Le procès pour association de malfaiteurs terroriste de sept sympathisants de la mouvance ultragauche, soupçonnés d’avoir projeté des actions violentes contre des policiers et des militaires, s’est ouvert devant le tribunal correctionnel de Paris ( AFP / LOIC VENANCE )
Sept sympathisants de la mouvance ultragauche, soupçonnés d’avoir projeté des actions violentes contre des policiers et des militaires, sont jugés à partir de mardi au tribunal correctionnel de Paris, trente après le dernier procès d’Action directe pour terrorisme.
L’audience s’est ouverte, devant une salle comble, sur des questions de procédures, les avocats de la défense faisant notamment plusieurs demandes de renvoi du procès, qui ont été rejetées par le tribunal.
Me Raphaël Kempf, un des conseils de Florian D., dont le rôle dans le dossier est capital selon les enquêteurs, a notamment demandé que le procès soit renvoyé dans l’attente d’une décision du Conseil d’Etat sur la légalité des surveillances administratives de la DGSI (Direction générale de la sécurité intérieure) dont a fait l’objet son client.
Selon lui, ces surveillances, réalisées avant l’ouverture en février 2020 d’une enquête préliminaire par le Parquet national antiterroriste constituent potentiellement « une violation » de sa vie privée.
Pour appuyer cette demande, l’avocat s’est appuyé sur une récente décision du Conseil constitutionnel, qui a donné raison à l’ancien Premier ministre François Fillon sur une question de procédure.
La présidente du tribunal a estimé que dans ce dossier, rien ne venait « justifier l’application de la décision du Conseil constitutionnel », et rejeté cette demande.
Dans cette affaire, les sept prévenus comparaissent pour association de malfaiteurs terroriste et, pour trois d’entre eux, également pour « refus de remettre une convention secrète de chiffrement d’un moyen de cryptologie ».
A l’origine du dossier, un rapport de la DGSI sur un projet d’action violente fomenté par des militants d’ultragauche. Selon ce rapport, leur leader serait Florian D., un militant libertaire aujourd’hui âgé de 39 ans, ayant combattu en 2017 auprès des Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG) au Rojava (nord-est de la Syrie) contre le groupe Etat islamique.
– « Gros pétard » –
Après plusieurs mois de surveillance et d’écoutes, les suspects sont interpellés le 8 décembre 2020, en divers endroits de France (Toulouse, Rennes ou encore Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne), puis mis en examen. Lors des perquisitions, les forces de l’ordre retrouvent notamment des produits servant à fabriquer des explosifs et des armes.
Les mis en cause sont soupçonnés d’avoir participé à des « entraînements de progression tactique et de tir » dans une maison abandonnée en Haute-Garonne et fabriqué et testé des explosifs, en vue d' »abattre les institutions républicaines » en s’en prenant à des policiers et militaires, selon la justice qui se base sur des conversations écoutées par les enquêteurs.
Aucun passage à l’acte imminent n’a toutefois été envisagé.
Devant les enquêteurs, ils évoquent pour leur part des parties d’airsoft et reconnaissent avoir confectionné des explosifs, mais selon les mots de Florian D., uniquement pour fabriquer un « gros pétard » dans un but ludique.
Avant le début de l’audience, vers midi, une cinquantaine de personnes, souvent le visage dissimulé derrière un masque chirurgical, s’étaient réunies devant le tribunal judiciaire.
Les manifestants ont enchaîné les prises de parole au micro et chanté en soutien aux prévenus le refrain « on n’est pas des terroristes, juste révolutionnaires », sur l’air de « Mourir sur scène » de Dalida.
Plusieurs d’entre eux ont ensuite affiché le message entre lettres noires « Ne nous laissons pas anti-terroriser » en craquant un fumigène violet.
« Ce procès a une dimension politique, comme ce qui s’est passé à Sainte-Soline » (Deux-Sèvres), a estimé Doris, retraitée et ex-libraire indépendante, qui n’a pas souhaité donner son nom complet.
Avant cette affaire, la dernière saisine connue de la justice antiterroriste pour des faits liés à l’ultragauche remonte à l’affaire de Tarnac (Corrèze) en 2008, pour des soupçons de sabotage de lignes TGV.
Mais les qualifications terroristes, objet d’un âpre débat, avaient été abandonnées par la justice avant le procès, qui s’était conclu en 2018 par une relaxe quasi générale. « +Le groupe de Tarnac+ était une fiction », avait conclu la présidente du tribunal.
Le dernier procès pour terrorisme de militants d’ultragauche remonte à 1995, quand sept membres de la branche lyonnaise d’Action directe, un groupe armé d’extrême gauche à l’origine de plusieurs attentats dans les années 1980, avaient été condamnés à 30 ans de réclusion criminelle.
Le procès doit durer jusqu’au 27 octobre.
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