Plusieurs soulèvements ont agité l’île britannique, après l’instrumentalisation d’une attaque au couteau dans l’ouest de l’Angleterre le 29 juillet dernier. L’extrême droite violente et le nouveau parti du brexiteur Nigel Farage, Reform UK, sont à la manœuvre. Plus de 250 individus ont été arrêtés.
Tout a commencé par un message sur les réseaux sociaux : un tweet annonçant un faux nom à consonance musulmane, pour désigner le suspect de 17 ans arrêté après la dramatique attaque de Southport, lundi 29 juillet dernier. Une attaque au couteau dans une école de danse du nord-ouest de l’Angleterre, à une vingtaine de kilomètres au nord de Liverpool, qui a coûté la vie à trois petites filles et blessé huit autres enfants et deux adultes.
Le tweet affirmait qu’il s’agissait d’un jeune homme ayant traversé la Manche sans titre de séjour. Malgré le démenti rapide des autorités, certains ont continué à propager l’histoire du réfugié musulman poignardant des petites filles. « Save our Kids » (« Sauvez nos enfants ») criaient des émeutiers ce week-end, une semaine après l’attaque.
Quelques centaines de personnes ont ainsi participé à des violences dans plusieurs villes d’Angleterre. Ce dimanche, des policiers ont été attaqués, des poubelles et au moins une voiture incendiées, mais aussi deux hôtels hébergeant des demandeurs d’asile ont été pris d’assaut. Dans l’un d’eux à Rotherham, les émeutiers ont même réussi à pénétrer et à mettre le feu. Plus de 150 individus ont été arrêtés rien que ce week-end, 250 depuis le début des violences.
Des émeutes qualifiées d’« opportunistes » par Tim Bale, professeur à l’Université Queen Mary de Londres : « Elles sont provoquées par des activistes d’extrême droite dans un mélange de groupuscules néonazis, islamophobes et anti-immigrations, rejoints par des agitateurs qui dans le passé ont pu être associés au hooliganisme. »
Le leader de cette insurrection xénophobe est Tommy Robinson, de son vrai nom Stephen Yaxley-Lennon. Un activiste d’extrême droite, actuellement en vacances en Europe, qui continue de piloter ses soutiens à distance depuis son retour sur le réseau social X (il avait été banni de Twitter, jusqu’au rachat de la plateforme par Elon Musk).
Organisation sur les réseaux sociaux
Les tensions ont aussi été exacerbées par un homme qui compte sur l’échiquier politique : Nigel Farage, héraut du Brexit et élu député lors des élections du 4 juillet. Dans une vidéo publiée sur X, le chef de Reform UK estime que l’attaque de Southport aurait du être qualifiée d’« acte terroriste » par les autorités : « Je me demande simplement si la vérité ne nous est pas cachée. »
Des propos qui ont choqué Neil Basu, ancien officier supérieur de Scotland Yard, chargé de la lutte contre le terrorisme de 2018 à 2021, estimant auprès du Guardian que « Nigel Farage apporte son soutien à l’extrême droite, sape la police, crée des théories du complot et justifie les attaques contre la police ». Pour l’universitaire Tim Bale, il est probable que les émeutiers ont été « inspirés par le vote massif en faveur de Reform UK lors des dernières élections. Ils pensent bénéficier d’un certain soutien et d’une légitimité ».
Même si les 4 millions de personnes qui ont voté pour Reform UK le 4 juillet dernier ne soutiennent pas ces violences, le parti populiste affiche désormais des idées s’apparentant à l’extrême droite. Le mouvement a désavoué plusieurs de ses candidats lors de la campagne de cet été : l’un d’eux avait appartenu au BNP (British National Party) qui émanait du National Front et qui avait donné naissance à l’EDL (English Defence League) en 2009 avant de se dissoudre en 2011.
Depuis, il n’y a « plus d’organisation d’extrême droite centralisée, explique Martin Farr, professeur à l’Université de Newcastle. Ce sont des individus qui se fédèrent sur les réseaux sociaux ». Cela les rend beaucoup moins facilement détectables par les autorités.
Actuellement, selon la BBC, les forces de polices locales, des détectives et des membres régionaux des services de renseignements travaillent 24 heures sur 24 pour identifier les personnes participant aux violences, tandis que 17 juges spécialisés accélèrent les inculpations.
« Tous ceux qui ont participé aux émeutes ou qui ont créé de l’agitation en ligne regretteront leurs actions », a affirmé dimanche Keir Starmer. Au pouvoir depuis un mois pile, l’ancien chef du Parquet devenu nouveau premier ministre a tenu un « discours sévère depuis le début des violences », confirme Martin Farr, alors que la sécurité est vue comme un point faible de la gauche.
Sara Khan, ancienne conseillère sur la cohésion sociale de plusieurs premiers ministres conservateurs dont Rishi Sunak, explique au Guardian avoir prévenu les précédents gouvernements que « la menace d’extrême droite était en augmentation alors que le pays n’y est pas du tout préparé ».
Non seulement les conservateurs n’ont pas mené les actions nécessaires, mais selon elle « certaines approches ont été contre-productives ». Sara Khan cite ainsi les politiques qui ont parfois « affaibli la cohésion sociale en utilisant un langage incendiaire », comme lorsque l’ex-ministre de l’intérieur Suella Braverman parlait de « marches de la haine » pour désigner les manifestations pro-palestiniennes.
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