Glyphosate : une expertise européenne minimise les dangers

Des experts sanitaires européens ont rendu le 6 juillet un avis favorable à la prolongation de l’autorisation de cet herbicide classé cancérigène probable. De quoi faire bondir les ONG écologistes.

Le glyphosate risque de ne pas disparaître de sitôt des champs européens. Dans un avis remis le 6 juillet à la Commission européenne, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a estimé que cet herbicide controversé ne présentait pas de « domaine critique de préoccupation » chez les humains, les animaux et l’environnement. Tout juste a-t-elle noté « un risque élevé à long terme chez les mammifères » pour la moitié des usages proposés. Autrement dit, que son utilisation n’est pas suffisamment dangereuse pour que la molécule soit bannie de l’Union européenne. Cet avis, épais de 180 000 pages et reposant sur 2 400 études, sera rendu public courant juillet.

Attendue depuis un an, l’évaluation des risques de l’Efsa s’est fondée sur un volumineux rapport remis par les agences nationales des quatre pays européens rapporteurs — France, Pays-Bas, Hongrie et Suède — et sur la consultation publique menée fin 2021. Il s’agit de la fin de la phase d’évaluation scientifique et d’une étape décisive pour la réhomologation pour cinq ans de cette substance active, dont l’autorisation expirera mi-décembre 2023.

Le sujet est hautement sensible au niveau européen. Cet avis de l’Efsa aurait dû être remis dix-huit mois plus tôt, l’approbation du glyphosate expirant le 15 décembre 2022. Pour pallier ce retard, la Commission européenne a prolongé d’un an cette autorisation, en dépit de l’absence de majorité qualifiée en faveur de cette rallonge chez les Vingt-Sept. À la veille du vote, cinq eurodéputés, Maria Arena (S&D), Günther Sidl (S&D), Martin Hojsik (Renew), Tilly Metz (Greens/EFA) et Anja Hazekamp (The Left), avaient jugé que la Commission disposait de « suffisamment de preuves pour conclure que le glyphosate ne satisfait pas aux critères d’approbation » et avaient rejeté cette prolongation.

Cette fois-ci, l’affaire était bien engagée pour les défenseurs de l’herbicide. En mai 2022, l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) a jugé que le désherbant le plus vendu au monde n’est ni cancérogène, ni mutagène, ni reprotoxique, « seulement » toxique pour les organismes aquatiques avec des effets à long terme et présentant des risques de lésions oculaires graves.

Évaluation aux dés pipés

En revanche, la déception est grande pour les associations écologistes. Mercredi 5 juillet, quatorze d’entre elles ont envoyé une lettre à la Première ministre Élisabeth Borne, réclamant que « la France prenne position contre la réautorisation de cette substance dangereuse pour la santé et l’environnement ».

Le glyphosate est classé depuis 2015 comme « cancérogène probable pour l’homme » par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a rappelé l’association Générations futures à cette occasion, ajoutant « qu’il est très probablement également génotoxique et perturbateur endocrinien ». Dans un avis de 2021, l’Inserm a mis en garde contre « l’existence d’un risque accru de lymphomes non hodgkiniens avec une présomption moyenne de lien » avec le glyphosate.

Depuis longtemps, Générations futures dénonce une évaluation aux dés pipés. Dans un rapport publié en novembre 2021, elle dénonçait déjà un prérapport des quatre États rapporteurs biaisé, qui écartait 90 % des articles scientifiques existants. Cette alerte avait été reprise en janvier 2022 par la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement, qui avait réclamé la constitution d’un « panel international » de déontologues indépendants chargés d’évaluer les « liens d’intérêts » des membres des comités ayant participé aux évaluations de 2017 et 2021.

Désormais, la Commission européenne aura six mois pour présenter aux États membres un projet de texte sur la réapprobation du glyphosate. Ce dernier texte sera discuté entre États membres au sein du Scopaff [1]. Une première réunion est prévue le 11 juillet, puis en octobre. Objectif : faire voter le texte avant le 15 décembre, date de la fin de l’extension de l’autorisation de l’herbicide.

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