Le lobbying gagnant des industriels pour sauver les milliards de pots de yaourt

FRANCE, PARIS, 2023-01-10. Illustration of the interior of a supermarket. ?FRANCE, PARIS, 2023-01-10. Illustration de l interieur d un supermarche. Pouvoir d achat, inflation. Yaourt et laiterie.?Photography by Riccardo Milani / Hans Lucas (Photo by Riccardo Milani / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Le lobbying gagnant des industriels pour sauver les milliards de pots de yaourt et de barquettes de viande en polystyrène de l’interdiction

Pour échapper à l’interdiction prévue par la loi, les industriels s’étaient engagés à créer une filière française de recyclage du polystyrène avant 2025. A six mois de l’échéance, ils ne sont pas prêts. « Le Monde » et Franceinfo ont eu accès à un rapport confidentiel de 2021 qui aurait dû alerter le gouvernement sur cette « impasse ».

Par 

Publié le 17 juin 2024 

C’est un nouveau renoncement sur le front de la transition écologique. Les industriels de l’agroalimentaire et du plastique pourront continuer à écouler les milliards de pots de yaourt, de compote et de barquettes de viande en polystyrène malgré l’interdiction qui devait entrer en vigueur en 2025 en cas d’absence de filière française de recyclage. Interrogé par Franceinfo et Le Monde, le ministère de la transition écologique n’en fait plus mystère : « Les ambitions de la loi étaient trop ambitieuses. Nous sommes dans une impasse. » A moins de six mois de l’échéance, les industriels ne sont pas prêts et la filière française de recyclage du polystyrène reste une chimère. Ce renoncement enterre définitivement l’un des principaux objectifs de la loi antigaspillage et pour une économie circulaire de 2020 : tendre vers 100 % d’emballages en plastique recyclés avant 2025.

Depuis plusieurs années, Syndifrais, le syndicat qui représente les professionnels des produits laitiers frais (Yoplait, Lactalis, Senoble, Rians…), déploie un intense lobbying pour sauver les 15 milliards de yaourts qu’il vend chaque année et convaincre le gouvernement qu’une filière française de recyclage du polystyrène apte au contact alimentaire sera opérationnelle en 2025. L’offensive débute en 2020 : Syndifrais lance le consortium PS25 avec d’autres entreprises utilisatrices d’emballages en polystyrène (Andros, Bigard…) et Citeo, l’éco-organisme financé par le secteur de la grande distribution pour mieux gérer ses déchets.

…./….

Pollution plastique : les industriels sauvent leurs pots de yaourt

Les emballages en polystyrène non recyclables devaient être interdits au 1er janvier 2025 mais la filière ne sera pas prête à appliquer la loi, selon le propre aveu du gouvernement. D’après un rapport confidentiel datant de 2021, consulté par Le Monde et Franceinfo, les autorités auraient dû être alertées de cette «impasse».

par LIBERATION

publié le 17 juin 2024 à 12h46
00:00

00:00

1x

Les industriels ne sont pas prêts à lâcher leurs pots de yaourt. Censée entrée en vigueur en 2025, la disposition de la loi Climat et résilience de 2021 prévoyant l’interdiction des emballages en polystyrène non recyclables -des pots de yaourts comme des barquettes de viande et de poisson ou encore des crèmes desserts- au 1er janvier 2025 ne pourra pas être mise en œuvre comme prévu. «Les ambitions de la loi étaient trop ambitieuses. Nous sommes dans une impasse», admet le ministère de la transition écologique, auprès de franceinfo et du Monde. Or, ce nouveau recul sur le front environnemental aurait pu être évité, révèlent ce lundi 17 juin les deux médias, qui ont eu accès à un document confidentiel.

Ce rapport datant de 2021, remis au ministère de la Transition écologique mais jamais rendu public, dévoile l’ampleur du lobbying mené par les industriels de l’agro-industrie et du plastique pour repousser l’interdiction des emballages en polystyrène non recyclables. Dépourvu de bibliographie, il «condense en une cinquantaine de pages de nombreuses allégations non sourcées, biaisées et lacunaires», écrit franceinfo qui y lit, par exemple, que les plastiques auraient un meilleur bilan environnemental que leurs alternatives. Les alternatives en question, comme les pots en verre consignés en Allemagne, ou le recours à des plastiques moins problématiques et recyclables comme le polyéthylène téréphtalate (PET) aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Espagne ou au Portugal, ne sont pourtant pas mentionnées. Tout comme les études défavorables à ce polymère.

14 milliards de pots de yaourts achetés chaque année en France

Les industriels raffolent des propriétés du polystyrène ; très léger, facilement cassable, il est en tout point adapté à la production des 14 milliards de pots de yaourts achetés et jetés chaque année en France. Problème, aucun centre de recyclage français ne sait à ce jour traiter ces déchets, qui finissent majoritairement, brûlés ou enfouis, quand ils ne se retrouvent pas dans l’environnement. Au mieux, les pots de yaourts sont transformés en cintres ou en pots de fleurs. Pourtant, au moment du vote de la loi en 2021, les industriels ont réussi à convaincre les sénateurs et les députés de conditionner la suppression des emballages en polystyrène non recyclables à l’absence de filière de recyclage dédiée, plutôt que d’opter pour une interdiction ferme au 1er janvier 2025.

20 avr. 2024
Liberation

D’après Le Monde et franceinfo, c’est donc sur la base du document écrit par le consortium PS25 -regroupant le syndicat professionnel des produits laitiers frais, Syndifrais, des acteurs du lobby du plastique (Plastics Europe, Polyvia, Elipso), et Citéo, l’organisme financé par le secteur de la grande distribution pour mieux gérer ses déchets- que les industriels ont fait le choix de ne pas renoncer au polystyrène, privilégiant la voie du recyclage chimique, avec l’assentiment de l’exécutif. «Le manque de rigueur scientifique du rapport aurait dû mettre la puce à l’oreille au gouvernement», souffle au Monde une source proche du dossier.

Le rapport stipule que les technologies de recyclage chimique se «développent très rapidement», même si pour atteindre les objectifs les auteurs sollicitent «le soutien des pouvoirs publics». Or, parmi les trois «projets opérationnels» français mis en avant dans le document -un porté par le groupe Michelin, un autre par l’entreprise Inéos à Wingles dans le Pas-de-Calais et le troisième par TotalEnergies qui prévoyait d’intégrer le polystyrène à son unité de recyclage chimique sur le site de Grandpuits en Seine-et-Marne- tous ont depuis été abandonnés.

«Un véritable gaspillage d’argent public»

«Quand le rapport est sorti en 2021, le contexte était différent, se défend le gouvernement. Avec des industriels comme Michelin on pensait qu’il y avait des acteurs sérieux, mais ça n’a pas fonctionné à cause d’écueils techniques inattendus. Le problème c’est qu’on s’en est rendu compte trop tard. Un état des lieux devra être fait afin de connaître les impasses, les raisons de ces difficultés et mieux comprendre pourquoi il y a des différences de situation». De son côté, l’ONG Zéro Waste France dénonce «un véritable gaspillage d’argent public alors même qu’une politique publique forte en faveur du réemploi des emballages fait cruellement défaut». Début 2022, les ministères de la Transition écologique et de l’Industrie avaient en effet lancé un appel à projets sur le recyclage chimique, doté de 300 millions d’euros de financements publics.

Interpellée par un sénateur lors d’une séance de questions au gouvernement le 4 juin, Dominique Faure, la ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, a indiqué qu’il serait «raisonnable» de reporter l’interdiction des emballages en polystyrène pour s’aligner sur le nouveau règlement européen qui prévoit que l’ensemble des emballages soient recyclables en 2030. Le ministère de la Transition écologique renvoie quant à lui la patate chaude au futur gouvernement, qui devra trancher.

Les emballages en polystyrène ne seront finalement pas recyclables dès 2025

Le 19 Juin 2024, par Aurélien Delacroix

En 2020, la France adoptait une loi pour lutter contre le gaspillage et promouvoir le recyclage. Parmi les mesures phares, l’obligation de recycler les emballages en polystyrène d’ici 2025. Cependant, à six mois de l’échéance, cette initiative semble compromise.

Les faiblesses de la filière de recyclage du polystyrène

Les emballages en polystyrène ne seront finalement pas recyclables dès 2025

Les entreprises s’étaient engagées à mettre en place une filière française de recyclage du polystyrène pour respecter la loi. Pourtant, à l’approche de 2025, aucun progrès significatif n’a été réalisé. Le ministère de la Transition écologique a reconnu être dans une « impasse », concédant que la pression des lobbys a conduit à un retour sur l’interdiction prévue. Les industriels continueront donc à utiliser ce matériau malgré son faible taux de recyclage, selon Le Monde et France Info. Ce qui met en lumière la puissance des lobbys et les failles de la réglementation.

Le polystyrène est apprécié pour sa légèreté et sa facilité de manipulation, mais il pose un sérieux problème environnemental. Actuellement, aucun centre en France ne sait recycler ces emballages correctement. La majorité des 14 milliards de pots de yaourt achetés annuellement en France finissent brûlés ou enfouis, tandis qu’une petite partie est envoyée en Espagne ou en Allemagne pour être transformée.

En 2021, le consortium PS25, composé de Syndifrais et d’autres acteurs du lobby du plastique, s’était engagé à créer une filière de recyclage des emballages en polystyrène. Cependant, le rapport d’étape remis au ministère de la Transition écologique — qui n’a jamais rendu public — révèle des lacunes importantes. Il avance que les plastiques ont un meilleur bilan environnemental que leurs alternatives, sans fournir de bibliographie ni aborder les études contraires.

La réponse des pouvoirs publics et des ONG

Malgré l’absence de résultats concrets, le gouvernement et les industriels se basent sur ce rapport pour justifier la poursuite de l’utilisation du polystyrène et promouvoir son recyclage chimique. Néanmoins, les projets de recyclage chimique portés par Michelin, Ineos et TotalEnergies sont tous abandonnés aujourd’hui en raison d’obstacles techniques insurmontables.

Face à ce constat d’échec, l’ONG Zero Waste France réclame une commission d’enquête parlementaire. L’association dénonce également un « gaspillage d’argent public », pointant du doigt les 300 millions d’euros alloués par les ministères de la Transition écologique et de l’Industrie pour un appel d’offres sur le recyclage chimique, dont les résultats restent flous.

Dominique Faure, ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, a proposé de reporter l’interdiction des emballages en polystyrène à 2030, en conformité avec le nouveau règlement européen. Cette décision souligne les difficultés persistantes à trouver des solutions durables pour le recyclage des plastiques en France et la nécessité d’une volonté politique plus forte pour surmonter les obstacles techniques et industriels.

Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*