Dégel des votes en Kanaky : vers un embrasement général ?
Des révoltes importantes ont marqué la Kanaky ( « Nouvelle-Calédonie ») depuis deux jours, notamment à Nouméa, capitale de ce pays occupé par la France, situé dans l’océan Pacifique.
Comme d’habitude en « Outre-mer », la réponse de l’État Français ne s’est pas faite attendre.
Au lendemain des premières révoltes, Gabriel Attal et Gérald Darmanin annonçaient l’envoi de renforts comprenant notamment la compagnie de CRS 8 et des unités spéciales telles que le GIGN et le RAID.
Cela fait plusieurs semaines qu’indépendantistes d’un côté et colons loyalistes soutenus par l’État Français de l’autre, se mobilisent au sujet d’une loi sur le dégel du corps électoral adoptée hier par l’assemblée nationale.
Depuis les accords de Nouméa en 1998 qui suivirent ceux de Matignon, 10 ans après les massacres de la grotte d’Ouvéa où le GIGN exécutait 19 indépendantistes Kanak, seule la population inscrite sur les listes électorales avant 1998 bénéficiait du droit de vote aux élections provinciales.
En remettant en cause ces accords, la France joue avec le feu et ravive les douloureux souvenirs de tensions postcoloniales qui ont jadis flirté avec une situation proche de la guerre civile dans les années 80.
L’accès au scrutin régional concernerait environ 25 000 personnes de plus, 12 441 natifs et 13 400 résidents depuis au moins 10 ans (source France 24). Le vote de ces nouveaux votants soucieux de conserver ou d’obtenir de nouveaux privilèges serait logiquement favorable aux loyalistes.
Colonie de peuplement, la Kanaky subit un afflux de nouveaux habitants généralement aisés issus de la métropole. Aujourd’hui, seulement près de 40 % de la population est d’origine autochtone (source Insee 2019), elle est largement défavorisée contrairement à celle des caldoches (descendants des colons) et de celles et ceux venus de la métropole.
Cette partie de la population plus fragile économiquement subit donc de plein fouet les problèmes systémiques à « l’Outre-Mer » (pauvreté, chômage, vie chère…).
Ce projet de loi a pour objectif de marginaliser encore plus le peuple Kanak sur ses terres et d’évacuer au plus vite ses désirs d’indépendance. Il s’agit non seulement d’une atteinte grave à son autodétermination, mais aussi de la continuité de la colonisation française qui dure officiellement depuis l’an 1853.
Ce projet de loi est porté par la macroniste Sonia Backès, présidente loyaliste de la Province du Sud. Il est soutenu par “l’arc républicain” (allant de Renaissance au Rassemblement National et Reconquête).
Perçue comme une provocation supplémentaire, la nomination de deux loyalistes en tant que rapporteurs de ce projet de loi soumis à un vote depuis Paris : Philippe Dunoyer et le cliché caricatural du colon Nicolas Metzdorf, n’arrange pas les choses.
Fin 2021 déjà, pendant la crise du Covid-19, l’État Français avait fait le choix d’écraser législativement le droit du peuple Kanak en imposant un troisième référendum boycotté par les forces indépendantistes.
Malgré une abstention colossale et revendiquée politiquement par une partie très importante de la population, le gouvernement affirmait clore la page des référendums, et rattacher définitivement l’archipel à la France.
Face à ces injustices, les indépendantistes n’ont jamais cessé de lutter.
Depuis deux jours, L’USTKE (Union Syndicale des Travailleurs et des Exploités) a entamé une grève suivie à plus de 99% dans les transports aériens et terrestres, l’Hôtellerie, ou encore les Ports. Très mobilisée, la jeunesse organise de nombreuses actions : auto-réduction, blocages, manifestations…
Les affrontements avec la police et la gendarmerie ont déjà causé deux morts.
Parmi les personnes interpellées, certaines doivent être jugées en comparution immédiate pour le simple fait d’avoir hissé le drapeau Kanak (source Survie).
Dans le camp adverse, des groupes loyalistes, le plus souvent d’extrême-droite se constituent en milices armées.
Le haut-commissaire évoque un droit à « la légitime défense », autorisant donc les colons les plus radicaux à disposer d’armes lourdes.
Dans ces conditions, c’est malheureusement dans les mains de l’État Français que se trouve une issue politique pouvant aboutir sur un début d’accalmie et une reprise du dialogue.
La première étape est de retirer immédiatement le projet de loi sur le dégel, et de considérer caduque le troisième référendum sur l’indépendance.
L’équipe de CND réitère son soutien inconditionnel à la résistance Kanak et à l’ensemble mouvement indépendantiste et appelle à se mobiliser pour faire pression sur le gouvernement depuis la France pour le retrait de cette loi.
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