AU PORT DU PIRÉE, L’INSOLUBLE CHÔMAGE AU COEUR DE L’ÉLECTION EN GRÈCE
Au-dessus des réservoirs de pétrole et du port à conteneurs, les baraques en ciment, en tôle et en bois s’enchevêtrent de manière anarchique sur les hauteurs de la cité ouvrière de 25.000 habitants.
Dans le quartier d’ »Ano Perama » aux airs de favela méditerranéenne, Pavlos Tassimakis vit avec ses cinq enfants et sa femme dans une maisonnette de deux pièces qu’il a fabriquée.
A 51 ans, cet ancien chauffeur routier a déjà connu douze ans de chômage et ne touche plus d’allocations depuis longtemps. Frappée également de plein fouet par la crise, son épouse Paraskevi, après avoir enchaîné des contrats courts comme femme de ménage dans la mairie voisine de Korydallos, est, elle aussi, à nouveau sans emploi.
« Nous sommes sept à la maison, et nous recevons 640 euros tous les deux mois d’aide de l’Etat pour les familles nombreuses. Ce n’est évidemment pas suffisant pour survivre », déplore Pavlos qui effectue de temps en temps des mini-déménagements, payés 15 euros au noir.
« Kyriakos Mitsotakis, sans doute notre futur Premier ministre, s’intéresse beaucoup à la classe moyenne, mais nous les plus pauvres qu’allons-nous devenir? Allons-nous nous appauvrir davantage? », se demande le quinquagénaire aux cheveux grisonnants.
Tous les sondages récents donnent le leader conservateur Kyriakos Mitsotakis largement gagnant pour les élections législatives anticipées du 7 juillet. Bien devant le Premier ministre Alexis Tsipras, qui a convoqué le scrutin trois mois avant la fin de son mandat, après sa défaite d’une ampleur inattendue aux Européennes.
– « Pas d’avenir ici » –
Les conservateurs de Nouvelle-Démocratie, menés par Kyriakos Mitsotakis, ont rassemblé plus de 33% des voix le 26 mai, à plus de 9 points devant Syriza, le parti du Premier ministre. Les analystes estiment que ce revers électoral est en partie dû à la surimposition des classes moyennes déjà fragilisées par la crise.
Sans sécurité sociale, sans économies pour payer des cours de soutien à leurs enfants, la famille Tassimakis doit également plus de 600 euros à la compagnie d’électricité qui menace de leur couper le courant.
« Je ne sais pas comment notre vie pourrait s’améliorer à Pérama. Quel avenir peuvent espérer nos enfants? », s’inquiète Paraskevi.
Leur fille Evangelia, 15 ans, voudrait suivre des études de droit, s’évader du quartier pour la capitale grecque ou bien l’étranger : « Il n’y a pas de travail, pas de perspectives d’avenir ici… ».
Contrainte à l’austérité par ses créanciers, la Grèce a renoué avec la croissance depuis deux ans, à 1,9% du PIB en 2018. Le chômage, le plus fort de la zone euro, est passé de 26% en 2015 à 18,5%. Mais à Pérama, la reprise économique n’est pas à l’ordre du jour.
A la mairie, l’adjoint Panagiotis Karagiannakis, ancien syndicaliste des chantiers navals, connaît les difficultés de ses administrés. « Les problèmes ont commencé dans les années 1980 avec un déclin de l’activité sur le port, concurrencé par des pays voisins comme la Turquie où le coût du travail était moins élevé. Avec la crise mondiale, à partir de 2008, le secteur des chantiers navals a été complétement détruit », explique l’élu qui a connu lui-même une longue période de chômage.
– Soupe populaire –
Le bâtiment, le deuxième secteur d’emploi à Pérama, est lui aussi l’un des plus touchés par la crise économique.
« La population s’est appauvrie depuis la crise. L’économie grecque va mieux mais à Pérama, la situation reste critique, c’est pourquoi la mairie a décidé de mettre en place depuis décembre dernier une épicerie sociale et une soupe populaire tous les midis », précise Panagiotis Karagiannakis.
« Quand j’entends le gouvernement se féliciter de sa politique sociale, je bondis », fustige Vassiliki Padeliakou, 62 ans, rencontrée à la soupe populaire. « Les pauvres sont restés pauvres malheureusement… Et l’Etat providence en Grèce reste inexistant », soupire la sexagénaire qui avoue avoir perdu 20 kilos durant ces années de récession.
Cette ancienne employée des douanes du port n’a connu ces neuf dernières années que deux contrats courts de huit mois, qui ne lui ont pas permis de cotiser assez pour toucher le chômage ou une retraite.
« Je ne sais pas comment je fais pour survivre… Je vis au jour le jour, je vivote avec les aides de la mairie, des voisins, ou des restaurateurs qui me donnent leurs invendus », confie-t-elle.
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