GREVILLA POPULAIRE, IMPUISSANCE ET PARALYSIE PROGRESSIVE DU REGIME…

GREVILLA POPULAIRE, IMPUISSANCE ET PARALYSIE PROGRESSIVE DU REGIME… LES CHEMINS DE LA CHUTE DU MACRONISME
Après la promulgation de la loi, nous sommes entrés dans un Acte II du mouvement, une sorte de grève/guérilla, une grévilla, cherchant à provoquer l’impuissance et la paralysie progressive du pouvoir.
L’ACTE II
Dans la foulée de la décision du Conseil constitutionnel, Macron a promulgué la loi dans la nuit, croyant en avoir fini avec le mouvement et avoir gagné.
Il n’en a rien été. Déjouant le pourrissement, les violences et les provocations, le mouvement a continué faisant la démonstration que Macron n’était pas vainqueur parce que le combat n’est pas fini, loin de là. Sa « victoire » avait le goût de la défaite. En effet, au lendemain de la promulgation de la loi, loin de se décourager, le mouvement a rebondit dans un acte II, ajoutant à son exigence du retrait de la réforme des retraites, celle de la contestation globale du régime de Macron. Cela s’est traduit le plus souvent par des « Macron démission » en nombre dans les rassemblements du 14 avril.
Parce que Macron avait mis en jeu l’existence même de son régime dans cette réforme, le fait que sa promulgation n’ait pas arrêté le mouvement populaire de masse, c’est son régime lui-même qui devient la cible du mouvement et qui est remis en cause. Voyant le danger, Macron a alors décidé de tenter de reprendre la main par son allocution du 17 avril où il proposait de tourner la page au travers d’un période « d’apaisement social » de 100 jours autour de discussions avec les directions syndicales, cherchant par là, une nouvelle fois, à faire éclater l’union de l’intersyndicale. Peine perdue, avant même qu’il ait parlé, le mouvement avait répondu par le boycott de son allocution avec de multiples rassemblements carnavalesques au son des casseroles devant les mairies pour bien montrer qu’il n’est qu’un clown et que sa parole comme son régime n’ont plus aucune valeur ni légitimité. L’intersyndicale, pour sa part, continuait, unie, à refuser toute rencontre, au moins jusqu’au 1er mai.
Entrant dans cet acte II, le mouvement s’est mis à faire vivre de manière visible la perte de légitimité de Macron et de ses ministres par les casserolades. Macron a été chahuté, humilié et insulté dans son bain de foule en Alsace, plongé dans le noir pendant une visite d’usine, puis d’école ou à l’aéroport ; des ministres qu’ils avaient envoyés à la reconquête du pays, ont été bloqués, conspués, suivis, harcelés partout où ils mettent les pieds, devenant des étrangers dans un pays qu’ils sont censés diriger ; des préfets qui poussent le ridicule jusqu’à interdire des casserolades sans pouvoir les empêcher ; des manifestations spontanées presque toutes les nuits ; des centaines d’initiatives en petits ou grands groupes ; un ministre de l’intérieur qui annonce avec fanfaronnade la dissolution des « Soulèvements de la terre » puis qui y renonce piteusement ; des policiers et gendarmes qui quittent le navire en démissionnant en grand nombre. Un seuil se franchit, l’autorité du pouvoir est tellement contestée qu’on la voit glisser progressivement vers l’impuissance et la paralysie malgré les rodomontades du pouvoir à continuer à avancer. Le pouvoir est certes contesté symboliquement pour le moment mais le mouvement montre ainsi clairement dans quel sens il s’engage, celui de retirer tout pouvoir au gouvernement, pour poser ouvertement demain la question du pouvoir et de quelle société on veut. La secrétaire de la CGT le disait elle-même : Macron ne pourra plus gouverner et ne pourra pas aller au bout de son mandat s’il ne retire pas cette réforme des retraites. Minoritaire à l’Assemblée, discrédité, personne ne voudra plus s’associer à ce qui ressemble de plus en plus à une marche vers la chute. C’est ce germe là, qu’il faut entendre dans les casserolades.
EN MAI FAIS CE QU’IL TE PLAIT
Certains ne voient dans ces casserolades que des actions de peu de portée, n’illustrant selon eux que le recul d’un mouvement où les gréves reconductibles s’estompent et où, du coup, le 1er mai ne deviendrait qu’un baroud d’honneur. Il n’en est rien. Ce qui pourrit ce n’est pas le mouvement, c’est l’autorité du pouvoir. Certes, les secteurs en grèves reconductibles ne sont plus guère nombreux mais il n’y a rien d’étonnant à cela dans un mouvement qui dure depuis plus de trois mois, où certains ont fait grève 40 jours ou plus et pour beaucoup au moins 12 jours lors des journées d’action nationale, et qui va encore durer parce que c’est toute la classe ouvrière qui entre en mouvement, y compris ses couches les plus profondes et que pour cette raison, ce processus prend du temps. Mais plus que le déclin des grèves reconductibles, il est plus significatif que des travailleurs, même peu nombreux, aient reconduit leur grève jusqu’au 1er mai et en seront à cette date, à deux mois de grève. C’est significatif car cela accompagne sous la forme la plus visible, un état d’esprit général qu’on lit dans les sondages où les couches populaires souhaitent que le mouvement continue et se durcisse, mais qu’on voit aussi chez des travailleurs qui après avoir suspendu leur grève, s’y sont remis, comme certains éboueurs, ou ceux encore qui se mettent en grève pour les salaires ou les conditions de travail en l’additionnant de la revendication sur les retraites, trouvant alors le soutien des militants défendant les retraites, ou, plus généralement chez tous ceux qui attendent le bon moment, parce que pour beaucoup le mouvement est encore devant nous, peut s’embraser à tout moment, et peut-être pourquoi pas, après le 1er mai, ou en tous cas, dans les 100 jours auxquels Macron a mis au défi le peuple de reprendre en main la situation.
Ça n’a d’ailleurs pas raté. La CGT énergie, aujourd’hui à la pointe du mouvement, a appelé à 100 jours de colère, annonçant pour commencer une journée nationale le 3 mai, jour où le Conseil constitutionnel doit statuer sur une nouvelle demande de référendum sur les retraites. Elle menace en même temps de plonger dans le noir le festival de cinéma de Cannes, les championnats de tennis de Roland-Garros, le Grand prix de Monaco, le festival d’Avignon, etc… On peut parier que plus Macron va s’acharner – et il va s’acharner – à reconquérir son autorité perdue, plus il va susciter mille actions en riposte, pas nécessairement des grèves reconductibles, mais des réponses multiformes avec un mouvement qui se politise toujours plus dans l’action. On a déjà eu cette semaine un aperçu du mouvement à venir, avec en plus des casserolades, le succès de la grève du 20 avril accompagnant des opérations de blocages où l’envahissement d’Euronext, et puis encore la mobilisation d’un niveau inattendu des 22 et 23 avril autour des « Soulèvements de la terre ». Demain, ce seront de nouvelles casserolades nationales le 24 et une nouvelle journée de grève et d’actions le 28 avril, et puis encore le 1er mai qui sera massif, du niveau certainement des plus grosses journées voire peut-être au delà. Surtout, il marquera un pas politique de plus. Il ancre en effet le combat actuel dans des filiations historiques passées du mouvement ouvrier. Il l’ancre aussi par la présence massive de délégations étrangères cette année, dans un contexte mondial où les peuples se battent aujourd’hui partout pour leur émancipation dans des luttes également de longue durée et de politisation progressive, d’Israël à la Grande-Bretagne voire au Portugal mais aussi dans de nombreux pays d’Amérique latine ou encore en Asie du sud, en Inde, au Pakistan, Bangladesh ou Sri Lanka. Ces nombreuses délégations étrangères illustrent tout à la fois le discrédit de Macron à l’étranger, mais renforcent aussi le combat ici, montrant que le combat en France cristallise aujourd’hui, au regard du passé révolutionnaire du pays, le même combat mondial internationaliste dans des rythmes semblables un peu partout des classes populaires montant sur la scène politique contre l’exploitation, l’oppression et contre le système capitaliste et ses représentants. Bref, un moment mondial, où les catégories populaires se constituent partout en « classe ouvrière » devenant consciente de son passé et des ses capacités pour l’avenir.
Ce mouvement en surprend certains, parce que sa forme est inédite et parce qu’un mouvement social d’importance comme celui que nous vivons, c’est comme un phénomène naturel, un tremblement de terre ou un tsunami. On ne peut pas le diriger, lui dire où il faut aller, ce qu’il faut qu’il fasse, on peut tout juste lui permettre d’aller jusqu’au bout de ce qu’il porte en lui décrivant à lui-même ce qu’il est en train de faire, le rendant conscient de ses étapes. On ne peut pas corriger ses faiblesses ou aller au delà de ses limites. Il est comme il est et il faut le prendre comme tel.
Mais il faut y être à fond, en positif, être partie prenante de toutes ses actions, sans bouder son plaisir, sans réticences ni arrières pensées et intégrer que toutes ses particularités correspondent à une nécessité profonde, qu’on ne peut pas lui en soustraire l’une ou l’autre. On ne peut pas lui imposer ce que le plus révolutionnaire d’entre nous peut avoir en tête, des programmes ou des actions conçues en chambre ou dans des mouvements de toute autre nature de ces dernières années. Un mouvement de ce type c’est un tout. Il englobe et unifie les manifestations les plus radicales comme celles qui le sont le moins, les militants les plus déterminés comme ceux qui sont les plus timorés, les directions les plus traditionnelles comme les plus révolutionnaires. Il ne les oppose pas, mais il les associe, les fusionne dans un même marche en avant, tout autant les grèves reconductibles, les manifestations sauvages, les actions coups de poing, les concerts de casserole, que les grandes journées saute moutons et donc avec elles l’intersyndicale… Y participer pleinement c’est se faire le porte parole de cette diversité dans l’unité. Il faut analyser le mouvement à tout moment, le comprendre jour après jour, mesurer ses étapes à chaque moment et s’en faire l’écho pour l’aider à être plus conscient de lui-même afin de faire comprendre à ses éléments les plus avancés, où il va, et quels obstacles il aura à franchir dans cette marche vers l’émancipation.
Nous avons peut-être devant nous 100 jours d’instabilité politique et sociale extrêmement éducative pour les classes populaires, 100 jour d’auto-politisation et d’auto-formation dans la plus grande des variétés et des variations permanentes. C’est en rendant le mouvement le plus conscient de lui-même, de ce qu’il est en train de réaliser, que nous pourrons préparer l’acte III, où après avoir défait Macron et son monde, il cherchera à construire un autre monde.
Jacques Chastaing 23 avril 2023
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