Les JO sont terminés depuis quelques heures ; l’un des aspects les plus frappant du climat français aura été l’agressivité de beaucoup de médias, et de l’appareil d’Etat, à asséner qu’il y a eu une « trêve », que les JO ont « rassemblé » et fait taire les oppositions « des extrêmes », montrant que ce que « les Français » veulent c’est l’union des femmes et des hommes politiques, et que seuls de mauvais coucheurs, coupés du peuple et des racines patriotiques aussi bien que multiculturelles, peuvent ne pas partager la supposée euphorie qui nous aurait portés pendant deux semaines. En réalité, les gens ordinaires, l’immense majorité, ont regardé bien des épreuves des JO tranquillement, prenant, sous la pression de la terrible canicule qui a fini par arriver en France, un peu de repos tout relatif et bien mérité après la période de stress aigu provoqué par Macron : ils ont décompressé, et un peu de JO (mais pas trop, en général) a été utilisé pour cela. Lorsque ces gens ordinaires jettent un coup d’œil distrait sur les médias, ils apprennent, avec un amusement teinté de mépris, que leur plus ardent souhait est soit « Xavier Bertrand à Matignon », soit « Bernard Cazeneuve à Matignon » ou autres – de la liste des impétrants, il ne manque que Jordan Bardella, qui se voyait, et que Macron voyait, à Matignon, voici un peu plus d’un petit mois. Ce qu’il y a de bien, avec l’arithmétique, c’est qu’elle est imparable. Staline avait beau dire que le plan quinquennal était atteint en 4 ans, 2+2 persistaient à faire quatre. Le Nouveau Front Populaire a la majorité relative à l’Assemblée nationale : ceux qui veulent présenter cela comme une minorité ont un talon d’Achille, c’est qu’eux-mêmes sont nettement plus « minoritaires ». « Personne n’a gagné », a répété Macron. Mais Macron a perdu, plus que quiconque. Le déni de ce fait conduit, un peu plus tôt ou un peu plus tard, au précipice. Macron a gouverné violemment depuis 2022 (sans parler d’avant 2022) avec une majorité parlementaire relative. Depuis qu’il est sorti KO debout de l’affrontement social qu’il avait voulu sur les retraites, il tente l’autoritarisme renforcé pour restaurer une aura bonapartiste écornée, dégonflée. Jusqu’à balancer sa grenade dégoupillée et à échouer dans les deux possibilités qu’il avait tenté de se donner : installer le RN à Matignon, ou bien rétablir une « majorité » formée d’un agglomérat autour du prétendu « centre », théoriquement le sien. La cristallisation politique de cet échec, et de la force maintenue de la résistance sociale, c’est le NFP, qui n’est pas l’œuvre de ses dirigeants mais le résultat des rapports de force sociaux, avec une pression active de la base militante large de la gauche et du syndicalisme. Il n’était prévu ni souhaité par Macron ni que le NFP existe, ni, encore moins, qu’il ait une majorité parlementaire relative le 7 juillet au soir. Il est vrai que dans la V° République, le président a le droit de nommer son chat premier ministre, ou son crocodile si vous préférez. Mais la certitude de la censure ou de la crise avec une Assemblée indissoluble pour un an, ainsi que les précédents des cohabitations mitterrandiennes et chiraquienne, conduisent invariablement à une seule et même conclusion : le NFP à Matignon. Sauf que dans les rapports politiques tendus de la V° République macronnienne en crise, cela signifie soumission du président, comme alternative ou dernière station avant sa démission. Rappelons que la formule « le président doit se soumettre ou se démettre » est du républicain Gambetta, et visait le premier président de la III° République, le bourreau de la Commune Mac-Mahon, qui s’est démis, convertissant tous ses successeurs en potiches et stabilisant la III° République comme régime bourgeois parlementaire. Le président de la V° République ne doit ni se soumettre ni se démettre, car ainsi il finit de tuer les institutions, lesquelles ne se convertiront pas pour autant, à la différence de la III° à ses débuts, en parlementarisme pépère : ce sera la crise. C’est là la raison profonde, au-delà du déni et du style infantile propres à Macron qui ne font que la refléter, de la recherche forcenée, contre le vote « des Français » comme disent les journalistes, d’une formule gouvernementale organisée autour des ci-devant macroniens, avec des franges venues de LR et du « centre-gauche ». Il s’agit de faire durer ce régime, pas seulement de faire durer Macron. De même, le NFP à Matignon signifie affrontement rapide sur les retraites et les salaires avec la présidence et le patronat. La question de la soumission ou de la démission ne serait pas résolue par cette cohabitation, mais accentuée. Au bout du bout, mais pas très loin, il y a la crise finale de régime et l’ouverture de la nécessité d’une assemblée constituante – une formule que la constitution de la V° République, justement, et pas par hasard, ne prévoit pas, elle qui est née d’un coup d’Etat militaire et colonialiste. Cette perspective va arriver et nous devrons donc l’imposer par en bas. La bataille pour le NFP à Matignon, c’est la préparation d’artillerie de cette bataille démocratique finale là. N’oublions pas que cette perspective fait peur également aux dirigeants du NFP. Au premier rang des sauveteurs de la V° République, nous avons, malgré l’unité qui leur a été imposée, Mélenchon et la LFI pour qui doit s’imposer le calendrier institutionnel conduisant à la présidentielle de 2027, où, même si par aventure c’était plus rapide, à ce qu’est censée être la présidentielle de 2027 : une présidentielle servant à recharger les compteurs de la V° République avec un choix final du type « Le Pen ou Mélenchon ». D’où le caractère secondaire pour eux de l’arrivée du NFP à Matignon, et donc de l’affrontement immédiat sur les retraites et les salaires … alors que cette orientation conduit à Le Pen présidente, au lieu de l’assemblée constituante ! L’autre pôle, le PS, qui n’est pas, il faut le comprendre, ce « centre gauche » des Cazeneuve qui en est issu, car le PS ne rebondit que par et dans l’unité actuelle, cet autre pôle aimerait bien, lui, être à Matignon. C’est pourquoi il a trouvé l’oiseau rare, Lucie Castets, que LFI ne pouvait pas récuser. Mais les uns et les autres ont fait suffisamment durer pour que Macron ait sa prétendue « trêve ». Macron va donc soit faire encore durer, soit essayer de trouver un premier ministre appuyé par les partis ci-devant macroniens, plus, soit directement soit sous la forme d’une pression parlementaire, LR, et des bouts de « centre-gauche » en apesanteur. Du point de vue du vote aux législatives, l’imposture est criante : le vote s’est fait sur des blocs politiques identifiés et distincts, hors anciennes colonies de l’ « outremer », qui sont le NFP, le RN, les ci-devant macroniens, et LR. Qu’il soit envisagé de porter à Matignon une figure issue du parti le plus en crise et ayant eu le moins de voix, LR, en dit long ! L’argument selon lequel ceci ne trahirait pas le vote car traduirait le « front républicain » est une autre imposture. Car il n’y a pas eu de « front républicain », lequel de toute façon ne se serait pas traduit en alliance programmatique électorale. Il y a eu vote conscient pour des ennemis de la part de la masse des électeurs NFP du premier tour, un vote qui était opposé au RN mais aussi à Macron qui lui avait ouvert la route, et d’autre part vote réticent et partagé pour faire barrage au RN de la part de l’électorat ci-devant macronien, l’électorat LR du premier tour s’étant, d’après les études réalisées, porté quant à lui de façon relativement majoritaire … sur le RN ! Non seulement le NFP à Matignon est la seule position démocratiquement légitime pour ces raisons liées au vote et aux résultats, mais, et c’est là un fait central, les urgences sociales et les revendications qui lui sont liées, notamment l’abrogation de la loi Macron sur les retraites, la hausse des salaires, l’arrêt immédiat du « choc des savoirs » à la rentrée avec réorientation des crédits vers les vrais besoins scolaires, sont très majoritairement partagées bien au-delà de l’électorat NFP. La majeure partie de l’électorat RN et des abstentionnistes est opposée à la politique macronienne sur les retraites, les salaires et les services publics et susceptible de s’éloigner du RN en participant à des mobilisations sur ces sujets. C’est précisément pour interdire coûte que coûte l’abrogation de sa loi et la hausse des salaires réels qui en ont bien besoin, que Macron, avec le soutien du monde capitaliste, ne reconnaît pas l’existence du NFP qui a remporté la majorité relative du scrutin. De plus, même si ceci n’est pas central, sachant que la tentative de Macron de justifier son invention d’une coalition pour laquelle personne n’a voté prétend s’appuyer sur la courte élection de Mme Braun-Pivet, dans des conditions douteuses, à l’Assemblée nationale, le fait que le Conseil constitutionnel se soit lâchement mais sans surprise déclaré incompétent sur l’inconstitutionnalité de la présence de ministres y siégeant et y votant ne veut absolument pas dire que le problème juridique et constitutionnel n’existe pas. D’une certaine manière le Conseil constitutionnel suggère même, peut-être malgré lui, qu’il n’est pas compétent sitôt qu’on sort de la sphère connue et prévue des sujets constitutionnels pour entrer dans l’arbitraire pur ! Les politiciens de droite et du centre pour qui une coalition pour laquelle personne n’a voté serait soi-disant légitime, affirment par contre que le NFP en tant que coalition ne devrait pas exister. Le fait qu’il ait une base active et méfiante envers ses propres dirigeants et le fait qu’il se soit doté d’un programme dont, quoi qu’on en pense, la cohérence d’ensemble fait défaut aux autres partis et coalitions, leur échappent, mais ils répètent jusqu’à plus soif que la présence de LFI dans le NFP est « contre-nature », refusant de totaliser des voix qui, à l’échelle nationale, sont pourtant impossibles à distinguer. La réalité du NFP a été imposée à Mélenchon et à la direction de LFI, de même, mais plus encore, qu’aux directions des trois autres principaux partis du NFP. Le règlement des problèmes que pose LFI, en tant que ligue plébiscitaire « populiste », sera fait dans et par l’unité d’action, et pas autrement. En fait, la volonté de dissocier LFI du NFP pour minoriser et détruire le NFP et attirer une frange gouvernementale de « centre-gauche » un peu moins inconsistante, fait le jeu de Mélenchon, de même qu’une diabolisation assez grotesque. Cette diabolisation présente LFI comme « l’extrême-gauche ». En réalité, par toute son orientation concrète envers la question du pouvoir, les perspectives politiques et la V° République, la direction de LFI s’inscrit comme la fraction, au moment présent, la plus déterminée à préserver le cadre institutionnel de ce régime et nullement comme une opposition « d’extrême-gauche », stigmatisation qui l’aide à jouer son rôle social réel. C’est dans et par le NFP uniquement, dans et par l’unité d’action, que la question de la nature et de la place de LFI seront réglées, et nous en avons eu déjà quatre moments. Le premier est la formation même du NFP, dans la journée suivant la dissolution, durant laquelle la ligne nationale-populiste en version « France des villes et des banlieues » clamée le soir par J.L. Mélenchon est contrebattue par les déclarations simultanées de F. Ruffin lançant le thème du « front populaire », la mobilisation de jeunes manifestants appelant à l’unité, les contacts syndicaux et intersyndicaux, et l’accord de principe du lundi 10 juin au soir. Le second moment est, suite à la « purge » contre Simonnet, Corbière, Garrido et Davi, qui visait à contrecarrer la pression unitaire d’en bas pour affronter Macron et le RN, la naissance de « l’Après » qui, en plein mois de juillet, réunit des centaines de participants en visio et reçoit de milliers de contacts et d’adhésions. Le troisième moment est la réalisation de l’appel unitaire pour le respect du vote et de la démocratie au Venezuela, signé, nous pouvons nous permettre de le dire ainsi (en précisant que l’Après n’a pas encore de structures élues aptes à prendre position), par toutes les forces du NFP allant d’Aplutsoc au PS à l’exception de LFI et du PCF ! Les réactions violentes organisées autour de l’ambassadeur de J.L. Mélenchon à Caracas qu’est Christian Rodriguez montrent que cet appel a tapé dans le mille. En même temps, LFI est officiellement silencieuse, et le PCF gêné (rappelons que son parti frère est ciblé par la répression de Maduro). Cette bataille internationaliste est permise par l’existence du NFP et illustre la seule façon dont le « problème LFI » peut être réglé : par la pression pour l’unité d’action contre le capital et son Etat, le régime de Maduro aussi bien que la V° République de Macron ! Car c’est bien contre l’arbitraire antidémocratique de Macron que, malgré ses dirigeants, le NFP a été constitué, et c’est ce combat qui est maintenant devant nous : Vers la fin de la V° République, vers l’Assemblée constituante, pour le NFP à Matignon maintenant, organisons-nous ! |
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