Après les élections, le RN s’assure un financement public record

vention publique, indemnités d’élus, enveloppes de frais : les scores historiques du RN aux élections européennes et législatives garantissent au parti et à ses élus une manne financière considérable pour les années à venir.

Marine Turchi

Si le Rassemblement national (RN) ne s’est pas hissé à la première place dimanche 7 juillet comme il l’espérait, ses scores historiques aux élections européennes et législatives lui garantissent une manne financière considérable pour les années à venir. Que ce soit à travers la subvention allouée chaque année par l’État au titre du financement public, ou à travers les indemnités et enveloppes de frais auxquelles peuvent prétendre ses élu·es.

Deux député·es en 2012 ; 8 en 2017 ; 89 en 2022 ; 143 en 2024 avec ses alliés Les Républicains (LR) : au fil des années, le parti d’extrême droite est parvenu à entrer en force au Palais-Bourbon. Son score historique aux élections législatives pourrait lui permettre de doubler sa subvention publique, qui s’élève à 10,1 millions d’euros actuellement.

À chaque élection législative, l’aide publique attribuée par l’État aux partis politiques est calculée en fonction de deux critères : les résultats au premier tour et le nombre de parlementaires obtenu·es. Actuellement, chaque voix rapporte 1,61 euro et chaque parlementaire 37 119 euros. Avec près de 9,4 millions de voix au premier tour, et 126 élu·es (hors alliés LR) au second, auxquels s’ajoutent ses trois sénateurs, le RN pourrait décrocher une dotation record : un peu plus de 20 millions d’euros par an (en prenant en compte l’actuel montant par voix).

Marine Le Pen et Jordan Bardella lors d’un meeting du RN pour la campagne des élections européennes à Hénin-Beaumont le 24 mai 2024. © Photo Franck Crusiaux / REA

En amont de ces élections, le parti se réjouissait déjà de cette nouvelle rente potentielle : « En 2022, notre subvention publique avait doublé après les législatives. Si on fait des résultats canon à ces élections, comme c’est parti, la subvention sera recalculée, et ce n’est pas 10 millions par an, mais 15 millions que nous aurons », expliquait à Mediapart Wallerand de Saint-Just, ancien trésorier du RN devenu son responsable juridique. À cela s’ajoutent « les adhésions et les dons » au parti, qui, d’après lui, auraient « explosé » durant cette période.

Ce n’est pas tout : ses 126 député·es pourront pour leur part bénéficier, chaque mois, d’une indemnité de 7 637,39 euros brut (avec 1 099,79 euros supplémentaires pour les vice-président·es de l’Assemblée), d’une avance de frais de mandat de 5 950 euros et d’une enveloppe de 11 118 euros pour rémunérer des collaborateurs et collaboratrices. Soit un total de 296 464 euros brut d’argent public chaque année, pour chaque député·e.

Le jackpot européen

Cette cagnotte nationale s’ajoute au jackpot européen auquel peut prétendre le RN.

En 2019, le Rassemblement national avait terminé sa mandature à 18 eurodéputé·es (sur les 23 élu·es en 2019, cinq avaient quitté le groupe). Le 9 juin, le parti a battu un record, envoyant 30 élu·es à Strasbourg sur les 81 Français·es, ce qui fait de sa délégation la plus importante de l’hémicycle.

Comme à l’Assemblée, chacun·e de ces 30 élu·es percevra chaque mois une série d’enveloppes : une indemnité de 7 853 euros net, 4 950 euros pour ses frais de fonctionnement et 28 696 euros pour embaucher des collaborateurs et collaboratrices. Soit un total de 497 988 euros à disposition chaque année pour chaque eurodéputé·e. À cela s’ajoutent 350 euros par jour de présence au Parlement et le remboursement de frais de transport (avec un seuil fixé à 4 886 euros par député·e pour les déplacements à l’étranger).

Le RN, qui doit officialiser lundi à Bruxelles son ralliement au nouveau groupe nationaliste « Patriotes pour l’Europe », initié par le Hongrois Viktor Orban, pourra aussi compter sur les fonds perçus à la fois par son groupe parlementaire, son parti européen et la fondation adossée à celui-ci. Cela lui permettra d’organiser des conférences thématiques, mais aussi de rémunérer des conseillers et conseillères politiques.

Un parti profondément endetté

Ce renflouement permet au RN, profondément endetté, de remonter la pente. En 2007, après un échec cuisant aux législatives (4,29 %), le parti avait vu sa dotation publique passer de 4,6 à moins de 2 millions d’euros par an, et avait sombré dans de grandes difficultés financières. Il avait été contraint de vendre le « Paquebot », son siège historique, puis de se séparer d’une partie de ses 50 salarié·es. À plusieurs reprises, il avait dû faire appel à ses sympathisant·es pour lui prêter des fonds.

En 2021, le parti était le plus endetté de France, avec près de 27 millions d’euros de créances. Ses très bons scores réalisés aux européennes (2019) et aux législatives (2022) lui ont permis de sortir la tête de l’eau, et notamment de doubler sa dotation de l’État français. Le premier versement de cette nouvelle subvention, à l’été 2023, lui avait permis d’éponger une partie de ses dettes, et de s’acquitter, en septembre 2023, avec quatre ans de retard, du remboursement du prêt russe (9,4 millions d’euros).

Un levier de professionnalisation

En dehors de ces bénéfices financiers, le RN va profiter d’un avantage moins visible, mais tout aussi important : la professionnalisation de ses troupes via l’Assemblée nationale et le Parlement européen. Chaque élu·e pourra embaucher des collaborateurs et collaboratrices, qui seront à leur tour formé·es à la vie institutionnelle pendant plusieurs années.

« Tout ce qu’il y a à travers l’institution est un capital que le RN a vraiment exploité à plein régime, témoignait le mois dernier dans Mediapart l’ancien eurodéputé LR Arnaud Danjean. Très vite, ils ont appris à apprivoiser les règles et codes de l’institution, gérer des ressources humaines, maîtriser une technicité administrativeC’est un aspect moins visible, mais qui a joué sur le long terme, dans un effet d’incubation. Un volume d’une soixantaine de jeunes se sont formés et aguerris par des postes d’assistants ou de conseillers techniques depuis dix ans. »

Pour l’élu, le RN a profité du Parlement européen comme d’« un accélérateur de respectabilité » « Il lui a permis de peu à peu rentrer dans le système, de rivaliser avec les formations traditionnelles en ayant les mêmes codes, de faire un travail de normalisation. »

Reste cependant une épée de Damoclès financière pour le parti : le 30 septembre s’ouvrira le procès de l’affaire des « assistants parlementaires européens » du RN. Le parti et 27 de ses député·es ou cadres seront jugé·es pour détournement de fonds publics. Ils sont accusés par le Parlement européen d’avoir, entre 2004 et 2016, détourné 6,8 millions d’euros de fonds publics européens en rémunérant des collaborateurs soupçonnés d’avoir en réalité travaillé pour le RN. Le parti conteste tout détournement de fonds et tout emploi fictif. Mais s’il était condamné, la facture pourrait être lourde.

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