Le syndicat UAW, United Auto Workers, a lancé vendredi 15 septembre la toute première grève simultanée dans l’histoire américaine chez les trois grands constructeurs automobiles – General Motors, Ford et Stellantis, les Big 3.
C’est un évènement historique qui marque la vie américaine et fait les grands titres de toute la presse du pays en même temps qu’il polarise l’attention de tous.
Il faut dire que les dirigeants de l’UAW qui viennent d’être nouvellement élus après avoir promis sous la pression de la base plus de transparence et de démocratie, ont particulièrement chauffé l’ambiance en donnant comme objectif à cette grève conjointe une augmentation de salaire de 46%, un salaire horaire de 44 euros après 90 jours de travail, la semaine de 32 heures, une semaine travaillée de 4 jours, l’échelle mobile des salaires, une augmentation des retraites et des avantages divers, en sachant que les salaires varient le plus souvent aujourd’hui entre 18 et 30 euros de l’heure, et qu’un travailleurs chez Stellantis gagne actuellement en travail de nuit après 10 ans d’ancienneté environ 30 euros de l’heure.
Ces revendications audacieuses ont enthousiasmé les 150 000 ouvriers des 3 groupes qui ont voté pour la grève à 97% tandis qu’au Canada, les 18 000 travailleurs des 3 groupes ont suivi le mouvement en votant la grève à 98%.
Et cela mobilise d’autant plus qu’en passant aux véhicules électriques, les constructeurs automobiles prévoient de supprimer des centaines de milliers d’emplois dans le secteur automobile en Amérique du Nord et des millions dans le monde entier et en même temps de porter la semaine de travail à 60 h pour ceux qui resteraient… tandis que les PDG des groupes s’augmentaient de 21 à 34% gagnant de 21 à 29 millions par an.
De plus l’été chaud des grèves aux USA où on n’a pas connu autant de grèves – et beaucoup victorieuses – depuis 1965 contribue aussi à chauffer l’ambiance.
Cependant si la bureaucratie syndicale est sous la pression de la base, et a changé ses visages dirigeants, elle n’a pas changé fondamentalement
Ainsi beaucoup de travailleurs ont été déçu quand ils ont appris il y a deux jours que la grève monterait progressivement en puissance alors qu’ils s’attendaient à une grève totale immédiate. Ils ont été déçu également quand ils ont appris que les dirigeants syndicaux avaient baissé leurs revendications à 36 ou 40% d’augmentation pour 4 ans et non plus 46%
Ainsi ce sont seulement 13 000 travailleurs qui ont commencé la grève dans trois grandes usines d’assemblage du Michigan, de l’Ohio et du Missouri, Ford à Wayne, Michigan, une usine General Motors à Wentzville, Mo., et une usine Stellantis à Tolèdo, alors qu’il y a 146 000 salariés au sein des Big 3 qui avaient voté la grève.
L’UAW appelle cette stratégie la « grève debout », en faisant référence à la grève d’occupation de Flint de 1936-1937 qui a contribué à la création du syndicat, en présentant mercredi la stratégie d’escalade du syndicat. Le syndicat ciblera d’abord quelques usines, faisant ainsi savoir aux Trois Grands qu’il est prêt à infliger des difficultés financières avant d’aller jusqu’à la grève totale.
En protestation contre cette tactique, certains salariés à l’Assemblée de l’usine de Tolèdo portaient du noir en signe de deuil et de déception tandis que les réseaux sociaux étaient inondés de protestations auxquels les dirigeants répondaient seulement en demandant de faire confiance et par quelques gestes inhabituels comme refuser de serrer la main des dirigeants de l’automobile lors des négociations.
Cette tactique est catastrophique car tout le monde sait que les patrons vont pousser les travailleurs qui ne font pas grève à faire des heures supplémentaires pour pallier aux pertes dans les usines en grève tandis que le manque de pièces créé par le blocage de la production dans ces usines en grève va faire mettre en chômage les usines qui ne sont pas en grève et affaiblir ainsi la capacité de lutte totale.
Par ailleurs, les ouvriers ont vu comment en décembre dernier, le gouvernement Biden et les partis démocrate et républicain ont utilisé les hésitations syndicales pour voter l’illégalité d’une grève potentielle de 100.000 cheminots, et les ont ainsi forcés à accepter un contrat au rabais qu’ils avaient déjà rejeté.
Ceci dit, rien n’est joué, des grèves spontanées peuvent éclater malgré les consignes syndicales qui partout appellent et ne cessent de répéter de ne pas faire grève sans un appel syndical, ce qui témoigne ainsi de l’ambiance électrique qui règne car c’est déjà ce qui se passe avec des débrayages sauvages qui surgissent ici ou là, qui ont commencé même avant la date fatidique fixée par les syndicats de jeudi à minuit, tandis qu’une formidable solidarité nationale se met en route à commencer par les scénaristes et acteurs de Hollywood en grève depuis 2 à 5 mois qui appellent à rejoindre les piquet des grève de l’automobile et puis des appels partout aussi à soutenir la grève par tous les moyens.
Ainsi, les chauffeurs de camions qui livrent leurs véhicules pour les Trois Grands se sont engagés à refuser de livrer aux concessionnaires pendant la grève soutenant à 100 pour cent les travailleurs de l’automobile
Des appels encore se multiplient à apporter de la nourriture et du bois de chauffage pour réchauffer les piquets de grèves des quarts de nuit, des appels a des caisses de grève (la caisse de grève de l’UAW est de 825 millions de dollars et elle va donner à chaque gréviste 500 dollars par semaine de grève) , aux dons des épiceries ou des restaurants locaux…
Et puis également des appels à faire pression sur les profiteurs. BlackRock, Capital Group et Vanguard, les géants de la finance qui sont les principaux actionnaires des Big 3, et qui ont des bureaux qui pourraient être plus proches de chacun qu’une usine.
Dans un sens ou un autre, si elle gagne ou elle perd, cette grève pourrait constituer un tournant pour le mouvement ouvrier américain – mais aussi mondial, pour nous tous.
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