Alors que les élus d’opposition ont annoncé le dépôt de motions de censure en réaction au passage en force de la réforme des retraites via l’article 49.3, retour sur l’unique renversement d’un gouvernement par l’Assemblée nationale, le 5 octobre 1962.
Le 4 octobre 1962, le leader de la SFIO Guy Mollet conteste à la tribune de l’Assemblée nationale l’élection au suffrage universel du président de la République. Le lendemain, il fera partie des signataires de la motion de censure. (Photo/KEYSTONE-GAMMA-RAPHO)
par LIBERATION
Le gouvernement d’Elisabeth Borne sera-t-il déboulonné par l’Assemblée nationale ? En activant, jeudi 16 mars, l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer en force la très contestée réforme des retraites, l’exécutif a provoqué l’ire des élus de l’opposition qui ont annoncé le dépôt de deux motions de censure. Si l’une d’elles recueille une majorité absolue de voix, le texte sera rejeté et le «Premier ministre [devra] remettre au président de la République la démission du gouvernement», comme l’impose l’article 50 de la constitution. Sous la Ve République, malgré la centaine de motions déposées, ce n’est arrivé qu’une seule fois, le 5 octobre 1962.
Du renversement à la défaite cinglante
En cause : la réforme du général de Gaulle, alors chef de l’Etat, qui visait à introduire l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Jusqu’alors, le Président n’était pas élu par le peuple mais par un collège de grands électeurs, incluant les députés et les sénateurs. La réforme ne plaît pas aux parlementaires. Radicaux, indépendants, socialistes et chrétiens-démocrates, ils déposent une motion de censure le 4 octobre 1962 contre le gouvernement de Georges Pompidou qui obtiendra une majorité absolue le lendemain, avec 280 députés pour sur 480. Pompidou et son gouvernement sont renversés et Charles de Gaulle décide de dissoudre l’Assemblée nationale.
Quelles sont les chances des opposants à la réforme des retraites ?
Face au onzième 49.3 d’Elisabeth Borne, en poste depuis le 16 mai, le Rassemblement national doit déposer sa motion dès ce vendredi, mais avec 88 députés d’extrême droite, elle n’a quasiment aucune chance d’aboutir. Le groupe des députés indépendants Liot projette également de déposer une motion de censure «transpartisane» : issue d’un groupe centriste mais dans l’opposition, elle est plus à même de recueillir des voix venant de la gauche et de LR, sans compter celles du RN. Jean-Luc Mélenchon, leader de LFI, a ainsi annoncé vendredi 17 mars sur France Inter que son parti allait «retirer» sa motion de censure pour soutenir celle de Liot, tandis que Marine Le Pen avait déclaré jeudi que ses troupes «voter[aie]nt l’intégralité des motions de censure qui seront déposées».
Pour atteindre le quota de députés nécessaires au succès du vote, tout dépendra donc du choix des 61 députés LR. «Nous ne voterons aucune motion de censure» a certes déclaré Eric Ciotti le chef du parti, en soulignant que cette position avait été obtenue après un vote interne des députés LR. «Tous les membres qui étaient présents se sont rangés à la décision très majoritaire» a souligné Ciotti. Mais il existe des frondeurs dans les rangs de la droite. Pour Aurélien Pradié, «chaque député reste totalement libre d’aller participer à une autre motion de censure». Il en faudrait au bas mot une trentaine pour faire basculer le vote..
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17 mars 2023abonnés
La motion de censure du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) est donc particulièrement surveillée par l’exécutif, même si la barre de la majorité absolue (actuellement à 287 car suite à plusieurs annulations d’élection, seuls 573 députés siègent au lieu de 577) pour faire chuter le gouvernement paraît difficile à atteindre. Le petit groupe Liot et ses 20 députés de diverses tendances politiques ne s’en retrouve pas moins en position de pivot dans les tentatives de faire tomber le gouvernement.
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