Hendrik Davi, mis sur la touche par LFI : « Nos adversaires vont s’en donner à cœur joie »

Le député insoumis sortant de Marseille, écarté, comme quatre autres collègues, par la direction de LFI, revient sur la manière dont il a vécu sa « purge » pour les législatives, et s’inquiète des répercussions de cette crise ouverte sur le Front populaire.

Pauline Graulle

Député sortant de la 5e circonscription des Bouches-du-Rhône, Hendrik Davi, proche de Clémentine Autain, a appris hier qu’il n’était pas investi par La France insoumise (LFI) aux législatives. Il n’est pas le seul : Raquel Garrido et Alexis Corbière en Seine-Saint-Denis, Danielle Simonnet à Paris, et le « ruffiniste » Frédéric Mathieu à Rennes n’ont pas non plus été reconduits par la direction du mouvement, qui a pourtant réinvesti l’ensemble des députés sortants.

Tous ces ex-députés, qui avaient en commun de s’être opposés à Jean-Luc Mélenchon sur des enjeux stratégiques ou politiques, dénoncent aujourd’hui une « purge politique » visant à resserrer les rangs dans le futur groupe parlementaire. Épargnés, Clémentine Autain et François Ruffin ont eux aussi fait part de leur colère, de même que la totalité des membres des autres partis du Front populaire.

Ils notent en revanche la « fleur » qui a été faite à Adrien Quatennens, un très proche de Jean-Luc Mélenchon, reconduit malgré sa récente condamnation pour violences conjugales, et s’inquiètent des répercussions sur la dynamique du Front populaire, qui entend incarner l’alternative à l’extrême droite après la dissolution. Entretien.

Hendrik Davi, à Paris, octobre 2023. © Photo Sébastien Calvet / Mediapart

Mediapart : Comment qualifiez-vous votre non-reconduction par LFI dans votre circonscription ?

Hendrik Davi : D’abord, je voudrais parler de la méthode. J’ai appris hier que je n’étais pas investi par quelqu’un qui m’a envoyé le lien vers le site internet de LFI de la liste des candidats. Je n’ai eu aucun mail ni coup de fil, je n’ai eu aucune justification à aucun moment. Sur la façon de faire, au moins, je tombe des nues.

Après, ce qui s’est passé porte un nom : c’est une purge politique pour supprimer du groupe parlementaire cinq députés sortants qui se sont opposés à la stratégie de Jean-Luc Mélenchon sur cinq points. D’abord, sur la gestion de l’affaire Adrien Quatennens et sur notre rapport au féminisme au sein du mouvement, ensuite, sur les problèmes de démocratie interne au mouvement qui ont été mis en lumière par cette affaire.

Troisièmement, il y a eu un désaccord stratégique, notamment pendant la réforme des retraites, à la fois sur la relation avec l’intersyndicale (nous étions pour, Mélenchon était contre) et sur la stratégie de rassemblement politique avec le reste de la Nouvelle Union écologique populaire et sociale (Nupes) à ce moment-là.

Quatrième désaccord : la stratégie de communication du bruit et de la fureur, que j’ai critiquée. Cinquièmement, sur un tout autre sujet, comme mes collègues purgés, j’ai qualifié très tôt de « terroristes » les actes du Hamas le 7 octobre.

Comment pouvez-vous être certain que ce sont ces raisons qui ont été à l’origine de votre mise au ban si vous n’avez eu aucune explication de la direction de LFI depuis hier ?

Parce que les cinq députés non reconduits ont tous en commun d’avoir émis ces critiques et d’en avoir fait part sur les boucles internes ou dans des réunions. Les sortants sanctionnés sont tous entrés en désaccord avec Jean-Luc Mélenchon directement à un moment ou à un autre. Je dois dire, par ailleurs, que dans le groupe beaucoup pensent comme nous mais n’ont pas été sanctionnés, car ils n’ont pas fait part de leurs désaccords directement à Jean-Luc Mélenchon ou publiquement. Ensuite, pour ce qui est de François Ruffin et Clémentine Autain, ils n’ont pas été purgés parce que cela aurait quand même été très, très gros…

Pour expliquer votre mise de côté, LFI avance le fait qu’il fallait davantage de candidats racisés ou issus de la société civile. Et il est vrai qu’on peut se dire qu’Alexis Corbière ou Raquel Garrido ne sont pas vraiment à l’image de leurs circonscriptions, qui sont très populaires et très mélangées…

Parce que vous pensez que Raquel Garrido [qui est d’origine chilienne – ndlr] n’est pas racisée ? Par ailleurs, le candidat qu’ils ont envoyé dans ma circonscription, Allan Popelard, est un pur apparatchik. C’est un proche de Paul Vannier et Manuel Bompard [les responsables des élections à LFI – ndlr], qui est à l’institut La Boétie [dirigé par Jean-Luc Mélenchon – ndlr], et que peu de gens connaissent à Marseille. Certes, il est géographe, mais dois-je rappeler que je suis directeur de recherche en écologie, relecteur pour la France du Giec [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – ndlr] et ancien dirigeant syndical CGT ? Ne suis-je pas issu de la société civile ?

Quant à Céline Verzeletti [dirigeante syndicale à la CGT, envoyée dans la circonscription de Danielle Simonnet à Paris – ndlr], que je connais et qui est une amie, elle aurait pu aller sur bien d’autres circonscriptions… Bref, ne me demandez pas de faire le service après-vente d’une communication désastreuse, c’est impossible.

Mais je voudrais aussi attirer votre attention sur le fait qu’au-delà des sortants, certains anciens candidats de 2022 n’ont pas été reconduits, comme Mohamed Bensaada à Marseille, alors que ni le PS ni les Verts ne voulaient cette circonscription. Par ailleurs, LFI a envoyé un parachuté sur la circonscription où Guillaume Ancelet, président de Picardie debout [le microparti de François Ruffin – ndlr], avait fait campagne : cela en dit long.

Qu’allez-vous faire ?

Je ne sais pas. Mais il n’y a qu’une solution raisonnable : que le national retire d’ici dimanche les candidatures sur nos circonscriptions. Allan Popelard peut aussi se retirer de son propre chef : il doit savoir qu’il ne peut, comme les autres, faire une campagne dans ces conditions de purge, sinon ce sera la catastrophe. Nos adversaires vont s’en donner à cœur joie. Et il y a un petit risque RN sur la circonscription.

Allez-vous vous maintenir, comme l’ont déjà annoncé Alexis Corbière, Raquel Garrido, Danielle Simonnet et Frédéric Mathieu ?

Je verrai en fonction de ma situation personnelle déjà, en fonction de ma suppléante aussi, également aussi en fonction de la situation de la gauche à Marseille, du risque RN dans ma circo… Je pèserai tout ça.

Avez-vous reçu des messages de soutien à LFI ?

Plein de députés du « ventre mou » m’ont assuré de leur amitié. Mais ils n’ont pas été plus loin. Après, la boucle interne du groupe a été supprimée quelques heures avant la parution des arbitrages pour les investitures, ce qui ne facilite pas les débats. Mais je note que j’ai eu incomparablement plus de soutiens du reste de la gauche, et aussi des soutiens larges et massifs de militants insoumis de Marseille et du Vaucluse – j’étais député référent dans ce département. Même ceux qui n’étaient pas forcément d’accord avec moi sont atterrés.

Quelles seront les conséquences sur la dynamique du Front populaire, selon vous ?

Je ne sais pas mais cette purge est dingue, d’autant que les sortants qui ont été virés sont aussi ceux qui plaident depuis longtemps l’union avec le reste de la gauche ! Évidemment, l’enjeu est de renforcer le pôle mélenchoniste dans le prochain Parlement à un moment où le reste de la gauche peut revenir en nombre plus important qu’avant le 9 juin. Autrement dit, l’enjeu est d’éviter l’hétérogénéité au sein du groupe LFI dans un moment plus compliqué pour les Insoumis.

Mais, dans le fond, je ne suis pas sûr que Manuel Bompard et Paul Vannier soient très à l’aise avec cette stratégie qui est signée personnellement par Jean-Luc Mélenchon – il y a une dimension très personnelle là-dedans –, car ils savent que cela ne peut que nuire à la dynamique. En tout cas, moi, comme les autres, j’irai manifester cet après-midi, car ce qui compte par-dessus tout, c’est de battre Jordan Bardella.

Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*