Sortie de Médiacritiques n°46

Retraites : l’éditocratie avec Macron

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Après avoir vanté les mérites du projet de contre-réforme des retraites (Médiacritiques n°45, janv.-mars 2023) et manifestement échoué à convaincre, la plupart des commentateurs médiatiques, presse et audiovisuel confondus, continuent à le défendre, en campant sur leurs fondamentaux : même si certains ont mollement reconnu son caractère « injuste », cette réforme n’en reste pas moins « nécessaire » et « incontournable ».

Partout, le reportage est réduit à peau de chagrin et les travailleurs ne sont généralement entendus que par le biais de micros-trottoirs, qui restreignent et individualisent la parole en écrasant le collectif.

Partout, les « débats » se font en vase clos ou dans des conditions iniques et inégales : face aux contestataires, les chefferies éditoriales déploient leurs escadrons de fast thinkers : éditorialistes, chefs de service politique, chroniqueurs et consultants économiques, sondologues, « spécialistes en communication » et autres experts patentés… tous se chargent de diffuser la bonne parole.

Si quelques têtes d’affiche se sont récemment rebiffées contre le mensonge gouvernemental d’une « retraite minimale à 1 200 euros », elles en oublient qu’elles-mêmes l’avaient propagé un mois durant, plus promptes à télégraphier la communication du pouvoir qu’à exercer leur métier : sinon enquêter, du moins s’informer, un minimum, avant de prétendre « informer ».

Du reste, maintenu strictement dans un cadre qui épouse les présupposés gouvernementaux, le « débat public » n’a de débat que le nom, puisqu’il ignore les alternatives progressistes à « la-réforme », pourtant portées (et documentées) par des organisations syndicales, associatives et politiques. « La réforme ou la faillite » synthétise Sonia Mabrouk (Europe 1, 11 janv.) ; « la réforme ou le déclassement » paraphrase Le Télégramme (12 janv.).

En amont de la première journée de grève (19 janv.), le journalisme de démobilisation a rempli sa fonction première, invariable depuis trente ans : promouvoir la régression sociale et déstabiliser celles et ceux qui la contestent. Depuis, le journalisme dominant suit à la lettre sa feuille de route traditionnelle par temps de « réforme ». Ainsi des intervieweurs, qui, toutes chaînes confondues, prennent pour punching-ball les représentants syndicaux et des dirigeants politiques de gauche. Si les petits soldats réactionnaires de Bolloré sont en tenue de combat, ils sont loin d’être les seuls.

Pensons notamment aux dix éditorialistes invités par Emmanuel Macron à déjeuner : après avoir chanté les louanges de la réforme en toute liberté, ces porte-parole se sont aimablement pliés à une opération de communication décidée par l’Élysée. Un journalisme de cour… qui sait naviguer entre servilité et hostilité : que ce soit sous les lumières tamisées d’un plateau de service public ou sous le tonnerre des outrances éditocratiques habituelles, la gauche parlementaire, « irresponsable », est clouée au pilori. Si le phénomène est loin d’être nouveau, la puissance de la mobilisation sociale en cours rend d’autant plus opportune la nécessité, pour la gauche, de politiser la question des médias et de s’engager dans un rapport de forces collectif contre les chefferies éditoriales, en les considérant enfin pour ce qu’elles sont : des adversaires politiques, des militants mobilisés et aux yeux de qui tous les coups sont permis pour défendre l’ordre établi.

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