L’ancien chef de l’État a été reconnu coupable de « financement illégal » pour sa campagne électorale de 2012, mercredi devant la cour d’appel de Paris. Il écope d’une peine d’un an de prison dont six mois avec sursis.
14 février 2024 à 14h29
Nicolas Sarkozy deviendra peut-être un jour, parmi les anciens chefs d’État que compte la planète, celui qui a le casier judiciaire le plus fourni. Mercredi 14 février, l’ex-président de la République française a été reconnu coupable de financement illégal de campagne électorale dans l’affaire Bygmalion, et condamné à un an de prison dont six mois ferme par la cour d’appel de Paris. La partie ferme de cette peine étant aménageable.
À l’énoncé de la peine, qu’il a écouté debout, l’ancien chef de l’État n’a manifesté aucune émotion. L’un de ses avocats, Vincent Desry, a annoncé peu après un pourvoi en cassation. « Il maintient son combat dans cette affaire et le portera devant la Cour de cassation », a-t-il déclaré à l’AFP.
En 2012, voulant à tout prix se faire réélire, le président sortant avait explosé dans les grandes largeurs le plafond légal de sa campagne présidentielle. En vain. Cette campagne à l’américaine avait tout de même coûté la bagatelle de 42,8 millions d’euros, soit le double du maximum autorisé de 22,5 millions.
Nicolas Sarkozy encourait une peine maximale de un an de prison ferme, celle à laquelle il avait été condamné en première instance. Le 30 novembre dernier, en appel, une peine de un an de prison avec sursis avait été requise contre lui.
L’avocat général Bruno Revel avait estimé que le président candidat de 2012 avait « mécaniquement bénéficié des fraudes démontrées par l’enquête ». Aux termes du Code électoral, le « puits sans fond » des dépenses de 2012 et le dépassement du plafond légal constituent une infraction « imputable au seul candidat » ainsi qu’à ses complices. Nicolas Sarkozy a signé un compte de campagne qu’il savait faux, et « la mauvaise foi du signataire doit être retenue », expliquait le magistrat.
« Nicolas Sarkozy est comptable des dépenses faites pendant la campagne, d’autant que le maître de la campagne, c’est lui », poursuivait l’avocat général. « Il a été averti du risque de dépassement des dépenses à deux reprises, avec les notes du 7 mars 2012 et du 26 avril 2012. » Mais le président candidat a ignoré ces alertes assorties de préconisations, préférant multiplier les meetings à l’américaine, sans mise en concurrence des fournisseurs, et demandant même de coûteux renforts techniques pour ses shows d’entre-deux-tours.
« Cette pente dépensière n’avait rien de fatal », insistait l’avocat général, pour qui Nicolas Sarkozy a voulu forcer son destin. Quitte à « s’affranchir des règles » et « fausser le scrutin ».
Le magistrat lui reconnaissait cependant un élément à décharge : l’instruction n’a pas démontré que le président candidat avait été l’instigateur ou l’organisateur du système de fraude des dépenses de campagne, là où l’UMP et Bygmalion-Event & Cie avaient multiplié les fausses factures pour faire payer par le parti la moitié des dépenses du candidat.
Ce 14 février, la cour d’appel a également condamné les neuf autres prévenus rejugés dans l’affaire Bygmalion (quatre autres personnes condamnées en première instance n’avaient pas fait appel). Devant répondre des délits de « faux » d’« escroquerie » et d’« abus de confiance », ils encouraient des peines plus lourdes que Nicolas Sarkozy.
De nombreux prévenus ont écopé de deux ans de prison dont six mois ferme avec une peine complémentaire de cinq ans d’inéligibilité : le préfet Guillaume Lambert, alors directeur de campagne de Nicolas Sarkozy, Éric Cesari, alors directeur général de l’UMP, Jérôme Lavrilleux, qui avait la double casquette de directeur adjoint de la campagne et de bras droit de Jean-François Copé à l’UMP, l’expert-comptable Pierre Godet, l’avocat Philippe Blanchetier, et Pierre Chassat, alors directeur de la communication de l’UMP.
En prononçant des peines identiques contre eux, la cour semble avoir considéré qu’il y avait une chaîne infractionnelle destinée à truquer les comptes à l’UMP et à l’équipe de campagne du candidat. Fabienne Liadzé, alors directrice financière de l’UMP, a toutefois été condamnée à deux ans de prison dont dix-huit mois avec sursis sans peine complémentaire.
Pour leur part, Guy Alvès, cofondateur de Bygmalion, et Franck Attal, alors responsable de la branche « événementiel » de la société, sont respectivement condamnés à dix-huit mois avec sursis et un an avec sursis, avec cinq ans d’interdiction de gérer une entreprise pour les deux.
Nicolas Sarkozy n’en a pas fini avec les juges. Déjà condamné pour « corruption active » dans l’affaire dite « Paul Bismuth », il est par ailleurs renvoyé en correctionnelle dans l’affaire des financements libyens de sa campagne de 2007 pour des faits de « corruption passive », « association de malfaiteurs », « recel de détournements de fonds publics libyens » et « financement illicite de campagne électorale ».
Il est par ailleurs mis en examen pour « recel de subornation de témoin » et « association de malfaiteurs » dans l’enquête sur la fausse rétractation de l’intermédiaire Ziad Takieddine dans le scandale des financements libyens. Nicolas Sarkozy bénéficie, comme toute personne mise en cause, de la présomption d’innocence.
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