Appel européen contre les politiques d’austérité, contre les droites et extrêmes droites, pour la justice sociale.

Par aplutsoc le 31 juillet 2024
featured image

Présentation par la rédaction

Nous reproduisons cet appel en construction qui part d’une réalité rafraîchissante : la victoire électorale du NFP aux législatives imposées par Macron a bloqué l’arrivée au pouvoir du RN, telle que l’envisageait et la souhaitait Macron. Cette victoire a des échos par delà les frontières de l’Hexagone et souligne le besoin de plus d’action commune au niveau européen contre les politiques d’austérité, contre les droites et extrêmes droites, pour la justice sociale.

La question fiscale est au cœur de toute politique favorable à la majorité sociale, à l’opposé des cadeaux fiscaux faits aux capitalistes depuis des décennies et accentués sous Macron. Et comme l’indique cet appel en provenance de Belgique, la question ne saurait se résoudre dans les limites étroites de chaque État national.

Introduction par l’un des initiateurs de cet appel

Cet appel à signatures est lancé en vue d’être publiée en septembre en tant que carte blanche.

La situation politique en #Belgique est insupportable ! Alors que nous faisons face à une inflation importante, que de plus en plus de personnes éprouvent des difficultés à terminer leurs mois, que la paupérisation de pans entiers de la société se creuse, que la dette publique explose, l’alliance des droites radicales et conservatrices (#NVA #MR #CDV #Engagés) prépare une politique d’austérité violente contre les classes populaires et les classes moyennes. Ce n’est pourtant pas une fatalité !

En France, le Nouveau Front Populaire a gagné les élections législatives anticipées et accentue la pression pour que Macron se décide enfin à nommer Lucie Castets. Au cœur du programme du NFP, une réforme fiscale d’ampleur visant à alléger la pression sur les revenus du travail et augmenter la progressivité de l’impôt sur les revenus du capital et du patrimoine. L’inverse de la politique libérale autoritaire de De Wever, Bouchez et Privot. Cette réforme de justice sociale nécessite la mise en œuvre d’un taxe anti-exil fiscale ainsi que des coopérations internationales.

C’est là que nous avons un rôle à jouer : « nous, acteurs de la société civile belge, appelons les partis de la gauche belge (PS, Vooruit, Ecolo, Groen, PTB et PVDA) à s’engager dès aujourd’hui, en cas de mise en œuvre de l’Exit-Taxe en France, à faire en sorte que la Belgique communique au fisc français toutes les informations dont il aurait besoin sur les exilés fiscaux. » On compte sur vous pour signer et faire signer cet appel.

Martin Vander Elst.

Texte de l’appel

Les très hauts revenus français craignent l’arrivée au pouvoir du Nouveau Front Populaire et se préparent à une nouvelle vague d’évasion fiscale en Belgique. À nous d’agir !

« La Belgique s’attend à l’arrivée de nouveaux exilés fiscaux français », titrait un article du Monde ce 15 juillet 2024. Avec la victoire du Nouveau Front Populaire au second tour des élections législatives anticipées, ceux qui perçoivent le plus mais contribuent le moins s’inquiètent pour leur patrimoine et pensent à déménager. La Belgique constitue classiquement un lieu de prédilection pour permettre à ces ressortissants français d’échapper à l’impôt sur la fortune en France. Si en 2018 certains exilés fiscaux sont retournés en France, suite à la suppression de l’ISF, bon nombre d’entre eux sont néanmoins restés, à cause des avantages fiscaux que leur offre notre pays. À Uccle, à Rhode-Saint-Genèse, autour des étangs d’Ixelles ainsi qu’au Zoute résident 20 des 100 premières fortunes françaises qui ont fui pour échapper à l’impôt (parmi eux, les actionnaires de Carrefour, de Taittinger et de Lactalis). Ces super-riches ont ainsi grandement participé à faire grimper le prix de l’immobilier dans ces communes tout en refusant de s’acquitter de leurs obligations fiscales en France. Aujourd’hui, avec le possible retour de la gauche au pouvoir (Nouveau Front Populaire), les risques d’évasion fiscale vers la Belgique sont donc accrus.

Une taxe anti-exil fiscal comme levier pour la justice sociale

Comme le soutiennent les économistes Gabriel Zucman et Thomas Piketty, la progressivité de l’impôt et la transparence des patrimoines sont une question de justice fiscale et de démocratie internationale. Ces économistes, tout comme le programme du Nouveau Front Populaire (page 13), proposent la mise en place d’une taxe anti-exil fiscal. Il s’agirait d’un impôt progressif sur le revenu et sur les plus-values latentes (actions, obligations, etc.) détenus par les contribuables qui quittent le territoire français, afin de réinstaurer un minimum de justice fiscale et démocratique. Le NFP préconise de « prendre des initiatives avec tous les pays décidés à mener la lutte contre l’évasion fiscale ». Lucie Castets (la première ministre proposée par le NFP) le rappelait encore avec clarté ce 28 juillet 2024 dans La Tribune : « Nous voulons une grande réforme fiscale. La progressivité de l’impôt sur le revenu sera renforcée, il passera à 14 tranches, c’est davantage de justice. Pour une grande partie des ménages, cela correspondra à une baisse d’impôts. Il faut aussi que les expatriés fiscaux payent leurs impôts au fisc français (…) J’y vois une question de souveraineté. S’agissant des milliardaires, le débat est mondial : le G20 en discute ce week-end. La France doit être un moteur. Par ailleurs, nous élargirons la taxation du patrimoine et recréerons un ISF. Il n’est pas juste que les revenus du capital soient moins taxés que ceux du travail. S’agissant des entreprises, il faut commencer par arrêter les dispositifs les plus coûteux, par exemple les baisses de cotisations, qui sont surdimensionnées ».

C’est pourquoi, nous, acteurs de la société civile belge, appelons les partis de la gauche belge (PS, Vooruit, Ecolo, Groen, PTB et PVDA) à s’engager dès aujourd’hui, en cas de mise en œuvre de l’Exit-Taxe en France, à faire en sorte que la Belgique communique au fisc français toutes les informations dont il aurait besoin sur les exilés fiscaux.

Dans cette optique, on peut noter que l’échange automatique d’informations bancaires constitue l’une des avancées les plus importantes de la coopération économique internationale au cours des dernières décennies. Les effets se traduisent par le rapatriement des actifs précédemment détenus à l’étranger, par l’augmentation du nombre d’auto-déclarations, par l’amélioration de la capacité de contrôle des autorités fiscales. Dans une récente recherche prospective avec le Danemark, Gabriel Zucman et all. (juillet 2024) ont pu montrer qu’environ 70 % de la richesse qui aurait été cachée à l’étranger par des particuliers danois en l’absence de cette politique a été mise en conformité ou est devenue observable par l’administration fiscale. Cette collaboration pourrait également passer, comme le suggère la Think Tank progressiste Terra Nova, par une révision de la convention bilatérale qui lie la France et la Belgique.

Une perte de 30 milliards d’euros pour le budget de la Belgique

La Belgique a déjà commencé, bien que de façon trop timide, à lutter contre l’évasion fiscale. L’ancien ministre des Finances avait lancé en 2022 un deuxième plan contre la fraude fiscale. Pourtant, chaque année, c’est environ 30 milliards de recettes fiscales qui échappent à l’Etat (Murphy R, 2012). Un trou supérieur à celui du déficit budgétaire annoncé. L’impact sociétal de la fraude et de l’évasion fiscale est donc extrêmement important. Il nous paraît essentiel de renforcer les capacités de contrôle et d’enquête des administrations. De manière structurelle, on constate un sous-financement des services publics chargés de combattre la fraude et l’évasion fiscale. Les capacités de contrôle du SPF Finances diminuent depuis de nombreuses années et le sous-financement de la justice (qui va encore s’accélérer avec la régionalisation que mettra en œuvre le gouvernement “Arizona”) est structurel et ne permet pas de mener à bien toutes les investigations nécessaires pour combattre la criminalité financière (Desiderio, 2023).

Dans la mise en œuvre d’une collaboration renforcée avec l’administration française pour lutter contre l’évasion fiscale dans notre pays se glisse alors une occasion intéressante de renforcer les mécanismes similaires en Belgique par l’adoption de législations progressistes, par le refinancement des services de l’Etat et des recherches prospectives innovantes à l’instar de celle menée avec le Danemark par Zucman et all. Cette collaboration transnationale dans la lutte contre l’évasion fiscale pourrait également ouvrir un débat nécessaire sur la politique fiscale belge actuelle qui pèse lourdement sur le travail mais est une véritable passoire pour le patrimoine et le capital. Débat qui nous semble crucial alors que les coalitions de droite (NVA, MR, Engagés, CD&V, VLD), aux différents niveaux de pouvoir, entendent mettre très durement les classes populaires et moyennes à contribution tout en continuant de faire des cadeaux fiscaux aux plus riches.

Bibliographie

  • Desiderio J, 2023, « 380 milliards d’euros belges dans les paradis fiscaux », in Lavamedia.be, 27 avril 2023.
  • Murphy R, 2012,, « Closing the European Tax Gap », Tax Research LLP, 29 février 2012.
  • Fejerskov Boas H., 2024, Johannesen N., Thustrup Kreiner C., Truels Larsen L., and Zucman G. « Taxing Capital in a Globalized World: The Effects of Automatic Information Exchange », NBER Working Paper, July 2024.
Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*