« Marianne » ressort l’affaire de la « BD pornographique » distribuée par Castaner en 1995
Par Le Nouvel Obs
Publié le 9 août 2019 à 14h51
Le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, à Nimes, le 6 août 2019. PASCAL GUYOT / AFP
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Le journal raconte comment, en 1995, l’actuel ministre de l’Intérieur avait été condamné pour avoir organisé la diffusion sur la voie publique d’une « bande dessinée véritablement pornographique ».
C’est la fois où Christophe Castaner a été condamné pour « diffamations et injures publiques envers particulier, fonctionnaire ou citoyen chargé d’un service public par parole, écrit, image ou moyen audiovisuel ».
L’histoire se déroule en 1995 à Avignon, raconte « Marianne » qui est allé fouiller dans les archives pour narrer cette ancienne bavure du ministre de l’Intérieur. A l’époque, Christophe Castaner a 29 ans, il est adjoint au directeur général des services de la mairie, son premier poste important, et il œuvre, avec d’autres, pour la campagne municipale du maire socialiste Guy Ravier.
Pour mettre toutes les chances de leur côté et mieux atteindre le camp adverse, une poignée de militants socialistes distribuent dans les boîtes aux lettres des habitants 35 000 tracts à travers la ville sous forme d’une bande dessinée, titrée « la Dinde enchaînée » et « Erections municipales ». Sur la couverture pastichant le célèbre « Canard enchaîné «, raconte « Marianne » :
« sont dépeints, animalisés, la candidate RPR Marie-Josée Roig et le sénateur Alain Dufaut, en train de s’accoupler. Lui est grimé en vautour, elle en dinde, enchaînée et extatique, tous deux bavant de plaisir.Le scénario est simple : Alain Dufaut (alias “Duf-duf”) manque de courage pour prendre la mairie lui-même et fait appel au représentant du “F-Haine” local, chauve et bardé d’un brassard noir, qui lui fait rencontrer Marie Josée-Roig.Celle-ci est croquée déambulant dans une voiture noire dont le pare-chocs a laissé place à une bouche aux lèvres bombées façon imagerie coloniale. Et au cas où tout le monde n’aurait pas saisi la finesse de la blague, un personnage la décrit, dans un parler petit nègre, comme arrivant au volant de sa “wingo noi’e’”… »Publicité
Contactée par « Marianne », Marie Josée-Roig se souvient :
« J’ai été très interloquée en découvrant ce tract, mais ayant une bonne connaissance de la population avignonnaise, j’étais aussi persuadée que cela ne prendrait pas, et ce fut largement le cas. »« Je me rhabille, je débarque et je dis stop ! »
En effet, le tract n’empêchera pas Marie-Josée Roig d’être élue à Avignon, où elle restera maire jusqu’en 2014, précise encore « Marianne ».
Mais la justice, elle, ne laisse pas passer l’affaire. Elle se saisit alors rapidement des plaintes déposées. Cinq hommes l’intéressent, parmi eux, Christophe Castaner.
Les autres : trois personnes, Michel Becker, Alain Moretti et Thomas Pierre, qui jettent les bases du tract, raconte « Marianne ». Et « un quatrième, Michel Coviaux, sera le dessinateur, tandis qu’Alain Moretti se chargera du scénario. Reste maintenant à trouver la personne idoine pour faciliter la diffusion des quelque 35 000 tracts. Ce sera Christophe Castaner. ».
En 2018, Castaner évoquait l’affaire au « JDD » en ces termes.
« Un militant m’appelle vers minuit. Il me réveille et me dit : “Casta, je crois qu’on a fait une connerie.” Je n’avais pas vu la BD. Je me rhabille, je débarque et je dis stop ! »« A l’époque des faits, il sert la même version à la justice, reconnaît avoir “péché”, tout en invoquant auprès du tribunal une “inattention pendant une durée de vingt minutes”, rapporte « Marianne ». Mais déjà en 1995 le TGI d’Avignon n’est pas convaincu. Il estime également qu’il s’agit « non pas d’une brochure satirique » mais bien d’« une bande dessinée véritablement pornographique ». Sa décision tombe le 10 octobre 1996 :
« Christophe Castaner a été chargé de la distribution des brochures tirées à 35 000 exemplaires pour le prix de plus de 50 000 francs ; il est aussi peu pensable qu’après avoir permis cette diffusion, il en eut arrêté celle-ci seulement vingt minutes après, en raison du nombre d’exemplaires répandus dans la ville d’Avignon. »Conclusion :
« M. Castaner ne peut bénéficier d’une équivoque quelconque car lui a eu en sa possession l’ouvrage en son entier et en couleur, et c’est par son intermédiaire que ces brochures ont été distribuées. » Christophe Castaner sera finalement condamné à payer 50 000 francs d’amende pour « diffamations et injures publiques envers particulier, fonctionnaire ou citoyen chargé d’un service public par parole, écrit, image ou moyen audiovisuel. Auxquels s’ajoutent 51 000 francs de dommages et intérêts à régler avec ses camarades éditeurs improvisés de bande dessinée à l’attention d’Alain Dufaut et Marie-Josée Roig », poursuit « Marianne ».
Par Le Nouvel Obs
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