Le hold-up de la FNSEA un lundisoir avec des agricultrices et des agriculteurs
Des dizaines d’autoroutes bloquées et transformées en campement éphémères, des préfectures recouvertes de lisier, une mutuelle incendiée, pendant deux semaines un mouvement des agriculteurs est sorti des campagnes pour défier le gouvernement. Ce qui a surgi comme une révolte s’est néanmoins rapidement transformé en négociation. La FNSEA, syndicat majoritaire dévoué à l’agro-industrie, a su reprendre et serrer les rênes. Pour décrypter et comprendre cette séquence, nous avons invité des paysans et des paysannes qui depuis leurs pratiques, – nourrir les autres-, contestent l’organisation même de l’agriculture française.
Imaginons un monde où tout conspirerait à produire du néant. Dans ce monde-là, le front du vivant serait le premier menacé, virtuellement, de mise à mort. Bien sûr, on ne le verrait pas tout de suite. Il s’agirait d’une guerre d’attrition. D’un long long siège. On passerait discrètement, en quarante ans, d’un million six à quatre cent mille travailleur·es de la terre. Appelons cette drôle de guerre : le grand déclin des géorgiques. Car dans ce drôle de monde, les paysans – cultivant les vivants – deviendraient peu à peu des ouvriers agricoles, puis des employés de l’agro-industrie, puis, ironie du sort, de drôles d’hybrides, à la fois salariés du capital et fonctionnaires payés par les aides de la PAC. Le capital, avare vorace, substituant à son principe minimal de reproduction de la force de travail, l’aide généreuse venue des impôts de l’Europe, ne se soucierait même plus, au fond, de sa propre reproduction – le parasite se suicidant en suicidant son hôte. Dans ce monde-là, heureusement fort loin du nôtre, la logique de production des vivants qui servent à nous nourrir serait, intimement, réellement, à terme, une logique de destruction des producteurs, des vivants même et de la terre. Heureusement, dans ce monde-là, un petit village, exalté, naïf, bourgeonnant depuis les bourgs vers les labours néo-ruraux, se propose de résister encore et toujours aux abstractions de la valeur agro-industrielle : le village de la confédération paysanne, de l’Atelier Paysan, et de mille autres micro-tentatives d’inverser le procès par lequel le labour général, la dette, l’exploitation deviennent la guillotine du paysan. Réussir a-t-il à inverser le cours des géorgiques* ? Nous essayons de le savoir, ce lundisoir.
* Les Géorgiques (« les travaux de la terre ») sont la deuxième œuvre majeure de Virgile, écrite entre 37 et . Ce long poème didactique de quelque 2 000 vers, qui s’inspire du poème d’Hésiode Les Travaux et les Jours, est une commande de son ami et protecteur Mécène. Dédié à Octavien, il se présente en quatre livres, les deux premiers consacrés à l’agriculture (céréales, vigne), les deux suivants à l’élevage (animaux, abeilles). Mais loin d’être un simple traité d’agriculture, comme le De re rustica de Varron (publié en 37), il aborde des thèmes beaucoup plus profonds : guerre, paix, mort, résurrection. En effet, composé dans une période trouble et sanglante dont il garde des traces, il s’élargit à une vaste réflexion sur la beauté mais aussi la fragilité du monde.
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