Les «invincibles» radars tourelles déjà vandalisés

A peine déployés, les radars tourelles, censés être plus robustes, subissent, eux aussi, une série d’attaques. Des dégradations qui coûtent cher : plus de 360 millions d’euros depuis le début des Gilets jaunes.

Installé cet été, le radar tourelle de Jouy-en-Pithiverais (Loiret) a été mis à terre le week-end dernier. LP/Vincent Montgaillard
Par Frédéric Mouchon
leparisien.fr – Le 22 août 2019

Perchés à quatre mètres de hauteur, au sommet d’un pylône, ils étaient censés être l’arme fatale pour lutter contre les chauffards. Mais l’installation des radars tourelles le long des routes depuis le début de l’été ne se passe du tout comme prévu. En Savoie, six exemplaires devaient être installés mais l’un d’eux a été incendié dans la nuit du 12 au 13 août à Coise-Saint-Jean-Pied-Gauthier. Et deux autres ont été détériorés avant même d’avoir été complètement mis en place. Partout en France, les actes de vandalisme se multiplient.

Masse, essence, peinture… tout est bon pour neutraliser ces serial flasheurs, capables de détecter plusieurs véhicules en infraction en même temps dans les deux sens de circulation. Dans l’Aude, huit radars tourelles sur quatorze ont été dégradés ou incendiés, comme celui qui a été brûlé sur la route de Montréal à la sortie de Carcassonne le 26 juillet dernier. Dans l’Eure, les antiradars s’en sont pris à l’appareil installé sur la départementale 840 censé remplacer un vieux radar automatique… lui-même incendié il y a un an.

Les «invincibles» radars tourelles déjà vandalisés

Dans la nuit du 4 août, c’est celui placé sur la route départementale 51 à Mèze (Hérault) qui a été pris pour cible. Et l’expression prend dans ce cas tout son sens : un trou béant est en effet visible, stigmate d’un tir de fusil de chasse avec une balle de gros calibre! Depuis le début du mouvement des Gilets jaunes, plus de 2100 radars automatiques auraient été détruits ou abîmés, parfois plusieurs fois comme celui de Preixan (Aude) attaqué au… chalumeau! Selon la Sécurité routière, le coût des réparations pour l’Etat s’élèverait à 60 millions d’euros, auxquels il faut ajouter 300 millions d’euros de manque à gagner sur les PV.

Des grosses sanctions pour les auteurs

Cette recrudescence d’actes de vandalisme inquiète les autorités car ces nouveaux modèles étaient précisément censés échapper aux dégradations du fait de leur positionnement haut perché. Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière, prévient dans une interview accordée au Parisien : « A chaque fois qu’un radar est abîmé ou détruit, une enquête est systématiquement lancée. » Et Emmanuel Barbe de rappeler que les auteurs risquent non seulement une sanction judiciaire, mais aussi une très lourde amende : jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

Récemment, des Gilets jaunes qui s’en étaient pris à un radar ont été condamnés à Metz (Moselle) à quatre mois de prison avec sursis et deux de leurs véhicules ont été saisis pour couvrir les frais liés aux dégâts. « On peut être opposé à une mesure comme le 80 km/h ou les radars sans pour autant passer par la violence », estime le délégué général de 40 millions d’automobilistes Pierre Chasseray, qui « ne cautionne pas » ces actes.

La présidente de la Ligue contre la violence routière ne comprend pas de son côté « l’obstination » du gouvernement à vouloir systématiquement remplacer les cabines détruites par des radars tourelles. « Combien de voitures de police banalisées chargées d’effectuer des contrôles de vitesse aurait-on pu acheter à la place? » s’interroge Chantal Perrichon. Et la responsable associative de pointer du doigt les auteurs de ces dégradations : « S’il n’y a pas eu davantage de vies sauvées sur les routes en 2018, c’est précisément parce qu’il y a eu toutes ces destructions. Des gens sont morts et vont mourir car il n’y a plus de contrôle automatisé de la vitesse. »


Radars vandalisés : «C’est le geste de ceux qui en ont ras le bol de payer»

Dans le Loiret, le long de la départementale 927, le radar tourelle a été plusieurs fois vandalisé. Depuis le week-end dernier, il a été mis au sol.

 Le radar de Jouy-en-Pithiverais a dû être mis au sol, après avoir été cisaillé, menaçant la sécurité des automobilistes.
Le radar de Jouy-en-Pithiverais a dû être mis au sol, après avoir été cisaillé, menaçant la sécurité des automobilistes. LP/Vincent Mongaillard
Par Vincent Mongaillard, envoyé spécial à Jouy-en-Pithiverais (Loiret)
Le 22 août 2019

C’est le radar maudit de la route départementale 927. Sous forme d’une cabine ou, depuis cet été, d’une tourelle, ce flasheur en rase campagne, situé juste avant un dangereux virage sur la commune de Jouy-en-Pithiverais (Loiret), a subi moult assauts malveillants. Ce week-end, dans sa version long mat, il a été cisaillé à son pied. Penchant alors dangereusement vers le bitume, il a dû être couché à terre, par sécurité, par des agents.

Le mois dernier, il avait déjà été volontairement désaxé, les optiques scrutant les champs plutôt que les plaques des véhicules circulant à plus de 80 km/h. Le modèle classique, lui, avait été par le passé badigeonné de peinture, tagué, désossé, brûlé ou enveloppé dans du film plastique. « Tous ces actes sont inconscients », s’indigne Martial Bourgeois, maire (sans étiquette) de Jouy-en-Pithiverais.

« Avant l’installation du radar, il y a eu plusieurs accidents mortels. Depuis, il n’y a pas eu de personnes décédées, les voitures ont ralenti », observe cet agriculteur. Et d’adresser un message solennel aux casseurs : « Qu’ils viennent sur place lorsqu’il y a un drame et qu’il faut gérer les parents ayant perdu un enfant, là, ils comprendront vite… » Dans le coin, la grande majorité des habitants dénonce ces destructions à répétition. « J’ai vu tout de même sur les réseaux sociaux certains dire : Maintenant, on peut rouler comme on veut », témoigne Christopher, 23 ans. Ce pompier volontaire actuellement au chômage est, lui, « contre les dégradations ». « Il faudrait fixer une caméra sur le radar tourelle pour filmer ceux qui vandalisent », suggère-t-il.
Christopher et Julien condamnent la destruction du radar de Jouy-en-Pithiverais. /LP/Vincent Montgaillard
Christopher et Julien condamnent la destruction du radar de Jouy-en-Pithiverais. /LP/Vincent Montgaillard  

Son « pote » Julien, 22 ans, au comptoir du bistrot Le Dagobert à Châtillon-le-Roi est sur la même longueur d’onde. « S’ils placent un radar, c’est bien parce que c’est dangereux, ce n’est pas juste pour prendre de l’argent », estime cet éboueur. Pour les deux compères, ce déboulonnage est le geste « de ceux, jeunes ou retraités qui en ras-le-bol de payer ». « Ils en ont marre d’être matraqués, d’être surveillés, marre des forces de l’ordre », commentent-ils. Mais qui, précisément, peut bien en vouloir à ces vigies que l’on croyait inviolables ? « Il y a pas mal de commérages. Tout le monde veut savoir qui c’est », confient-ils.

«Si les gens respectaient les limitations de vitesse…»

Une enquête de gendarmerie est en cours. Jean, 90 ans, en pleine récolte de pommes de terre dans son potager, privilégie la piste locale et « des gens contre Macron ». « Ils ne doivent pas venir de loin », croit savoir cet aîné aux bretelles décorées de lapins et de chasseurs. « Faut du matos, ça ne peut pas être une personne seule », avance Daniel, 60 ans, patron du garage à quelques centaines de mètres de la boîte à images sans cesse attaquée. Lui-même s’est « déjà fait prendre plusieurs fois » par la machine, étant « tellement habitué à rouler à 90 km/h ». « Mais c’est une bonne chose qu’elle soit-là. C’est de la bêtise de la saccager », tacle-t-il.

Pour Daniel, garagiste, celui qui a fait tomber le radar ne peut pas être « seul ». /LP/Vincent Mongaillard
Pour Daniel, garagiste, celui qui a fait tomber le radar ne peut pas être « seul ». /LP/Vincent Mongaillard  

« Ce sont nos impôts qui y passent », calcule Cindy, 28 ans, auxiliaire de puériculture. « Si les gens respectaient les limitations de vitesse, on n’en arriverait pas là. Sur cette départementale, je me suis déjà fait doubler par un camion », s’étonne Sabrina, 46 ans, fonctionnaire. A l’inverse, Didier, 64 ans, un gilet jaune posé sur le tableau de bord, fait partie des villageois « contents » que le radar soit désormais à terre. « Ils peuvent en remettre un autre, ça ne servira à rien ! » prévient-il. « Mais ce n’est pas moi qui l’ai foutu en l’air », précise-t-il. Ce retraité est radicalement opposé à ces dispositifs qui « bouffent du pognon ». « Dans le temps, quand on partait en vacances, on était heureux de conduire, maintenant, on est piégés », accuse-t-il. « Bientôt, on achètera une voiture sans permis, ça finira comme ça », pronostique son épouse.

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