Consternation à BFM TV après les révélations de «Mediapart» sur l’opération «Sauver Sarko»

Compromission

Opération «Sauver Sarko» : de nouvelles images de la rétractation de Takieddine enfoncent encore BFM TV et Fogiel

Sarkozy face à la justice
«Mediapart» révèle ce mardi 16 juillet la vidéo brute de l’interview de Ziad Takieddine, dont seule une petite partie avait été utilisée par la chaîne d’information, afin de disculper l’ex-Président dans l’affaire du financement libyen de sa campagne de 2007.
publié le 16 juillet 2024

Une nouvelle carte qui vacille dans le château de l’opération «Sauver Sarko» , après la révélation de SMS accablants la semaine dernière. Quatre ans après la diffusion des images exclusives par BFM TV de la rétractation de Ziad Takieddine dans l’affaire du financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, Mediapart apporte ce mardi 16 juillet une nouvelle pièce au puzzle de la supposée manipulation de la chaîne d’information dans le retournement de veste de l’intermédiaire franco-libanais. Le site d’investigation dévoile en effet l’ensemble de l’interview de Ziad Takieddine, d’une durée totale d’un peu plus de six minutes, alors que seules une trentaine de secondes avaient été diffusées à l’antenne en novembre 2020.

Mediapart assène : «BFM TV a non seulement relayé sans aucune vérification les propos douteux de l’intermédiaire (dont il est aujourd’hui avéré qu’il avait reçu des promesses de contreparties financières pour se dédire), mais que la chaîne a aussi sciemment coupé d’autres passages de l’entretien qui ne collaient pas au narratif du clan Sarkozy.»

Dans l’enregistrement, les déclarations de Ziad Takieddine sont alambiquées. Il prétend notamment qu’un des juges d’instruction chargés de l’enquête, Serge Tournaire, lui aurait «fait dire des propos contraires à ce qu’[il a] toujours dit». L’intermédiaire franco-libanais charge également l’ancien ministre de l’Intérieur et bras droit de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant, à qui il dit avoir versé les fonds libyens.

Des passages qui n’apparaissent pas dans l’extrait diffusé en 2020 sur BFM. Selon Mediapart, la direction de la chaîne d’information «qui travaillait main dans la main avec la chargée de presse de l’ex-président Véronique Waché et la communicante Michèle Marchand», «la papesse des paparazzis» proche de Nicolas Sarkozy, avait pris soin de couper ces passages avant diffusion. L’objectif étant de dédouaner l’ancien chef d’Etat des accusations qui pèsent sur lui.

Ziad Takieddine «devait dire des phrases clés»

Pour éclairer l’engagement de BFM dans l’opération «Sauver Sarko», les journalistes de Mediapart s’appuient aussi sur les déclarations devant les enquêteurs de l’équipe envoyée à Beyrouth, au Liban, pour réaliser l’entretien. Lisa H., assistante d’un intermédiaire présente au moment de l’interview, a assuré que Ziad Takieddine «devait dire des phrases clés. Les phrases clés étaient : «Je n’ai jamais donné d’argent à Nicolas Sarkozy», «Sarkozy n’a pas touché 5 millions», […] et il devait dire qu’il avait été manipulé par le juge Tournaire.» «En fait ce sont les trois phrases dites sur BFM», a-t-elle résumé.

Le directeur général de la chaîne d’information en continu, Marc-Olivier Fogiel, avait pourtant affirmé à la société des journalistes (SDJ) de sa chaîne que les images de l’interview de Ziad Takieddine avaient été «montrées avant diffusion au service police-justice de la rédaction». Une position mise à mal par un ancien rédacteur en chef de la chaîne, Romain Verley, «qui était en poste le jour de la diffusion de la vidéo Takieddine, [et qui] avait révélé que l’interview n’avait pas été partagée au sein de la rédaction mais lui avait été imposée, déjà coupée et finalisée, par la direction de la chaîne», dans le documentaire Media Crash en 2022 puis l’émission Complément d’enquête en avril.

11 juil. 2024

Dans ce dossier, Carla Bruni, la chanteuse et épouse de Nicolas Sarkozy, a été mise en examen le 9 juillet, notamment pour participation à une association de malfaiteurs en vue de commettre l’infraction d’escroquerie au jugement en bande organisée. Elle a été placée sous contrôle judiciaire. L’ancien chef de l’Etat, lui, doit être jugé à partir de janvier 2025 dans le dossier du financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007.

Marc-Olivier Fogiel, de son côté, n’a pas souhaité répondre à ces nouvelles révélations de Mediapart. Mais il a défendu l’indépendance de la rédaction ce mardi, lors de l’audition de la chaîne devant l’Arcom pour le renouvellement de sa fréquence TNT. «Je suis le bouclier de ces pressions quotidiennes de l’ensemble du personnel politique pour laisser la rédaction travailler», a-t-il affirmé. «Sur cette affaire Takieddine, l’antenne a été irréprochable», a encore martelé le directeur général de BFMTV. «Les échanges en coulisse, notamment avec l’attachée de presse de Nicolas Sarkozy, ont permis à l’antenne de travailler en toute indépendance et sans ingérence», a-t-il maintenu.

Jeudi, après la révélation de SMS entre des figures de la chaîne, dont lui, et l’ancienne attachée de presse de Nicolas Sarkozy, Marc-Olivier Fogiel avait déjà mis en avant le traitement «journalistiquement irréprochable» de la rétractation de Ziad Takieddine sur son antenne. Mais la rédaction, consternée, a demandé «des garanties d’indépendance totale», «des explications très claires de Marc-Olivier Fogiel sur sa connivence affichée avec l’ancien chef de l’Etat» et l’invite à «prendre ses responsabilités».

Mise à jour : à 12h27, avec l’ajout des déclarations de Marc-Olivier Fogiel devant l’Arcom.

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