Pourquoi les socialistes* devraient plaider en faveur du vote démocrate : quelques leçons de l’histoire. Par Oaklandsocialist.

LR: Pourquoi les socialistes*, aux USA, ce terme n’a rien à voir avec « nos » soi-disant « socialistes mais concerne plutôt l’extrême gauche…

Par aplutsoc le 10 octobre 2024

Pourquoi les socialistes devraient plaider en faveur du vote démocrate : quelques leçons de l’histoire

Par Oaklandsocialist, le 27 septembre 2024.

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Quelqu’un occupera la Maison Blanche en 2025 et ce sera soit Kamala Harris, soit Donald Trump. La question est : « Est-ce que cette alternative a de l’importance ? » Étant donné la crise du capitalisme américain et mondial, une réponse socialiste sérieuse n’a jamais été aussi nécessaire. Pourtant, la plupart des socialistes échouent devant cette tâche. En argumentant contre un vote pour Harris, ils disent « non, peu importe qui gagne ». Ces socialistes remplacent une analyse objective sérieuse par du moralisme et des interprétations erronées de l’histoire. Il est important de comprendre cette histoire et d’être capable de contrer leurs arguments. Voici un recensement des arguments du « ne jamais voter démocrate » et une reponse.

« Mais Gaza ! »
Il est naturel d’être dégoûté par le soutien de Harris aux crimes contre l’humanité commis par Israël. De nombreux socialistes disent que c’est une raison pour ne pas voter pour elle. Mais en premier lieu, la grande majorité de ces socialistes qui disent qu’ils ne peuvent pas voter pour Harris à cause de son soutien au génocide israélien, se servent de cela comme d’une feuille de vigne. Presque toutes ces mêmes personnes ont argumenté pendant des années contre le fait de voter pour un démocrate.

Certains diront que le mouvement des « non engagés » ne soutient pas la candidate démocrate. Ce mouvement est principalement composé de Palestiniens-Américains et d’autres Démocrates. Que disent-ils en réalité aujourd’hui ? Le 19 septembre, ils ont publié une déclaration refusant de soutenir Harris, mais s’opposant également à un vote pour l’un des candidats d’un parti tiers. Ils ont écrit : « À l’heure actuelle, notre mouvement 1) ne peut pas soutenir la vice-présidente Harris ; 2) s’oppose à une présidence de Donald Trump, dont le programme comprend des plans pour accélérer les massacres à Gaza tout en intensifiant la répression contre les organisations anti-guerre et 3) ne recommande pas un vote pour un parti tiers lors de l’élection présidentielle, d’autant plus que les votes pour des tiers dans les États clés pourraient contribuer par inadvertance à assurer la présidence de Trump, compte tenu du système électoral défaillant de notre pays. » De toute évidence, en tant que démocrates loyaux, ils n’appellent pas à l’abstention. Il n’y a donc qu’une seule façon de comprendre cela : ils appellent à voter pour Harris, sans le dire ouvertement.

Qu’en est-il des Palestiniens de Gaza eux-même ?

Le journal Al Monitor a rapporté que « les Palestiniens de Gaza apprécient Kamala Harris et préfèrent « n’importe qui à Trump ».

Ils ont cité Abdul Rahim al-Hayek, déplacé de la ville de Gaza vers la ville de Qarara. « J’ai connu 14 présidents américains, tous ouvertement pro-israéliens, à l’exception du président Bill Clinton, qui s’est rendu à Gaza en 1998 pour faire avancer le processus de paix… Je préfère n’importe qui à Trump qui a reconnu notre future capitale, Jérusalem, comme la capitale d’Israël », a-t-il déclaré.

Il ne s’agit pas seulement de Jérusalem. Trump a clairement exprimé sa position : lors d’un discours au Conseil israélo-américain le 19 septembre, Trump a déclaré : « Vous avez en moi un grand protecteur. Vous n’avez pas de protecteur de l’autre côté… Quiconque est juif et aime être juif et aime Israël est un imbécile s’il vote pour un Démocrate. » Il a dit aux partisans juifs de Harris : « Vous devriez vous faire examiner le cerveau » Selon NPR, « Trump a également accusé Harris de « flatter » les partisans du Hamas… »

Biden et Harris soutiennent les crimes de guerre israéliens. Ils en portent la responsabilité . Et alors que Harris s’est montrée très critique envers Netanyahou après l’avoir rencontré, elle s’est depuis alignée, refusant par exemple de permettre à un délégué palestinien du DNC de prononcer ne serait-ce qu’un discours d’une minute lors de la convention du parti démocrate. Lors de son débat très médiatisé avec Trump, elle n’a pratiquement pas critiqué Netanyahou.

Il peut sembler moralement répugnant de voter pour un candidat qui soutient les crimes de guerre atroces commis par Israël, mais depuis quand le moralisme a-t-il quelque chose à voir avec la politique ? Et de toute façon, Trump sera bien pire. Gaza n’est donc pas une raison valable pour refuser de voter pour empêcher Trump d’accéder à la Maison Blanche, c’est-à-dire voter pour Harris.

Le véritable fondement de la position socialiste « ne votez pas pour Harris » est l’idée que nous ne devrions jamais préconiser le vote pour un démocrate, comme s’il s’agissait d’une sorte de principe absolu, valable en toutes circonstances. Comme s’il s’agissait d’une sorte de principe socialiste éternel. Est-ce vraiment le cas ? Regardons un peu l’histoire !

La Révolution russe

En juillet 1917, la révolution russe battait son plein. Le tsar avait été renversé et remplacé par un gouvernement de réformateurs capitalistes, le gouvernement provisoire. Ce gouvernement refusait de faire sortir la Russie de la Première Guerre mondiale impérialiste. Il ne fit rien pour mener à bien le changement crucial consistant à distribuer les terres aux paysans. Il ne fit rien pour promouvoir les droits des travailleurs. En bref, il ne voulait ni ne pouvait prendre de mesures significatives pour résoudre les problèmes matériels prioritaires qui avaient donné naissance à la révolution. À cause de cela, le chaos régnait. Dans ce chaos, le général Kornilov, fasciste avant l’invention du fascisme, est intervenu. Il a tenté d’organiser un coup d’état militaire. La classe ouvrière s’est organisée pour l’en empêcher. Les bolcheviks ont contribué à cela. Dans cette situation particulière, cela ne pouvait signifier que s’organiser pour maintenir le Gouvernement provisoire au pouvoir. S’ils n’avaient pas réussi à en empêcher Kornilov, la révolution aurait été noyée dans une mer de sang. Elle aurait été écrasée.

La guerre civile espagnole

De 1936 à 1939 , une guerre civile fait rage en Espagne. Un gouvernement capitaliste libéral est au pouvoir. Le général fasciste Franco organise son renversement. Toutes les forces ouvrières et socialistes préconisent de rejoindre la guerre aux côtés du gouvernement, ce qui est connu sous le nom de camp « loyaliste » ou « républicain ». Et ce, malgré le fait que le programme politique et la stratégie des républicains sont gravement défectueux et se révèlent finalement incapables de vaincre les fascistes. Certains à la gauche des républicains, dont Trotsky, s’opposent au programme réformiste des républicains. Mais ni Trotsky ni aucun autre socialiste ne s’oppose à rejoindre l’armée républicaine et à combattre les fascistes.

S’il était acceptable de risquer sa vie pour combattre le fascisme, même si l’alternative était la démocratie capitaliste, pourquoi n’est-il pas acceptable de prôner le vote pour l’arrêter s’il existe la même alternative aujourd’hui ?

Élections récentes
En janvier 2023, des élections se sont tenues au Brésil. D’un côté, Lula da Silva, un homme politique capitaliste néolibéral et de l’autre, le président en exercice, Jair Bolsonaro, qui ressemble beaucoup à Trump, peut-être en pire. Comme l’explique le socialiste brésilien Fabio Bosco dans cette interview , pratiquement tout le mouvement socialiste brésilien s’est organisé pour voter pour Lula au second tour du scrutin, qui était l’élection qui allait déterminer le vainqueur final. Ils défendaient le vote pour la démocratie capitaliste contre une dictature de droite.

Plus récemment, en juin de cette année, des élections nationales ont été organisées en France. Au second tour, les candidats de Marine Le Pen, proche du fascisme, ont été opposés à un front allant jusqu’aux candidats du néolibéral Emmanuel Macron. La gauche s’est organisée pour s’assurer que le vote anti-Le Pen ne soit pas divisé. En d’autres termes, elle a en pratique contribué à l’élection de députés Macronistes. Qu’après la défaite des Lepénistes, Macron ait fait volte-face et écarté la gauche n’est pas le sujet. Il aurait été beaucoup plus difficile de s’organiser sous le régime d’extrême droite de Le Pen.

Ainsi, l’idée selon laquelle prôner le vote pour un capitaliste constitue une rupture totale avec la tradition socialiste est une fable.

« Les démocrates ne mettront pas fin au fascisme »
Jill Stein, candidate du Parti vert à la présidentielle, a déclaré que les Démocrates « sont la cause du fascisme » aux États-Unis. Elle a exprimé de manière concise ce que pensent de nombreux opposants de gauche au vote pour Harris : les Démocrates sont tout aussi responsables des politiques économiques néolibérales qui ont créé les conditions qui ont donné naissance à Trump et même au fascisme aux États-Unis. Par conséquent, concluent-ils, il n’y a aucun intérêt à élire un autre Démocrate qui recréera ces mêmes conditions.

Nous avons déjà entendu cet argument.

Dans les années 1930, le Parti communiste allemand (KPD) adopta une logique similaire. Selon lui, c’était la crise du capitalisme qui créait par elle-même, les conditions de la montée des nazis. Il soulignait que l’autre parti de masse de la classe ouvrière en Allemagne, les sociaux-démocrates, le SPD, étaient favorables au maintien de la démocratie capitaliste. Mais comme cet objectif était impossible à atteindre, le SPD contribuait à la montée du fascisme. Il qualifia le SPD de « social-fasciste » et le KPD refusa toute forme de coopération avec lui. Le KPD affirma également que la situation empirerait tellement sous Hitler que cela créerait les conditions pour que les communistes prennent le pouvoir.

Nous savons à quel point cet argument a bien fonctionné.

« Ah, mais il y a une différence ! » s’exclament certains de ceux qui connaissent un peu d’histoire. « Malgré toutes ses tares, le SPD était un parti de la classe ouvrière, alors que les Démocrates sont un parti capitaliste. »

C’est vrai, et nous ne préconisons pas de nous lier aux Démocrates (contrairement à ce que proposent les « non engagés »). Nous disons simplement que même si cela ne fait que repousser l’installation de la Maison Blanche de Trump ou de Vance ou de n’importe qui d’autre pour les quatre prochaines années, ces quatre années pourraient nous donner plus de temps pour nous organiser… si nous voulons sérieusement nous organiser.

Voter pour un Démocrate est discrédité comme « politique du moindre mal»

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale (1946), les dirigeants syndicaux et leur entourage ont soutenu que les syndicats devaient être liés aux Démocrates. De nombreux dirigeants au niveau local ont reconnu que les démocrates n’étaient pas fiables, au mieux, qu’ils étaient le moindre mal. Ils ont utilisé cela comme une raison pour s’opposer aux syndicats qui ont ouvert la voie à la construction d’une alternative ouvrière aux Démocrates. Pendant toutes ces décennies, en fait, les différences entre les Démocrates et les Républicains étaient secondaires. En 1971, par exemple, le président de l’époque, Richard Nixon, a appelé à un plan de santé qui, selon l’ Institute for Healthcare Policy and Innovation , « allait bien au-delà de ce que prévoit l’actuel Affordable Care Act ».

En général, les Démocrates étaient moins opposés aux intérêts de la classe ouvrière et des opprimés que les Républicains. En d’autres termes, les Démocrates étaient le moindre mal. Cependant, ces différences étaient mineures comparées à la nécessité de s’opposer à la position des dirigeants syndicaux ( et d’autres). Ce qui était plus important qu’un avantage minime et temporaire était de faire valoir que les syndicats devaient rompre avec les Démocrates.

Le résultat de cette histoire, c’est que la pratique du « moindre mal » est devenue un tabou à gauche. Ceux qui la préconisent sont perçus comme trahissant un principe absolu. Mais ce qui était vrai hier concernant les différences entre les deux partis ne l’est plus aujourd’hui.

« Nous avons besoin d’un parti des travailleurs »

« Nous ne devrions pas appeler à voter pour les Démocrates. Nous devrions appeler à un parti de la classe ouvrière », disent certains de ces socialistes. Ce qui implique clairement que nous ne pouvons pas faire les deux en même temps. J’ai prouvé par l’action que c’était faux lorsque je me suis présenté à la mairie d’Oakland en 2022. Comme le montre cette vidéo , j’ai attaqué les Démocrates et appelé à un parti de la classe ouvrière en termes non équivoques. Pourtant, j’ai voté pour les Démocrates en 2020 et je le ferai à nouveau en 2024. En fait, comme les élections d’Oakland sont au scrutin préférentiel, ce qui signifie qu’un électeur peut voter pour plusieurs candidats par « choix préférentiel », j’ai, en fait, voté pour certains des candidats que j’ai attaqués dans ce débat. J’ai voté pour eux parce qu’il y avait deux autres candidats qui étaient l’équivalent de Donald Trump à Oakland, et je voulais contribuer à les écarter.

Le socialisme de chambre d’écho
Quand des enfants traversent un tunnel ou passent sous un pont avec des amis, ils aiment souvent crier pour entendre leurs voix, leur répondre. Ce tunnel forme une chambre d’écho dans laquelle ils n’entendent que leur propre voix. C’est ainsi que vivent les socialistes qui ne votent jamais pour les démocrates – dans une chambre d’écho qu’ils ont eux-mêmes créée. Ils n’écoutent que leurs voix, essayant de prouver que chacun d’eux est plus « socialiste » que l’autre. Pendant ce temps, le vaste monde de la vie de la classe ouvrière s’étend au-delà de leur champ de perception.

C’est également comique, car beaucoup de ces mêmes socialistes qui proclament haut et fort qu’ils ne voteront jamais pour un Démocrate restent silencieux sur la question, lorsqu’ils sont face à certains des plus éminents partisans des bureaucrates syndicaux « progressistes » qui défendent les liens des organisations ouvrières avec les Démocrates.

Les « alternatives »

Jill Stein du Parti Vert (Green Party ) et Cornel West se présentent comme des alternatives. Comme le montre cet article sur Stein, elle a des liens de longue date avec Poutine, proche du fascisme, et soutient le fasciste Assad. Elle est si mauvaise que même le candidat du Parti Vert à la présidence de 2020, Howie Hawkins, ne fera pas campagne pour elle. Et comme le montre cet article sur West, il est en fait lié aux Républicains ! Les deux candidats soutiennent en effet une victoire russe dans son invasion de l’Ukraine. Et tous deux concentrent leurs attaques sur Harris et ne disent presque rien du principal danger qui est Trump.

Conclusion
L’issue de cette élection n’est pas une mince affaire. Trump promet de rassembler, d’enfermer dans des camps de prisonniers et d’expulser des « millions » d’immigrés sans papiers. Cela comprendrait ceux qui ont été amenés ici alors qu’ils étaient encore bébés et qui n’ont aucun lien avec un autre pays. Pour y parvenir, il devra déployer l’armée américaine dans les rues. Son rôle ne s’arrêtera pas là.

  • Trump va continuer à encourager les crimes de guerre d’Israël, de Poutine et d’Assad. Il va encourager les dictateurs d’extrême droite et les apprentis dictateurs dans le monde entier.
  • Trump a également promis de mettre fin à toutes les restrictions sur les forages pétroliers. En tant que négationniste du réchauffement climatique, il va accélérer considérablement les changements climatiques déjà désastreux. Il va également accélérer l’élimination de différentes espèces animales et végétales. Une fois disparues, cela sera irréversible.
  • Trump et son parti continueront à attaquer le droit des femmes à l’avortement, jusqu’à finalement l’interdire à l’échelle nationale.
  • La promesse de Trump de gracier les criminels du 6 janvier 2021 ramènera des centaines de militants fascistes violents dans les rues. Elle renforcera encore le sentiment de puissance des fascistes et autres racistes aux États-Unis.
  • Trump a promis de donner carte blanche à la police pour terroriser les membres de la communauté noire.
  • Le soutien de Trump au 6 janvier et les projets de son parti de perturber et, si nécessaire, de dérober les élections de cette année indiquent son intention d’établir un régime autoritaire autocratique aux États-Unis.

Quel que soit le résultat de cette élection, MAGA ne disparaîtra pas. Un mouvement socialiste de la classe ouvrière est aujourd’hui plus nécessaire qu’au cours de mes 78 années de vie sur cette planète. Les socialistes qui prétendent que le résultat des élections n’a pas d’importance s’interdisent à jamais de jouer tout rôle sérieux dans la lutte contre ce que représentent Trump/Vance et le culte MAGA, non seulement aux États-Unis, mais dans le monde entier.

JR, 27 septembre 2024.

Source : https://oaklandsocialist.com/2024/09/27/why-socialists-should-argue-for-a-vote-for-the-democrats-some-lessons-from-history/

Adaptation en français par nos soins.

 

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