LE MOUVEMENT SOCIAL, LE ROI, LE PAPE ET LE BOUFFON

Deux événements significatifs de la situation actuelle ont marqué la semaine en France.
Il y a eu d’une part l’accueil particulièrement fastueux du roi Charles III et d’autre part les manifestations du 23 septembre.
L’accueil en grande pompe de Charles III témoignait tout à la fois de la volonté de Macron de dire au peuple français qui avait empêché cette rencontre ce printemps par ses manifestations, que c’est bien Macron qui a toujours toute autorité – son mot préféré répété à l’envie à la rentrée – mais, en même temps, c’était totalement ridicule parce que ce roi n’est que de pacotille n’ayant aucune fonction réelle en Grande-Bretagne et que le défilé sur les Champs-Élysées tenait surtout de la bouffonnerie tellement il y avait peu de gens à saluer.
Cette volonté quasi carnavalesque de tenter de montrer ainsi sa force, qui n’est qu’un contrepoint à sa faiblesse en étant minoritaire au Parlement, dévoile au contraire l’ampleur de son impuissance, contraint de se raccrocher à de telles clowneries – ce que la presse britannique peut-être moins soumise que la nôtre a souligné -, et que les supporters irlandais de rugby ont au fond le mieux résumer en scandant « Macron démission » tandis que le hasard les faisait croiser la manifestation du 23 septembre à Paris.
Cette guignolerie inutile qui n’a fait qu’énerver un peu plus le peuple français par les fastes de Versailles quand beaucoup sautent des repas, révèle surtout le coup porté à l’autorité de Macron par l’énorme mouvement du printemps même si les travailleurs et les militants n’en ont pas pris complètement la mesure .en n’ayant pas pu aller jusqu’au bout et la victoire, du fait du lâchage des directions syndicales et de la trahison d’une partie de la gauche face au soulèvement des jeunes de quartiers contre les violences policières.
Or, c’étaient justement ces violences policières et le meurtre de Nahel qui étaient au cœur des manifestations du 23 septembre, en faisant en quelque sarte une continuation de la mobilisation du printemps, ce qu’il aurait fallu faire en juin quand les banlieues se soulevaient pour faire la jonction entre le mouvement des retraites et la révolte des jeunes.
C’est pourquoi Darmanin voulait les interdire au prétexte de la venue du pape et de Charles III. Mais là aussi, son autoritarisme n’a été que velléitaire. Les manifestations ont eu lieu.et ont témoigné que la parenthèse du mouvement ouvert en janvier 2023 n’était pas refermée : nous sommes toujours dans cette phase, la page n’est pas tournée même si certaines directions syndicales voudraient bien passer à autre chose.
Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de dire que le mouvement pour les retraites peut reprendre, nul ne peut le savoir, mais par contre que les leçons implicites du mouvement des retraites et des banlieues sont toujours dans les esprits : qu’il faudra un mouvement d’ampleur pour gagner, avoir la volonté pour ça d’aller jusqu’à renverser Macron et que le printemps nous a montré que nous en avons la force, mais peut-être pas encore suffisamment à le vouloir avec détermination pour avoir les organisations ou l’auto-organisation et les porte parole pour ça. Mais c’est justement ce que la période actuelle va engendrer.
On a une idée de ce qui germe souterrainement et qui était présent implicitement dans ce 23 septembre, au travers des belles déclarations des militants écologistes en procès à Niort comme des Robins des bois de la CGT Energie ou encore de beaucoup de ceux en première ligne qui sont victimes de la répression, parmi les 1 000 syndicalistes poursuivis ou les 5 000 jeunes condamnés ou encore les nombreux écologistes. La répression, qui est le dernier rempart de l’Ordre est aussi une fabrique de militants autrement déterminés et lucides quand la révolte qui gronde continue à monter comme on peut le mesurer dans le monde.
Alors, il n’y avait certes pas ce 23 septembre les grandes foules de ce printemps, mais il y avait toutefois suffisamment de monde et suffisamment déterminés pour que la prochaine étape de la rentrée sociale, le 13 octobre, ne soit pas qu’une porte ouverte vers le dialogue social délétère et les journées d’actions professionnelles émiettées, routinières et inutiles comme d’habitude et comme certains responsables syndicaux y poussent mais un levier d’action suffisant pour que ce soit une étape vers une nouvelle remobilisation d’ensemble qui ne tardera pas et, cette fois, victorieuse.
Jacques Chastaing 24 septembre 2023
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