17 juillet 2023
Le projet d’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, aux nombreux effets néfastes sur l’environnement, pourrait être accéléré en marge d’un sommet en Belgique, les 17 et 18 juillet.
On le croyait tombé aux oubliettes politiques. Mais voilà qu’il refait surface : l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur, le plus grand marché commun d’Amérique du Sud — réunissant le Brésil, l’Argentine, l’Uruguay et le Paraguay. « Chaque jour, la menace se fait plus pressante, alerte ainsi le collectif Stop Ceta-Mercosur. La Commission européenne et plusieurs États veulent ressusciter ce qui serait l’un des plus vastes accords de libéralisation du commerce au monde. » Et le sommet entre l’UE et plusieurs pays latino-américains, qui se tient les 17 et 18 juillet, pourrait bien être l’occasion d’accélérer les négociations.
Petit retour en arrière : il y a trois ans, « ce projet d’accord avait été gelé en raison de la mobilisation de la société civile dénonçant les conséquences de l’accord tant sur le plan écologique et social, qu’en termes de violations des droits humains, ainsi qu’en raison de la situation politique au Brésil », rappelle le groupe d’opposants dans une note. Pas question de négocier avec l’indésirable Jair Bolsonaro. Mais avec l’élection de Luiz Inácio Lula da Silva, la donne a changé : « La Commission européenne estime que s’est ouverte une fenêtre d’opportunité », explique l’économiste Maxime Combes, membre du collectif.
Une vision néocoloniale et mortifère
Depuis quelques mois, Bruxelles s’active donc en coulisses pour remettre les négociations sur les rails. Avec un objectif : lever les obstacles à la ratification, notamment sur les enjeux écologiques. En secret, les autorités européennes ont ainsi élaboré une proposition censée améliorer l’ambition environnementale de l’accord. Mais dans les faits, « ce texte ne change rien au traité lui-même, ont analysé les scientifiques de l’Aitec, une association internationale d’experts. Il ne crée aucune véritable obligation nouvelle ». Autrement dit, une déclaration de bonnes intentions vertes, mais sans aspect contraignant.
« Nous continuerions à puiser dans les pays du Sud les matières premières agricoles »
Ainsi, s’il était signé, l’accord UE-Mercosur aurait moult effets négatifs sur le climat et la nature : pollution due aux transports, déforestation, pesticides… « En 2030, le Mercosur pourrait fournir jusqu’à 26 % du rumsteck servi en Europe, rappelait Maxime Combes dans une tribune récente. Il s’agit aussi d’importer plus de soja ou d’éthanol tiré de la canne à sucre, productions de monoculture qui engendrent toujours plus de déforestation. »
L’économiste déplorait ainsi une vision néocoloniale et mortifère : « Nous continuerions à puiser dans les pays du Sud les matières premières agricoles, minières ou énergétiques nécessaires pour maintenir quoi qu’il en coûte nos modes de vie dispendieux en ressources, écrivait-il, tout en laissant aux pays du Sud la charge de vivre avec les conséquences environnementales et sociales qu’un tel modèle si déséquilibré engendre immanquablement. »
Des actions en marge du sommet
Mais les espoirs de Bruxelles pourraient bien être douchés. Car Lula a récemment indiqué que le Brésil ne signerait pas l’accord sans des modifications substantielles : il veut protéger son industrie, notamment pharmaceutique, d’une trop forte concurrence européenne. En gros, remettre une dose de protectionnisme.
Au-delà, « les pays européens sont divisés sur la marche à suivre, certains voulant aller vite tandis que d’autres voudraient prendre le temps », précise M. Combes. Ça bloque donc, et il est fort probable qu’aucune avancée notable ne soit annoncée en la matière lors du sommet UE-Amérique latine, « même si la Commission aimerait avancer au maximum d’ici la fin de l’année », prévient-il. Deux autres accords commerciaux pourraient en revanche être finalisés ces prochains jours, avec le Chili et le Mexique — les deux pays n’appartenant pas au Mercosur.
Pour les opposants à ces traités, ce sommet est l’occasion de « relancer la mobilisation citoyenne ». Conférence internationale, manifestation lundi 17 juillet à Bruxelles, rencontres. « Au lieu d’une concurrence accrue, une plus grande coopération entre les deux régions est nécessaire, et possible, pour faire face aux défis majeurs de notre époque, ont écrit les organisateurs. La société civile des deux côtés de l’Atlantique demande l’arrêt des négociations de ces accords obsolètes et le déploiement de partenariats financés permettant de relever ces défis communs. »
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