Les prix flambent dans le pays, l’un des plus grands consommateurs du précieux nectar.
L’huile d’olive est-elle en train de devenir un produit de luxe? C’est l’inquiétude en Espagne, où elle est perçue comme un aliment de première nécessité. À la fois fierté nationale et ingrédient indispensable pour assaisonner généreusement les salades ou pour cuisiner une bonne part des plats traditionnels.
«Avant, je faisais mes provisions sans réfléchir. Maintenant, c’est un vrai casse-tête, je regarde les prix avant de choisir», témoigne Consuelo Jimenez, une retraitée de 64 ans, alors qu’elle étudie les étiquettes des bouteilles d’huile dans les rayons d’un supermarché du centre de Madrid. «On se passe les bons tuyaux pour profiter des offres spéciales que lancent les magasins», raconte-t-elle.
Un souci pour les familles
Effectivement, les prix flambent. Ils ont augmenté de 70% l’an dernier et l’escalade continue. Jamais «l’or liquide» n’a mieux porté son surnom. C’est un vrai souci pour les familles. Les prix du nectar sont de plus en plus inabordables et font tanguer les certitudes. Et ce n’est sans doute pas fini, préviennent les producteurs. «Nous venons de finir la récolte d’olives de cet hiver, elle n’a été que de 40% par rapport à la normale», s’inquiète José Gilabert, oléiculteur et président de la coopérative Puerta de las villas, qui regroupe 1300 petites exploitations familiales, non loin de Jaén, en Andalousie.
«Non seulement nous avons moins d’olives, mais leur rendement en huile va être bas car elles ont souffert à la fois du manque d’eau et des fortes températures depuis le printemps dernier», explique-t-il.
Les années de basses récoltes se suivent
La préoccupation règne dans les collines couvertes d’oliviers, car les années de basses récoltes s’enchaînent. La sécheresse perdure et l’irrigation est limitée. Pendant que les oliviers andalous ont soif, c’est le marché global de l’huile d’olive qui est en jeu. Car l’Espagne domine sans conteste la production mondiale d’olive. Le pays produit habituellement 70% de l’huile européenne et 45% à l’échelle de la planète, avec en moyenne aux alentours de 1,35 million de tonnes par an. Mais le volume est en nette diminution. «La production d’huile d’olive espagnole 2023-2024 se situera aux alentours de 765’000 tonnes, soit un tiers de moins que durant les quatre dernières années», a annoncé le ministre espagnol de l’agriculture, Luis Planas.
Pour l’oléiculteur José Gilabert, c’est une mauvaise passe. «Mais nous reviendrons à des meilleures années», dit-il. Les oliviers savent survivre aux sécheresses du climat méditerranéen, mais d’autres plantations plus demandeuses en eau sont en péril, affirme l’oléiculteur, qui prône une agriculture en accord avec les possibilités du terrain. «Nous souffrons des effets du changement climatique, et nous devons tous tenir compte des avertissements et prendre soin du milieu rural.»
Une bonne part de la Catalogne et de l’Andalousie a dû commencer à rationner l’eau. L’usage agricole est limité et les exploitants ont dû renoncer à l’irrigation des cultures pour se contenter d’essayer de préserver les arbres fruitiers.
Des scénarios du pire
L’espoir est aujourd’hui dans la fonte des neiges et les pluies de printemps mais, en attendant, les autorités locales se préparent au pire, en activant des canalisations pour importer de l’eau d’autres zones plus vertes.
À Barcelone comme à Málaga, on recycle et on dessalinise. Les zones urbaines ont imposé des contraintes, sans arrosage, sans remplissage de piscine, avec baisse de pression au robinet et coupures d’eau quand la consommation dépasse le raisonnable. La livraison par bateaux-citernes est prête. «Mais pour des raisons de coûts, ce ne peut être qu’un complément», explique Samuel Reyes le directeur de l’Agence catalane de l’eau, en ajoutant qu’«a priori», ce scénario n’est pas prévu avant juillet.
Une fuite en avant?
Du côté des organisations écologistes, on dénonce la fuite en avant des administrations régionales. «La sécheresse, ce n’est pas seulement un manque de plus, mais une mauvaise gestion», accuse Julio Barea, l’un des responsables de Greenpeace. Il pointe du doigt les excès de l’agriculture intensive, ou encore l’introduction de cultures gourmandes en eau comme la mangue ou l’avocat.
«Mais il est temps d’élargir les débats», avertit-il, en signalant la fragilité du modèle touristique espagnol face aux risques climatiques. Au moment où les populations locales de nombre de stations balnéaires sont appelées à freiner leur consommation, il est en effet bien difficile d’expliquer qu’il faudra se serrer la ceinture pour que le vacancier ne manque de rien l’été prochain.
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