totalitaires… »
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