Russie: Exilés pour la liberté de toutes et de tous.

Par aplutsoc2 le 2 août 2024

Le régime poutinien vient de libérer, dans le cadre d’un échange avec, avant tout, les Etats-Unis, ainsi que l’Allemagne et quelques autres pays, plusieurs opposants politiques importants : Oleg Orlov, (photographie illustrant cet article) de Mémorial, Vladimir Kara-Murza, qui fut proche de Boris Nemtsov assassiné en 2021, Ilia Iachine, qui a dénoncé les crimes commis par l’armée russe à Butcha en Ukraine, l’artiste Alexandra Skotchilenko, qui mettait des messages anti-guerre sur les étiquettes des marchandises, les anciennes responsables du mouvement de Navalny Lilia Tchanycheva, Ksenia Fadeeva, Vadim Ostanine, la journaliste Alsou Kourmacheva, le défenseur des droits humains Andrey Pivovarov, Kevin Link, jeune russo-allemand de 19 ans, ainsi que, de Bélarus, un jeune allemand condamné à mort puis « gracié » la veille, pour participation à la résistance ferroviaire antiguerre, Rico Krieger, et que le journaliste américain du Wall Street Journal, Evan Gershkovitch.

Qu’ils soient libres, c’est bien. Dans leur conférence de presse, Andrey Pivovarov, Vladimir Kara-Murza, Ilia Iachine, ont déclaré qu’ils n’ont en rien été consultés et qu’ils ne souhaitaient pas l’exil, et ils ont appelé à continuer le combat pour sauver les quelques 3000 prisonniers politiques officiels en Russie, auxquels il faut ajouter les nombreux détenus, internés ou mobilisés pour des raisons répressives, sans doute des centaines de milliers.

Nous n’oublions pas notre camarade Maksym Butkevych, détenu en territoires occupés d’Ukraine, combattant anarchiste, des droits humains et de la cause ukrainienne ; Igor Kuznetsov, de Tomsk, militant pour l’auto-détermination des peuples non-russes ; Azat Miftakhov, mathématicien de premier plan, anarchiste, détenu pour « hooliganisme : et toutes et tous les autres, et aussi en Bélarus, tels Alexandre Iarashuk  et les syndicalistes indépendants du BKDP !

Poutine les a échangés contre plusieurs espions et agents, principalement le tueur du FSB, qu’il a tenu à recevoir en personne à Moscou, Vadim Krassikov, détenu en Allemagne depuis 2019 après avoir assassiné un opposant tchétchène. On comprend aujourd’hui que des discussions entre « services » avaient porté sur son échange contre Navalny, auquel Poutine ne tenait pas : mais comme il tenait à récupérer Krassikov, il a fait tuer Navalny et a lâché ensuite d’autres otages. Car ce sont bien des otages, de Russie ou de l’extérieur, comme le chercheur et militant humanitaire français Laurent Vinatier, kidnappé par le FSB le 7 juin dernier.

La presse parle d’échange sans précédent « depuis la guerre froide ». En fait, il y a un précédent plus récent : le 7 septembre 2019, Poutine récupérait une grosse brochette de barbouzes et d’assassins, et relâchait plusieurs prisonniers politiques ukrainiens kidnappés par le FSB en Crimée ou dans le Donbass, dont le cinéaste Oleg Sentsov et l’anarchiste Alexandr Koltchenko, aujourd’hui tous deux combattants dans l’armée ukrainienne.

De nombreux commentateurs, et, pour ses raisons propres, Donald Trump, disent que Poutine est le seul vainqueur de cette opération. Disons clairement que cela est faux. Beaucoup des libérés le sont car la solidarité internationale les a fait connaitre. C’est le cas des Orlov, Kara-Murza, Iachine, Skochilenko, comme ce l’était de Sentsov et Koltchenko. Il se dit que les exiler neutralise leur impact en Russie. C’est là oublier que du temps des tsars, les bolcheviks, les mencheviks, les socialistes-révolutionnaires, les anarchistes, se sont organisés comme courants politiques depuis l’exil. Que Staline avait cru affaiblir Trotsky en l’exilant, énorme erreur car Trotsky put alors jouer un rôle historique dans la transmission de l’héritage révolutionnaire. Que Brejnev pensait qu’aussi bien un Pliouchtch qu’un Soljenitsyne serait oublié à l’étranger. De même que les partisans de l’émancipation humaine ont la mémoire longue de cette histoire, ils n’oublieront pas celles et ceux qui restent. Oui, quelles qu’aient été les tractations à leur sujet, la liberté dans l’exil pour Orlov ou Iachine est une victoire démocratique et une défaite de Poutine, quoi qu’il s’imagine dans sa petite tête de flic.

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