Le CETA : cet autre marché de dupes pour les populations qui ne doit pas être ratifié
Pour rappel, le CETA ( Comprehensive Economic and Trade Agreement) est un accord commercial bilatéral de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada. Signé le 30 octobre 2016, il est entré en vigueur le 21 septembre 2017. L’application totale et définitive de l’accord ne sera toutefois possible qu’après sa ratification, en cours, par les parlements des 28 Etats membres.
Les objectifs de cet accord
Pour ses promoteurs et partisans, ce traité de libre échange a pour but de réduire drastiquement les barrières tarifaires et non-tarifaires aux échanges commerciaux, mais s’étend également à de nombreux autres aspects liés à l’exportation des biens et des services, ainsi qu’aux possibilités d’investissements des entreprises européennes et canadiennes.
En pratique, il doit réduire la quasi-totalité de près de 99 % des barrières d’importations, permettre aux entreprises canadiennes et européennes de participer aux marchés publics, de services et d’investissements de l’autre partenaire, et renforcer la coopération entre le Canada et l’UE en termes de normes et de régulation.
Pourquoi un traité de libre échange avec le Canada ?
Pour les promoteurs et partisans de ce traité, le Canada est au 12ème rang des relations commerciales de l’Union européenne, tandis que l’UE est le deuxième partenaire commercial du Canada, après les USA. Le volume des échanges de biens entre les deux partenaires s’élève à près de 60 milliards d’euros par an, l’UE exportant principalement des machines, des équipements de transport et des produits chimiques vers le Canada. Les services commerciaux représentaient quant à eux déjà près de 26 milliards d’euros en 2012, principalement des services de transports, de voyage et d’assurance.
Le Canada et l’UE entretiennent également une relation étroite en termes d’investissements. Le Canada est le quatrième investisseur étranger dans l’UE.
Le CETA a donc pour objectif de renforcer ces liens commerciaux, mais aussi de créer un environnement plus stable pour soutenir les investissements entre les deux partenaires. De plus, le Canada constitue une très importante réserve de ressources naturelles et énergétiques. Cela ne peut que favoriser certaines multinationales grosses utilisatrices de produits chimiques pour la fracturation de la roche et ainsi, en réduisant les contraintes, de porter légalement une très grave atteinte à l’environnement et à la santé des populations dans certaines provinces de ce pays.
Curieuse conception du bonheur… Et des lendemains « économiques » qui chantent…
D’après l’étude de 2009 qu’elle a menée avec le gouvernement canadien, La Commission européenne estime que le CETA devrait accroître de 25 % les échanges commerciaux UE-Canada. Ainsi, selon les coauteurs de cette étude de prospective économique, le CETA est supposé, à terme, faire progresser le PIB de l’UE de 0,02 % à 0,08 %. Des chiffres fiables ? Comme l’indique Jean FOURE, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) : « En termes de données et de méthode générale, il est difficile de faire mieux pour l’instant, bien que les hypothèses de cette évaluation soient discutables, comme dans tout exercice de ce type« .
Les études économiques favorables au CETA s’efforcent de démontrer que le cadre prévu par le traité en matière d’investissements permettrait, quant à lui, de favoriser l’emploi en Europe et estiment que pour chaque milliard d’euros investi par l’UE, 14 000 emplois seraient soutenus. Mais du fait des déséquilibres démographiques et des besoins correspondant très inégaux, combien seraient perdus dans l’UE, notamment dans l’agriculture ? Une étude de prospective dans ce domaine eu été la bienvenue…
Selon la Commission européenne, qui assure par ailleurs que les normes de qualité seront maintenues, le traité favoriserait la compétitivité des entreprises européennes tout en entraînant une baisse de prix pour les consommateurs. En effet, si de nombreux opposants au CETA déplorent une remise en cause des normes européennes, la Commission avance que le CETA pourrait favoriser la coopération régulatrice des deux partenaires. L’UE affirme aussi que le CETA prévoit de protéger les spécificités culturelles et traditionnelles des deux partenaires – par exemple en reconnaissant et protégeant 143 indications géographiques (sur 1 500 existantes dans l’UE) dont 42 en France, une liste qui pourrait être étendue par la suite. Mais là encore, ce ne sont que des hypothèses pour rassurer, la réalité risque d’être moins prometteuse…
Et si les promoteurs et partisans du CETA omettaient l’essentiel ?
Il est tout de même surprenant que les promoteurs et partisans du CETA ignorent les énormes déséquilibres démographiques et territoriaux entre le Canada et l’UE. Le Canada compte 37 millions d’habitants pour une superficie de près de 10 millions de km2 quand la France en a 66 millions et pour l’ensemble de l’UE c’est 515 millions d’habitants, donc autant de consommateurs, mais avec 4,5 millions de km2 ( la moitié moins).
Le CETA qui doit être ratifié par les parlements, c’est l’exemple même qu’avec un tel déséquilibre démographique et territorial cela ne peut que favoriser à terme les seuls intérêts économiques du Canada, en particulier agroalimentaires. Sans compter que le CETA peut également servir de « cheval de Troie » aux multinationales Américaines de l’Agro- business alimentaire. A cause de règles plus sévères au sein de l’UE, notamment, par rapport à l’usage d’intrants chimiques, c’est bien au détriment d’une agriculture plus saine, donc de la santé et l’environnement des populations de notre « vieille Europe » que ce feront les « échanges économiques ». Mais voila, ici, on peut s’interroger, les échanges économiques ne porteraient -elles pas que sur des dizaines de milliers de tonnes de viande bovine de qualité moindre en provenance de l’autre coté de l’Atlantique contre, entre autre, des droits d’extractions de pétrole de schiste par TOTAL dans la province Canadienne de l’Alberta ?… Avec des désastres environnementaux auxquels ils vont contribuer … Sombres perspectives pour les populations des deux cotés de l’Atlantique !
Publiée le 19 janvier 2018 dans la revue « science », une nouvelle étude confirme le lien entre le processus d’extraction des hydrocarbures non conventionnels (pétrole de schiste) et les tremblements de terre au Canada. Menée sur 300 puits de la région de Fox Creek, dans la province de l’Alberta au centre du pays, cette recherche statistique montre qu’à partir de plus de 10 000 m3 de fluides injectés dans un puits, la pression est telle que les séismes se déclenchent. A lire : ( https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Environnement/En-Alberta-fracturation-hydraulique-provoque-seismes-2018-01-22-1200907875 )
Toutefois, les chercheurs canadiens précisent qu’il faut aussi tenir compte de la géologie du sous-sol. La même quantité d’eau injectée ailleurs qu’à Fox Creek n’aura peut-être pas les mêmes effets. Mais dans tous les cas, il existerait pour chaque sous-sol un « volume maximum injectable » avant de provoquer un séisme.
TOTAL a d’ailleurs mis à exécution son projet et a débuté début 2018 la mise en production d’exploitation de sables bitumineux dans la province de l’Alberta. Curieusement, cela coïncide avec l’entrée en vigueur d’une partie du traité le 21 Septembre 2019 qui autorise les échanges commerciaux. On échangerait donc des importations de viande Canadienne (de qualité controversée) contre le droit d’extraire du pétrole de schiste, quitte à nuire très gravement aux populations Canadiennes, encourager une alimentation sur-carnée qui ne peut qu’altérer la santé des populations Européennes et nuire à leur agriculture !…
Par ce traité, comme pour d’autres (Mercosur) L’UE ne peut s’opposer aux recours à des tribunaux arbitraux privés.
Le CETA prévoit qu’en cas de désaccord avec la politique publique menée par un Etat, une multinationale peut porter plainte auprès d’un tribunal spécifique, indépendant des juridictions nationales, contrairement à ce qui est en vigueur actuellement par exemple en France. Des craintes se sont exprimées vis-à-vis de ce mécanisme qui pourrait affaiblir le pouvoir régulateur des Etats membres, éveillées notamment par des précédents, comme la plainte de Philip Morris à l’encontre de la politique anti-tabac uruguayenne.
En réponse aux réticences des populations de certains pays et d’un certain nombre de parlementaires européens, la Commission européenne assure avoir renforcé l’indépendance et la transparence de ce système d’arbitrage et limité les motifs pour lesquels un investisseur pouvait contester un Etat et réduit l’impact de ses décisions.
Si le Parlement européen, quant à lui, s’est prononcé le 15 janvier 2017 en faveur du traité en excluant certains volets tels que le système chargé de régler les différends entre les Etats et les investisseurs, par la suite, un arrêt rendu par la Cour de justice de l’UE en mai 2017 (au sujet de l’accord avec Singapour) a en effet confirmé que l’UE n’avait pas la compétence exclusive dans le domaine des investissements étrangers de portefeuilles et dans le régime des règlements de différends entre les investisseurs et les Etats. (https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2017-05/cp170052fr.pdf ) Ainsi, une Multinationale, telle que MONSANTO pourra faire condamner un Etat, en ayant recours à un tribunal arbitral privé, « pour entrave économique » et obtenir des sommes exorbitantes de plusieurs dizaines de milliards d’euros (voire beaucoup plus). Rappelons nous en France de l’affaire « TAPIE – Crédit Lyonnais » où un tribunal arbitral avait condamné l’Etat Français à lui verser près de cinq cent millions d’euros…
Une entrée en vigueur, dont l’application totale et définitive du traité est soumise à la ratification des parlements nationaux, mais qui pourrait échouer
Les négociations du CETA ont débuté le 6 mai 2009 au sommet UE-Canada de Prague. Elles faisaient suite à la publication, en octobre 2008, de l’étude » Assessing the Costs and Benefits of a Closer EU-Canada Economic Partnership« , conjointement menée par la Commission européenne et le gouvernement canadien et qui, selon eux mettait en valeur les larges bénéfices économiques résultant d’un accord bilatéral.
Les deux partenaires économiques ont finalement présenté le texte du CETA le 26 septembre 2014, lors d’un sommet à Ottawa. En juillet 2016, la Commission européenne l’a adopté et a formellement proposé au Conseil de l’UE de le signer et le conclure.
Le 27 octobre 2016, les 28 pays de l’UE devaient donc signer le CETA, afin qu’il entre en vigueur après l’approbation du Parlement européen. Mais à la suite du refus de la Wallonie d’autoriser la Belgique à parapher l’accord, le sommet qui devait accueillir sa signature a été annulé. Les entités belges ayant finalement trouvé, la signature a pu avoir lieu le le 30 octobre 2016.
Depuis le 21 septembre 2017, seule la partie du CETA qui dépend de la compétence exclusive de l’UE (soit 90 % de l’accord) est donc entrée en vigueur. L’application totale de l’accord ne sera possible qu’après sa ratification , en cours, par les 43 parlements nationaux et régionaux des 28 Etats membres.
Problème pour les promoteurs et partisans de ce traité : le CETA a été signé et présenté en un seul bloc aux Vingt-Huit, contrairement à ses successeurs, divisés en sous-accords par domaines. De fait, si un seul des parlements vote contre le CETA, comme l’a fait observer la Commission Européenne : »non seulement la partie qui concerne la protection des investissements étrangers ne sera jamais appliquée, mais la partie qui relève de la compétence européenne et qui est appliquée aujourd’hui tombera également« .
Or en juillet 2018, le gouvernement italien a annoncé que la majorité parlementaire rejetterait cette ratification. Le processus pourrait donc échouer... Pour la satisfaction de tous les opposants…
Un « Veto » climatique est-il par ailleurs possible ?
Le député et rapporteur Jacques MAIRE (LREM) avait dévoilé devant la presse un document dans lequel le Canada s’engageait sur le principe d’une forme de « veto climatique ». Selon ce Député Cette disposition devrait permettre à l’UE et au Canada de bénéficier d’une marge de manoeuvre lorsqu’une entreprise privée ayant recours à un tribunal arbitral contestera notamment l’une des normes environnementales au nom de l’application de l’accord.
Mais certains dénoncent cette promesse de veto climatique, à l’instar de la Fondation HULOT (FNH) pour qui « ce n’est pas un vrai veto climatique » dans le sens souhaité par l’ex-ministre de la Transition écologique ». Par ailleurs, selon Samuel LERE représentant de la FNH « Rien ne peut arrêter la procédure de contestation d’une entreprise« . Le Député PCF Jean – Paul LECOQ observe que le veto climatique annoncé n’a, en outre » aucune existence légale ». Ce qui est une évidence
Pour conclure
Alors que nous sommes entrés dans une ère post-croissance qui signe définitivement toute notion de croissance exponentielle et la nouvelle révolution des » intelligences artificielles » ne modifiera pas la trajectoire, les promoteurs et partisans du CETA (idem pour le Mercosur) se comportent comme si nous étions dans les années 70 du 20 eme siècle. Par ailleurs, quand on considère que Le CETA s’est également attiré des critiques justifiées en raison de sa relative opacité et vu les déséquilibres démographiques et territoriaux entre l’UE et le Canada, ainsi que le pouvoir de régulation des Etats qui est considérablement affaibli par la possibilité pour les Multinationales de les faire lourdement condamner par des tribunaux arbitraux privés, les députés Français doivent, demain Mardi 23 Juillet 2019 refuser de ratifier le CETA.
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