«Il n’avait rien fait»: colère et deuil en Cisjordanie après l’attaque de colons israéliens
Les condamnations se multiplient après l’attaque de colons armés sur le village de Jit, en Cisjordanie occupée, jeudi soir. Elle a fait un mort, un jeune palestinien, de 23 ans, et un blessé grave. Dans ce village qui se dit sans histoire, se mêlent le deuil, le choc et la colère.
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Jeudi soir, des dizaines de colons israéliens ont attaqué un village palestinien près de la ville de Qalqilya, en Cisjordanie occupée. Plus précisément, l’attaque s’est déroulée dans la localité de Jit, entre les villes de Naplouse et Qalqilya, selon le ministère de la Santé palestinien. Parmi les victimes, un mort par balle, un autre a été blessé grièvement par un tir à la poitrine. Le village pleure Rashid Sidi, 23 ans. Son frère, Hussan Mahmoud, est sous le choc : « Il a reçu une balle dans le cœur ou dans le ventre. Mon cœur à moi est brisé ».
« Ils ont commencé à tirer sur les jeunes »
Ali Yamon est sorti avec d’autres jeunes dans la soirée, quand les colons armés et cagoulés ont débarqué. « On était dans nos maisons, on a entendu des appels à la mosquée, il y avait des attaques de colons, ils brûlaient des maisons, des voitures, détaille le jeune homme. Ils ont commencé à tirer sur les jeunes, le martyr est tombé alors qu’il n’avait rien fait. On était parti éteindre les incendies, pas pour les affronter ». Des images diffusées sur les réseaux sociaux montraient des véhicules et des maisons en feu après les attaques. En écho, un vieil homme crie sa colère : « On devrait faire comme à la première intifada, que les colons ne nous approchent pas, à moins d’être protégés par l’armée ».
Mohamed Sidi, lui, salue les réactions des dirigeants israéliens qui ont condamné l’attaque. « C’est la première fois franchement que responsables les israéliens condamnent les attaques, car ils savent bien que ce village est tranquille. Moi, je trouve ça bien ». L’armée israélienne a assuré que la police et des unités de l’armée étaient intervenues et qu’un Israélien avait été interpellé. « Les personnes ayant commis des infractions seront interpellées et jugées », a déclaré le cabinet du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou. Selon le maire de Jit, ce village tranquille n’a jamais créé de problèmes aux colons.
En Cisjordanie occupée, ce « pogrom » mené par des colons israéliens indigne dans un contexte déjà tendu
L’attaque sur le village de Jit a fait un mort et un blessé grave, dans un contexte de violence exacerbée depuis le 7 octobre et d’accusations de violations des droits humains.
INTERNATIONAL – Les mots forts du président israélien. C’est en faisant référence aux fameux pogroms que le chef d’État Isaac Herzog a qualifié les actes de violence mortelle qui se sont déroulés ce jeudi 15 août dans le village de Jit, en Cisjordanie occupée.
Après l’attaque de jeudi soir, Isaac Herzog, dont le rôle est surtout protocolaire, a pourtant fait allusion aux pogromes. Ces brèves explosions de violence commises par une communauté contre une autre, à la nuance près que dans l’histoire, la population juive a très souvent été victime de ces actes motivés par le racisme ou la xénophobie, et non l’inverse. « Je condamne fermement le pogrom de ce soir en Samarie », a-t-il écrit dans un message posté sur X, en utilisant le nom de la province biblique correspondant au nord de la Cisjordanie.
Selon le ministère de la Santé palestinien, Mahmoud Abdel Qader Sadda, âgé de 23 ans, est tombé « sous les balles de colons ». Un autre habitant palestinien du village de Jit a été grièvement bléssé par un tir à la poitrine, selon cette même source. Pour décrire la situation, l’agence officielle palestinienne Wafa, a parlé « de colons armés » qui « ont attaqué le village de Jit, incendiant plusieurs véhicules ».
Du côté israélien, l’armée affirme qu’en début de soirée « des dizaines de civils israéliens, dont certains masqués, sont entrés dans […] Jit, ont incendié des véhicules et des infrastructures dans la zone, et lancé des pierres et des cocktails Molotov ». L’armée confirme également à l’AFP que des soldats et des membres de la police aux frontières « ont évacué les civils israéliens de la ville ». En revanche, « un civil israélien ayant pris part à la violente émeute a été appréhendé et transféré à la police israélienne pour un interrogatoire ».
Des « émeutiers » pour Netanyahu
Alors que les violences continuent de se multiplier depuis le 7 octobre en Cisjordanie occupée, les principaux responsables politiques israéliens ont réagi avec retenue à ces violences, à commencer par le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Ce dernier s’est contenté de dire qu’il prenait « au sérieux les émeutes qui ont eu lieu ce soir dans le village de Jit ».
Si le terme d’« émeutiers » est souvent revenu, même dans la bouche de Yaïr Lapid, chef de l’opposition et fervent opposant du Premier ministre israélien, le président israélien a lui parlé d’une « minorité extrémiste qui porte préjudice à la population des colons respectueux des lois, à la colonisation dans son ensemble, et à [la réputation] d’Israël dans le monde, pendant une période particulièrement sensible et difficile ».
« Les forces de l’ordre doivent agir immédiatement contre ce phénomène grave et traduire les contrevenants en justice », a ajouté le président, souvent habitué à plus de discrétion. Il faut dire que le gouvernement de Benjamin Netanyahu, constitué avec le soutien de partis d’extrême droite, ne s’est pas fait sans une volonté d’extension de la colonisation israélienne en Cisjordanie occupée. Voire l’annexion pure et simple de l’intégralité de ce territoire palestinien qu’Israël occupe depuis 1967.
Le grand architecte de cette extension depuis 2022, et d’autant plus depuis le 7 octobre, le ministre des Finances d’extrême droite Bezalel Smotrich a donc assuré que les « émeutiers » de Jit n’avaient rien à voir avec « la colonisation et les colons ».
Les États-Unis, principal allié de l’État hébreu, ont pourtant qualifié d’« inacceptables » ces violences, exhortant également les autorités israéliennes à prendre les mesures nécessaires pour « protéger toutes les communautés ». D’après un décompte de l’AFP, au moins 633 Palestiniens ont déjà trouvé la mort dans des violences perpétrées par l’armée israélienne ou des colons depuis le début de la guerre dans la bande de Gaza.
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