Tunisie. Racisme et dictature, le cocktail de mort du président Kaïs Saïed
“Ben Ali n’avait pas osé, Kaïs Saïed l’a fait”
C’est par ce titre que le média tunisien Business News a commenté l’arrestation, en direct devant les journalistes de France 24, (eux aussi brièvement arrêtés), de l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani, et ce, dans l’enceinte même de la maison des avocats. Dahmani a été interpellée de force par des personnes cagoulées et sans signe distinctif. Borhen Bssais, présentateur à la télévision et à la radio, et Mourad Zeghidi, chroniqueur, ont également été interpellés ce samedi soir (mais sans présence de caméras).
Mardi dernier, lors d’une émission TV, Sonia Dahmani avait répondu « De quel pays extraordinaire parle-t-on ? » à un autre chroniqueur qui venait d’affirmer que les migrants venus de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne cherchaient à s’installer en Tunisie.
Sonia Dahmani ferait l’objet d’une enquête pour diffusion de « fausses informations dans le but de porter atteinte à la sûreté publique » et « incitation à un discours de la haine », en vertu d’un décret promulgué en 2022 par le président Kaïs Saied. Celui-ci punit jusqu’à cinq ans de prison quiconque utilise les réseaux pour « rédiger, produire, diffuser ou répandre de fausses nouvelles dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou de porter préjudice à la sécurité publique ».
En un an et demi, plus de 60 personnes, dont des journalistes, des avocats et des opposants au président Kaïs Saïed, ont fait l’objet de poursuites sur la base de ce texte, selon le Syndicat national des journalistes.
Le 07 mai, la militante noire tunisienne Saadia Mosbah, icône de la lutte contre le racisme et pour le droits des migrants d’Afrique subsaharienne, était arrêtée avec Sherifa Riahi, ancienne présidente de l’association de défense des droits des demandeurs d’asile Tunisie Terre d’Asile.
Pour comprendre comment Kaïs Saïed a plongé la Tunisie dans une nouvelle dictature, il faut saisir la terrible situation économique et sociale que vit le pays depuis plusieurs années. Des millions de Tunisiens sont tombés dans la pauvreté et sont frappés par les différentes pénuries alimentaires.
Pour éviter toute nouvelle révolte (dans un pays qui a réussi une révolution il y a une décennie), Kaïs Saïed a opté pour trois stratégies, complémentaires entre elles :
– durcir la répression de toute contestation
– stigmatiser les migrants d’Afrique subsaharienne pour en faire les « coupables » de la crise économique
– pactiser avec l’Union Européenne sur la question des migrants
En effet, la Tunisie a signé un « accord » avec l’Union Européenne l’an passé. En échange d’une aide financière de plus de 100 millions d’euros, le pays s’engage à durcir l’accès à sa frontière. Dénoncé par de nombreuses ONG, dont Amnesty International, cet accord est une façon sournoise pour l’Europe de « déplacer » ses frontières et de « sous traiter » la « lutte migratoire » à d’autres pays.
Depuis, la Tunisie s’est tristement illustrée dans cette lutte contre l’arrivée de migrants fuyant guerre et famine, en renvoyant des familles et des enfants dans le désert, sans eau ni nourriture, à sa frontière avec la Libye et l’Algérie. Plusieurs ONG ont dénoncé ces actes aux conséquences dramatiques, puisque de nombreuses personnes sont mortes suite à ces décisions.
Cette chasse aux migrants des autorités tunisiennes a également trouvé écho au sein d’une partie de la population qui a été chauffée par Kaïs Saïed et les médias à sa botte pour stigmatiser les migrants d’Afrique subsaharienne, et globalement les Noirs vivant en Tunisie. Ce déferlement de racisme institutionnel et médiatique nous rappelle tristement la montée de l’extrême-droite en Europe et notamment en France. Les mécanismes sont les mêmes, allant jusqu’à reprendre la théorie du « grand remplacement ». En Tunisie, ce seraient les Noirs qui viendraient « grand remplacer » les « Tunisiens pure souche ». Quand en Europe, ce seraient les Noirs et les Arabes (dont les Tunisiens) qui viendraient « grand remplacer » les « Européens pure souche ».
La Tunisie paie aujourd’hui le prix fort des dérives de son président, mais aussi d’un laxisme coupable (et responsable) de l’Occident. L’Europe et les USA ayant totalement fermé les yeux sur le tour de vis autoritaire (et désormais dictatorial) amorcé en juillet 2021 par Kaïs Saïed. Le Président avait alors fait une sorte de « coup d’Etat de l’intérieur » en changeant la constitution, en emprisonnant 50 personnes de l’opposition, en révoquant autant de juges, et en publiant ce fameux décret contre la presse libre.
Nul ne peut savoir si la Tunisie va pouvoir se redresser ou sombrer encore plus dans les ténèbres du racisme et de la dictature. Mais il est de notre devoir de dénoncer et de soutenir ceux et celles qui luttent de l’intérieur pour que ce pays qui a vu tant de lumière et d’espoir dans l’humain ne sombre pas dans une contre révolution.
“Ben Ali n’avait pas osé, Kaïs Saïed l’a fait”
C’est par ce titre que le média tunisien Business News a commenté l’arrestation, en direct devant les journalistes de France 24, (eux aussi brièvement arrêtés), de l’avocate et chroniqueuse Sonia Dahmani, et ce, dans l’enceinte même de la maison des avocats. Dahmani a été interpellée de force par des personnes cagoulées et sans signe distinctif. Borhen Bssais, présentateur à la télévision et à la radio, et Mourad Zeghidi, chroniqueur, ont également été interpellés ce samedi soir (mais sans présence de caméras).
Mardi dernier, lors d’une émission TV, Sonia Dahmani avait répondu « De quel pays extraordinaire parle-t-on ? » à un autre chroniqueur qui venait d’affirmer que les migrants venus de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne cherchaient à s’installer en Tunisie.
Sonia Dahmani ferait l’objet d’une enquête pour diffusion de « fausses informations dans le but de porter atteinte à la sûreté publique » et « incitation à un discours de la haine », en vertu d’un décret promulgué en 2022 par le président Kaïs Saied. Celui-ci punit jusqu’à cinq ans de prison quiconque utilise les réseaux pour « rédiger, produire, diffuser ou répandre de fausses nouvelles dans le but de porter atteinte aux droits d’autrui ou de porter préjudice à la sécurité publique ».
En un an et demi, plus de 60 personnes, dont des journalistes, des avocats et des opposants au président Kaïs Saïed, ont fait l’objet de poursuites sur la base de ce texte, selon le Syndicat national des journalistes.
Le 07 mai, la militante noire tunisienne Saadia Mosbah, icône de la lutte contre le racisme et pour le droits des migrants d’Afrique subsaharienne, était arrêtée avec Sherifa Riahi, ancienne présidente de l’association de défense des droits des demandeurs d’asile Tunisie Terre d’Asile.
Pour comprendre comment Kaïs Saïed a plongé la Tunisie dans une nouvelle dictature, il faut saisir la terrible situation économique et sociale que vit le pays depuis plusieurs années. Des millions de Tunisiens sont tombés dans la pauvreté et sont frappés par les différentes pénuries alimentaires.
Pour éviter toute nouvelle révolte (dans un pays qui a réussi une révolution il y a une décennie), Kaïs Saïed a opté pour trois stratégies, complémentaires entre elles :
– durcir la répression de toute contestation
– stigmatiser les migrants d’Afrique subsaharienne pour en faire les « coupables » de la crise économique
– pactiser avec l’Union Européenne sur la question des migrants
En effet, la Tunisie a signé un « accord » avec l’Union Européenne l’an passé. En échange d’une aide financière de plus de 100 millions d’euros, le pays s’engage à durcir l’accès à sa frontière. Dénoncé par de nombreuses ONG, dont Amnesty International, cet accord est une façon sournoise pour l’Europe de « déplacer » ses frontières et de « sous traiter » la « lutte migratoire » à d’autres pays.
Depuis, la Tunisie s’est tristement illustrée dans cette lutte contre l’arrivée de migrants fuyant guerre et famine, en renvoyant des familles et des enfants dans le désert, sans eau ni nourriture, à sa frontière avec la Libye et l’Algérie. Plusieurs ONG ont dénoncé ces actes aux conséquences dramatiques, puisque de nombreuses personnes sont mortes suite à ces décisions.
Cette chasse aux migrants des autorités tunisiennes a également trouvé écho au sein d’une partie de la population qui a été chauffée par Kaïs Saïed et les médias à sa botte pour stigmatiser les migrants d’Afrique subsaharienne, et globalement les Noirs vivant en Tunisie. Ce déferlement de racisme institutionnel et médiatique nous rappelle tristement la montée de l’extrême-droite en Europe et notamment en France. Les mécanismes sont les mêmes, allant jusqu’à reprendre la théorie du « grand remplacement ». En Tunisie, ce seraient les Noirs qui viendraient « grand remplacer » les « Tunisiens pure souche ». Quand en Europe, ce seraient les Noirs et les Arabes (dont les Tunisiens) qui viendraient « grand remplacer » les « Européens pure souche ».
La Tunisie paie aujourd’hui le prix fort des dérives de son président, mais aussi d’un laxisme coupable (et responsable) de l’Occident. L’Europe et les USA ayant totalement fermé les yeux sur le tour de vis autoritaire (et désormais dictatorial) amorcé en juillet 2021 par Kaïs Saïed. Le Président avait alors fait une sorte de « coup d’Etat de l’intérieur » en changeant la constitution, en emprisonnant 50 personnes de l’opposition, en révoquant autant de juges, et en publiant ce fameux décret contre la presse libre.
Nul ne peut savoir si la Tunisie va pouvoir se redresser ou sombrer encore plus dans les ténèbres du racisme et de la dictature. Mais il est de notre devoir de dénoncer et de soutenir ceux et celles qui luttent de l’intérieur pour que ce pays qui a vu tant de lumière et d’espoir dans l’humain ne sombre pas dans une contre révolution.
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