Le coup d’État macronien se déroule en mode panique. Car c’est un coup d’État : faire passer la plus impopulaire, la plus minoritaire de toutes les « réformes » en étouffant tout débat parlementaire que ce soit à l’Assemblée nationale ou même au Sénat, avec de bout en bout des artifices constitutionnels qu’on ne saurait tous énumérer. C’est pour Macron tenter d’assumer sa raison d’être, celle de l’homme par qui la V° République serait restaurée sous une forme qui évoque, pour les historiens, le Consulat.
Sauf que Macron n’est pas Napoléon et que le rapport de force dans le pays est celui du rejet. Les larges masses ont fait ce qu’elles avaient à faire, honneur à elles : par des manifestations historiques s’inscrivant dans une tradition nationale (les Gilets jaunes, mai 68) mais aussi, maintenant, internationale (les occupations de places publiques de Tahrir à Maïdan), elles ont délégitimé en profondeur Macron et son monde, Macron et son régime. Elles se sont pour cela saisies de l’unité dans le cadre de l’intersyndicale, qu’elles ont verrouillé le 19 janvier sur l’exigence de retrait.
Il ne faut pas se payer de mots : les rodomontades sur « la reconductible » ne sont que le paravent du fait que le mouvement des larges masses pouvait et peut gagner si et seulement si sa direction de fait acceptée par défaut parce que l’unité est nécessaire, l’intersyndicale, les appelle à foncer sur Macron. Ce qu’elle est décidée à ne pas faire.
Dans cette situation, honneur aux éboueurs, car leur grève à eux est la surprise, et, se prolongeant à Paris, elle s’étend de ville en ville. Les éboueurs ne font pas une « reconductible » telle qu’on assène aux masses d’en faire du côté de certaines fédérations CGT et de certaines organisations d’extrême-gauche depuis des semaines. Ils font une grève politique, ils font LA grève politique, celle-là aussi qui avait éclaté par surprise chez les contrôleurs aériens le 31 janvier. Reconnaître la dimension politique de la grève des éboueurs comme étant la grève de toutes et de tous, leur apporter la solidarité politique, syndicale, et financière, qui s’impose, est une nécessité.
La grève des éboueurs montre que la situation, qui, depuis le 7 mars, n’est plus celle de la conduite disciplinée des masses envers l’intersyndicale mais celle de la recherche tâtonnante d’une issue, peut se modifier, sans que cela ne soit assuré bien sûr. Les soutenir, c’est dire ce qui est, à tout le monde : ils ont engagé une grève politique pour le retrait, une grève politique contre Macron.
Et au même moment, Macron va tenter son coup d’État. Une commission mixte paritaire Assemblée-Sénat sans texte de l’Assemblée et à huis clos, un vote contraint en accéléré, le 49-3 s’il le faut, le 47-1 pour passer aux ordonnances ensuite si ce n’est pas réglé avant. Coup d’État, arbitraire et pitrerie vont rythmer ce qui peut encore déraper et qui, si cela marche, sera une victoire à la Pyrrhus, amorçant toutes les batailles.
D’emblée, prenons les places publiques jeudi, affirmons la vraie légitimité démocratique contre les institutions d’un régime qui est l’adversaire de la grande majorité.
La crise va, dans tous les cas de figure, s’accentuer. La question clef pour les plus larges masses est le passage du type d’unité large qu’elles ont réalisé à une auto-organisation tout aussi large. C’est pourquoi cette nouvelle étape qui germe ne sortira pas de la répétition des formes militantes habituelles et déjà répétitives de l’ « AG interpro » et de la « reconductible ». Elle charriera peut-être cela, mais dans un torrent plus large. Comme les lycéens ça et là, comme les éboueurs l’amorcent.Elle peut naître sur les places jeudi, ou plus tard. Mais elle adviendra parce que c’est nécessaire.
La perspective pour y aider : Dehors Macron, Retrait de sa loi anti-retraite et de tout son arsenal, Unité des salariés, privés d’emplois, jeunes et retraités pour transformer la force que nous avons redécouverte en force pour gagner.
Le 14-03-2023.
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