Le Conseil des droits de l’homme appelle la France à « repenser ses politiques en matière de maintien de l’ordre »

Le rapport note également des politiques migratoires « toujours plus rétrogrades », les conditions de vie « inhumaines et insalubres » des migrants ou encore les inégalités dont sont victimes les Mahorais.

Le Monde avec AFP

Publié aujourd’hui

Droit aux logements, droit des femmes, handicap, libertés fondamentales… Le Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies (ONU) s’est penché, lundi 1er mai, sur la situation des droits humains en France, une procédure à laquelle se soumettent régulièrement tous les Etats membres des Nations unies. Un grand nombre de pays, y compris les Etats-Unis, mais également la Tunisie, ont appelé la France à accroître ses efforts pour lutter contre les violences et les discriminations raciales.

« Nous recommandons à la France d’intensifier ses efforts pour lutter contre les crimes et les menaces de violence motivés par la haine religieuse tels que l’antisémitisme et la haine antimusulmane », a déclaré la représentante américaine, Kelly Billingsley.

Le Brésil et le Japon ont critiqué « le profilage racial par les forces de sécurité », et l’Afrique du Sud a appelé les autorités françaises « à prendre des mesures pour garantir des enquêtes impartiales par des organes extérieurs à la police dans tous les cas d’incidents racistes impliquant des policiers ». Les violences policières lors d’opérations de maintien de l’ordre ont également été mises en exergue par plusieurs délégations, dont celles de la Suède, de la Norvège et du Danemark.

Maintien de l’ordre et libertés fondamentales

Tirs de gaz lacrymogènes lors du défilé du 1er-Mai 2023, à Lyon.

L’article 24 de la proposition de loi « pour une sécurité globale » du 25 mai 2021, qui visait à « limiter la publication d’images de policiers et à autoriser des techniques de surveillance », était, selon le rapport, « incompatible avec le droit international des droits de l’homme ». Les rapporteurs invitent le gouvernement français à entreprendre une évaluation complète de la loi quant à sa compatibilité avec le droit international.

Par ailleurs, les experts de l’ONU ont dénoncé la « répression disproportionnée » des manifestations des « gilets jaunes », « l’usage excessif de la force », le nombre « élevé » d’arrestations et de gardes à vue, les « fouilles », la « confiscation des biens des manifestants » et les « blessures graves infligées à ces derniers ». Ces experts invitent la France à « repenser ses politiques en matière de maintien de l’ordre ».

Pendant la session des réponses de la délégation française, Sabrine Balim, conseillère juridique du ministère de l’intérieur, a fait valoir que « l’usage de la force est strictement encadré, contrôlé et, en cas de faute, sanctionné ». En outre, elle a rappelé que les forces de l’ordre avaient obligation de porter un numéro d’identification individuel « afin d’assurer une visibilité et traçabilité de leurs actions ».

Egalité et non-discrimination

« Le travail des personnes d’ascendance africaine était encore perçu à travers le “prisme blanc” », estime le rapport. Des personnes rencontrées par les enquêteurs de l’ONU ont déclaré que « dans de nombreux domaines, ces difficultés étaient déjà présentes » au cours de leur cursus éducatif.

Le groupe de travail a demandé à la France de faire le point sur toutes les pratiques discriminatoires dans le domaine de l’éducation et d’y mettre un terme : « inscrire l’histoire de l’Afrique dans les programmes d’enseignement », « lever les obstacles entravant l’accès à l’enseignement supérieur », « tenir compte du fait que la présentation déformée de l’histoire africaine à l’école et dans les médias portait atteinte à la dignité des personnes d’ascendance africaine » et « inclure dans la législation la définition et l’interdiction du profilage racial ou ethnique ».

Lutte antiterroriste et droits des enfants

En 2018, les rapporteurs de l’ONU avaient déjà appelé la France à respecter « les droits de l’homme et la primauté du droit » dans le contexte de la lutte antiterrorisme. Dans sa mouture de 2023, le rapport rappelle que lutter « efficacement » contre le terrorisme et protéger les droits humains ne sont pas des objectifs « contradictoires » mais « complémentaires ».

Il invite également l’Etat français à se consacrer prioritairement aux modalités de rapatriement des enfants, et à assurer leur protection juridique et diplomatique, s’agissant de ressortissants français. Pour les rapporteurs, le fait que, pendant des années, la France n’ait pas rapatrié les enfants français détenus dans des camps syriens « dans des conditions mettant leur vie en danger, (…) constituait une violation de leur droit à la vie ». Le rapport ajoute que la France « n’a pas démontré qu’elle avait dûment pris en considération l’intérêt supérieur des enfants (…) lors des demandes de rapatriement par leurs proches ».

Le Comité français pour le Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef France), qui a également participé au rapport, invite l’Etat français à mettre fin aux expulsions sans « diagnostic ni proposition de relogement », et à s’engager à permettre « la réunification familiale des mineurs non accompagnés ».
Au centre de rétention administrative de Pamandzi, le 25 avril 2023.

Disparitions forcées et droits des femmes

Le rapport entend par « disparition forcée » la définition qu’en a faite l’Assemblée générale des Nations unies en décembre 2010 : « l’arrestation, la détention, l’enlèvement ou toute autre forme de privation de liberté » par des agents de l’Etat, précédant le « déni de la reconnaissance de la privation de liberté ou de la dissimulation du sort réservé à la personne disparue ou du lieu où elle se trouve, la soustrayant à la protection de la loi ». Le rapport souligne que ces disparitions forcées ont un effet particulièrement cruel sur les femmes – en outre « particulièrement vulnérables à la violence sexuelle » – et les enfants.

Droit à l’éducation

L’Unicef a constaté que « les mineurs non accompagnés rencontraient de larges obstacles à leur scolarisation ». L’agence recommande également « la mise en place d’un observatoire national de la non-scolarisation », déplorant une situation particulièrement grave dans les « bidonvilles » de Guyane.

Droit à un niveau de vie suffisant

Selon le rapport, les conditions de logement dans lesquelles vivent « les personnes vulnérables et marginalisées en France étaient indignes d’une nation attachée de longue date à promouvoir les droits de l’homme ». Le nombre de sans-abri augmente à un rythme « soutenu », à mesure que s’aggrave « la pénurie d’hébergements d’urgence et de logements à long terme ». Les migrants, qui fuient des conflits ou l’extrême pauvreté, vivent dans des conditions « absolument indignes ». Le rapport « prie » le gouvernement de prendre « immédiatement des mesures pour que le droit (…) à un logement convenable soit pleinement respecté ». De telles recommandations avaient déjà été présentées à la France en 2018.

Droits des personnes handicapées

Le rapport exhorte la France à « adopter des mesures de nature à accroître la participation des personnes handicapées à la vie publique et à les rendre plus visibles ». Il propose également de mettre en place une stratégie de prévention « du suicide chez les personnes handicapées », en ciblant particulièrement les personnes autistes ou ayant « un handicap psychosocial ».

Enfin, le rapport propose de mettre fin « au placement des enfants et des adultes handicapés », et d’adopter « une stratégie nationale et des plans d’actions (…) visant à soutenir la transition de la vie en institution à la vie en société ».

Droits des peuples autochtones et droits des minorités

Le rapport recommande à la France « d’intensifier ses efforts » afin de garantir « une égalité de traitement avec le reste de la population », notamment en ce qui concerne « l’accès à la santé et à l’éducation » pour les peuples autochtones. Le rapport recommande également que les « peuples autochtones soient consultés au sujet de toute mesure législative ou administrative susceptible d’avoir une incidence sur leurs droits ».

Le Monde avec AFP
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