En Géorgie, la jeunesse dans la rue pour s’opposer à la loi sur l’« influence étrangère » et ne pas « devenir la Russie »

Demonstrators hold a rally to protest against a bill on "foreign agents", in Tbilisi, Georgia, May 12, 2024. REUTERS/Irakli Gedenidze

Les contestataires ont surnommé ce texte la « loi russe », car il imite une législation utilisée par le Kremlin pour réprimer les voix dissidentes. Le premier ministre géorgien a assuré que le Parlement adopterait le texte mardi.

Le Monde avec AFP

Publié aujourd’hui

Un millier de manifestants, jeunes pour la plupart, étaient encore rassemblés lundi 13 mai devant le Parlement de la Géorgie, pays du Caucase agité par une protestation massive contre une loi sur l’« influence étrangère » accusée de détourner Tbilissi de son chemin européen pour l’entraîner dans l’orbite de Moscou.

Les contestataires, qui manifestent depuis le début d’avril, ont surnommé ce texte la « loi russe », car il imite une législation utilisée par le Kremlin pour réprimer les voix dissidentes. En dépit de cette opposition, le premier ministre géorgien a assuré que le Parlement adopterait mardi le projet de loi. « Le Parlement agira demain suivant la volonté de la majorité de la population et adoptera la loi en troisième lecture », a déclaré Irakli Kobakhidze, affirmant qu’il s’agissait de protéger « les intérêts nationaux » de ce pays du Caucase.

En cas d’adoption, la loi imposera à toute ONG ou organisation médiatique recevant plus de 20 % de son financement de l’étranger de s’enregistrer en tant qu’« organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère ». Le gouvernement assure que cette mesure vise à obliger les organisations à faire preuve de davantage de « transparence » sur leurs financements.

Lundi, les manifestants exprimaient leur colère contre le projet, estimant qu’il sabote les rêves européens de leur pays et met en péril la démocratie. « Cette loi veut dire qu’on ne rejoindra pas l’Europe », s’inquiétait Mariam Kalandadze, 22 ans. « On compte rester ici aussi longtemps qu’il le faudra », a-t-elle déclaré à l’Agence France-Presse (AFP). Les étudiants de la capitale, Tbilissi, se sont mis en grève lundi.

Intimidations et répression

Des dizaines de milliers de personnes avaient manifesté dimanche, certains restant toute la nuit pour empêcher les députés d’entrer dans le Parlement. A l’aube, l’AFP a vu des policiers interpeller et violenter un groupe de manifestants.

Les rassemblements se déroulent dans un climat de tensions, les autorités ayant prévenu qu’elles interpelleraient les personnes bloquant le Parlement. « Si cette loi passe, nous allons progressivement devenir la Russie », affirmait de son côté Artchil Svanidze, un autre manifestant de 26 ans, y voyant l’opposé de l’avenir qu’il espère pour son pays.

L’Union européenne, qui a accordé en décembre 2023 à la Géorgie le statut de candidat officiel, a salué « l’engagement impressionnant » des Géorgiens en faveur de l’intégration européenne et exhorté Tbilissi à enquêter sur les actes de violence à l’égard des manifestants qui ont été signalés. « Nous condamnons fermement les actes d’intimidation, les menaces et les agressions physiques », a déclaré lundi Peter Stano, porte-parole principal du service diplomatique de l’UE.

De leur côté, les Etats-Unis ont jugé lundi que cette loi était « incompatible » avec les aspirations du pays à un rapprochement avec l’UE. « Nous exhortons le gouvernement géorgien à poursuivre sur la voie de l’intégration à l’Union européenne » et à agir d’une façon qui soit « compatible » avec celle-ci, a affirmé à la presse le porte-parole du département d’Etat, Vedant Patel.

La présidente géorgienne, Salomé Zourabichvili, pro-européenne en conflit ouvert avec le gouvernement, devrait utiliser son veto, mais Rêve géorgien assure avoir assez de voix pour passer outre. Le parti au pouvoir avait déjà tenté de faire passer cette loi en 2023, mais avait dû y renoncer en raison des rassemblements massifs qu’elle avait déjà provoqués. Son retour devant les députés début avril avait créé la surprise et provoqué des manifestations, dont certaines ont été violemment réprimées.

Bidzina Ivanichvili, homme d’affaires richissime et perçu comme le dirigeant de l’ombre de la Géorgie, voit les ONG comme un ennemi de l’intérieur au service de puissances étrangères. Cet homme, premier ministre de 2012 à 2013 et aujourd’hui président honoraire de Rêve géorgien, est accusé d’affinités avec la Russie, pays où il a fait fortune.

Le Monde avec AFP

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