Elie Barnavi, ancien ambassadeur d’Israël en France : « Israël gagne des batailles, mais est en train de perdre la guerre »

Israeli military vehicles operate in the Gazan side of the Rafah Crossing, amid the ongoing conflict between Israel and Palestinian Islamist group Hamas, in the southern Gaza Strip, in this handout image released on May 7, 2024. Israel Defense Forces/Handout via REUTERS THIS IMAGE HAS BEEN SUPPLIED BY A THIRD PARTY

 

L’Etat hébreu doit passer de la force à la politique par un cessez-le-feu à Gaza, qui désamorcerait la bombe libanaise et permettrait notamment la libération des otages encore en vie, explique le diplomate israélien dans une tribune au « Monde ».

Publié aujourd’hui à 15h00

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Dans une tribune au Monde publiée au lendemain du 7 octobre 2023, j’écrivais que ce cataclysme était « susceptible de bouleverser les équilibres régionaux ». Prévision facile. Ce que j’étais incapable d’imaginer est que, douze mois plus tard, on en serait toujours là. En pire. Israël fait désormais face à sept fronts. Sept ! Nous nous mesurons au sud au Hamas, au nord au Hezbollah, à l’est, en Cisjordanie, à une intifada qui ne dit pas encore son nom, en Syrie et en Irak à une myriade de groupes terroristes, plus loin aux houthistes du Yémen, et enfin à l’Iran, patron de tous les autres. Il fallait du génie stratégique pour se trouver ainsi englué.

Passons rapidement sur la question des responsabilités des uns et des autres. J’en ai dit un mot dans la tribune précitée pour ce qui concerne celle de Benyamin Nétanyahou. Quant à Yahya Sinouar, le chef du Hamas, et feu celui du Hezbollah, Hassan Nasrallah, leur idéologie djihadiste les a rendus aveugles aux réalités de l’adversaire. Le premier est parfait hébréophone, le second se piquait d’être un expert ès Israël, mais les deux n’ont rien compris aux ressorts de la puissance de ce pays et ont tiré des conclusions fausses de ses faiblesses momentanées. Dans un discours célèbre, Nasrallah n’a-t-il pas déclaré qu’Israël, malgré sa puissance nucléaire et son aviation, était « plus faible qu’une toile d’araignée » ? Un quart de siècle plus tard, la toile d’araignée a fini par l’étouffer.

Cela dit, la seule question qui vaille est celle-ci : peut-on encore sortir par le haut du bourbier dans lequel l’assaut barbare du 7 octobre 2023 a plongé la région ? Oui, à condition d’avoir à l’esprit trois faits. Le premier : le retour au statu quo ante est impossible. Obscurcie par la personnalité toxique de Nétanyahou, sa politique destructrice et la composition de son gouvernement, la cause première de la situation où nous nous débattons est la présence aux frontières d’Israël de proto-Etats surarmés dont la finalité est son élimination. On peut se gausser de la « victoire totale » que Nétanyahou promet à ses concitoyens, à savoir l’annihilation une fois pour toutes du Hamas et du Hezbollah. Mais il est hors de doute qu’il faille les priver de leur pouvoir de nuisance, c’est-à-dire de leur pouvoir tout court.

Renverser la table

Le deuxième fait concerne les modalités de ce changement de paradigme. La force en est une, indubitablement. Après le 7 octobre 2023, le démantèlement systématique des structures militaires et politiques du Hamas s’imposait, tout comme le changement brutal de la donne face au Hezbollah. Encore une fois, il faut se demander pourquoi, deux décennies durant, lesquelles coïncident avec la présence de Nétanyahou aux affaires, Israël a permis à ces deux entités djihadistes de monter en puissance et se doter de véritables armées. Toujours est-il que le massacre du 7 octobre 2023, les barrages de feu quotidiens sur les localités de Galilée et les quelque 100 000 déplacés israéliens éparpillés à travers leur propre pays ont obligé le gouvernement d’Israël à renverser la table.

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