Pour libérer Paul Watson, une campagne de soutien sans précédent

Paul Watson, le charismatique défenseur des baleines, est en prison. Malgré ses modes d’action radicaux, il a engrangé de nombreux soutiens qui transcendent largement le monde écologiste.

L’arrestation du militant écologiste Paul Watson fait des vagues. Arrêté par la police danoise le 21 juillet, au Groenland, le fondateur de l’ONG Sea Shepherd risque d’être extradé vers le Japon et de croupir en prison pour le restant de ses jours. Mais une campagne internationale bat son plein pour le sauver.

ONG, politiques, artistes, citoyens et amoureux des océans… Le branle-bas de combat est général, la mobilisation totale. En moins d’une semaine, plus de 500 000 personnes ont signé la pétition lancée par le journaliste Hugo Clément. Des personnalités comme Nagui, Brigitte Bardot, Stéphane Bern ou encore Shaka Ponk, Bernard Lavilliers et Pierre Niney sont également montées au créneau dans une tribune publiée dans Libération. Les associations animalistes multiplient leurs communiqués de solidarité tandis que le hashtag #FreePaulWatson est devenu viral sur les réseaux sociaux.

La pétition lancée par Hugo Clément a atteint 545 000 signatures. Capture d’écran

« Un monde capable de traquer Paul Watson comme un criminel est un monde qui se prépare à vivre sans baleines. Et un monde sans baleines, c’est un monde sans nous », s’écrie Lamya Essemlali, la présidente de Sea Shepherd France. Derrière Paul Watson se joue rien moins qu’une partie de l’histoire du mouvement écologiste, de la répression qu’il subit, de sa bataille pour la défense du droit et de la beauté.

L’extradition signerait « son arrêt de mort »

Jointe par Reporterre juste avant son vol pour le Groenland pour rejoindre ses avocats, Lamya Essemlali explique que « le moment est crucial »« La mobilisation est importante mais il ne faut pas relâcher la pression, dit-elle. Le risque d’extradition est réel. Elle signerait son arrêt de mort. Paul a 73 ans et ne repartirait pas vivant du Japon. »

Visé par une notice rouge d’Interpol émise en 2012 à la demande de Tokyo, le capitaine Watson est accusé de « conspiration d’abordage »« Le Japon est dans une logique de vengeance, ils se sentent humiliés. La manière dont il sera traité dans l’archipel nous inquiète beaucoup », dit Lamya Essemlali. D’autant plus que l’archipel nippon a été pointé du doigt à plusieurs reprises pour ses conditions de détention déplorables et ses manquements aux droits des accusés par Amnesty International ou Human Rights Watch.

« Le Japon est dans une logique de vengeance »

Pour l’instant, Paul Watson reste dans le centre pénitentiaire de Nuuk. Son appel pour sa remise en liberté a été rejeté et la demande d’extradition sera examinée le 15 août. D’ici-là, Lamya Essemlali veut garder espoir : « Paul a sauvé des milliers de baleines face à un État voyou qui ne respecte même pas le moratoire international. Ça émeut beaucoup de monde et transcende son destin personnel, estime-t-elle. Quand on le regarde, on voit ses 5 000 baleines rescapées des harpons, on voit l’océan, les générations futures, ça le dépasse largement et dit quelque chose de notre humanité. »

Contacté par Reporterre, le président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) Allain Bougrain-Dubourg salue également « un homme d’une grande qualité »« aux belles causes ». Il l’avait accompagné sur la banquise à la fin des années 1970 avec Brigitte Bardot pour sensibiliser l’opinion mondiale sur le sort des bébés phoques. « Je garde l’image d’un lanceur d’alerte précurseur qui incarne la force tranquille du combat, guidé par la révolte et porté par la détermination. L’engouement autour de cette campagne montre que nous avons besoin de héros. »

Les politiques aussi s’activent

De son côté, le célèbre plongeur François Sarano vante une « figure emblématique »« avec du panache »« Quoi qu’on pense de ses modes d’action, il a joué un rôle incontournable pour qu’on n’oublie pas le peuple des océans, dit-il. Nous lui devons beaucoup et c’est normal qu’on se lève pour lui. On ne peut pas nous bâillonner. On ne peut pas nous interdire de vouloir faire primer le droit à la vie. Ce sont les baleiniers japonais qu’il faudrait arrêter. Les baleines ne leur appartiennent pas ».

Au sein du monde politique, les soutiens s’activent aussi. Beaucoup font le parallèle avec l’affaire WikiLeaks — du nom de cette organisation qui a publié des documents classifiés. Paul Watson pourrait être le Julian Assange de l’écologie et sa demande de libération devenir un combat fédérateur et transpartisan.

La jeune députée européenne insoumise Emma Fourreau, issue de la « génération climat », est à l’origine d’une lettre de soixante parlementaires adressée au gouvernement danois pour réclamer la fin de sa détention. À Reporterre, elle parle de Paul Watson comme d’« une icône auprès de la jeunesse »« Sea Shepherd est une grande marque de fabrique de l’activisme pacifique qui sort des pratiques habituelles, avec des méthodes beaucoup plus offensives, ajoute-t-elle. Paul Watson a compris que les manifestations ne suffisaient pas et qu’il fallait s’engager dans l’action directe pour obtenir des victoires. C’est un exemple. »

« Si Watson tombe, tous les écologistes tombent »

S’il faut se battre d’arrache-pied pour le sortir des geôles, c’est aussi qu’il en va de l’avenir de tout le mouvement écolo, dit-elle. La situation pourrait créer un précédent : « Si Watson tombe, tous les écologistes tombent, car si même une figure très connue peut finir sa vie en prison, c’est bien qu’on peut frapper tout le monde ». La notice rouge d’Interpol est, selon elle, « un outil politique » qui permet « une chasse à l’homme ».

Parmi les personnes activement recherchées par le Japon, Paul Watson se retrouve dans la même liste que Carlos Ghosn, l’ancien PDG de Renault-Nissan, et d’autres mafieux accusés de meurtre. « Cette affaire est une étape de plus dans la criminalisation des militants écologistes, dénonce Emma Fourreau. Elle s’inscrit dans un contexte global d’intensification de la répression à l’encontre de notre mouvement. »

Emmanuel Macron serait « personnellement » mobilisé

Le Danemark aurait agi dans une alliance objective avec le Japon pour se débarrasser de la Fondation Paul Watson, analysent de nombreux militants et parlementaires. Récemment, la Fondation a dénoncé le massacre des dauphins aux îles Féroé, qui appartiennent au pays. Le Danemark se plierait aux demandes du Japon, hors-la-loi, en dépit de la règle implicite sur laquelle s’accordaient nombre de pays de l’Union européenne, qui laissaient Paul Watson circuler en toute liberté. Le capitaine vivait d’ailleurs en France depuis un an sans être inquiété.

L’association dénonce une tradition aux îles Féroé, le « grind », qui consiste à encercler des petits cétacés puis à les tuer au couteau. Sea Sheperd

Emmanuel Macron aurait apporté lui-même « son soutien » à Paul Watson. « Le président de la République suit la situation de près et la France intervient auprès des autorités danoises afin que Paul Watson ne soit pas extradé vers le Japon », a officiellement déclaré l’Élysée à Franceinfo. Sa cellule diplomatique serait mobilisée en lien avec le ministère des Affaires étrangères. De son côté, Hervé Berville, secrétaire d’État à la Mer, aurait rencontré son homologue danois le 16 juillet dernier pour évoquer le sujet.

Paul Watson, un « écoterroriste » pas comme les autres ?

Cette forte mobilisation de l’exécutif détonne, alors qu’il dénonçait récemment encore « les écoterroristes » qui séviraient dans le pays et réprimait massivement, deux jours plus tôt, les militants antibassines.

Fiona Vanston, chargé de campagne pour la Révolution écologique pour le vivant (REV), émet plusieurs hypothèses pour comprendre ce contraste. « Le combat animaliste est d’abord transpartisan, explique-t-elle. La campagne autour de Paul Watson a mobilisé des sphères proches du pouvoir, le milieu du show-biz, le monde de la culture. » Avec sa barbe blanche et son charisme, le pirate est une « figure qui peut rassembler » et qui « personnifie le combat pour l’océan » en y « engageant sa vie ». Il défend aussi un point de vue légaliste en demandant à ce que le moratoire de la chasse à la baleine signé en 1986 soit pleinement respecté.

Paul Watson, Hugo Clément, Frah et Sam de Shaka Ponk, Lamya Essemlali lors de l’Ocean Fest, un festival en défense des océans, fin avril 2024. Instagram / Sea Shepherd France

Il ne menace pas non plus directement les intérêts du gouvernement français, opposé à cette chasse. « Au-delà de ses actions directes, Sea Shepherd a toujours su garder un lien avec les institutions et fait du plaidoyer pour changer les choses de l’intérieur, en dialogue constant avec l’État », décrypte la militante. D’ailleurs, la France accueillera en juin prochain la Conférence des Nations unies sur les océans. L’arrestation de Paul Watson pourrait faire tache. Le gouvernement mesure le capital sympathie des cétacés et de ses défenseurs au sein de la population.

Pour les militants, la popularité de la campagne de mobilisation en faveur de Watson est aussi une « opportunité historique ». Elle donne l’occasion de s’interroger et de rendre légitimes des modes d’action plus radicaux. Elle ouvre la voie à un possible sursaut.

« Encore une fois, où est la violence ? Dans le sabordage d’un bateau braconnier ou dans la destruction de nos conditions de survie sur Terre ? s’emporte la députée européenne Emma Fourreau. Plus personne n’est dupe. Il est grand temps de considérer les écologistes pour ce qu’ils sont : des lanceurs d’alerte, des amoureux du vivant, pas des criminels. »

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