Budget 2025 : Le lamentable spectacle de la classe politique

Par Nicolas Domenach le 

EDITORIAL – La sanction sondagière est tombée : les principaux responsables politiques, Michel Barnier en tête, voient leur cote de popularité dégringoler. La faute à leur incapacité à laisser de côté leurs divergences pour le bien commun. Le débat autour du budget 2025 l’illustre.

Michel Barnier sera-t-il seul à porter son projet de Budget 2025?

Gabrielle CEZARD/SIPA

L’avertissement – cinglant ! – sera-t-il entendu ? C’est une sacrée claque pour toute la classe politique que ce sondage Ipsos-La Tribune du Dimanche où l’incapacité des élus à s’entendre est sanctionnée de manière impitoyable, alors que tous reconnaissent que la situation est « grave et même très grave », selon les propres termes de Michel Barnier. Lequel est tout de même le premier sanctionné puisque en un mois, il encaisse 13 points d’opinions défavorables supplémentaires (46 % au total). Quant au président de la République, il continue à dévisser (71 % d’opinions défavorables + 5). Il pourra difficilement descendre plus bas.

En réalité, personne n’échappe à la sanction sondagière puisque, pour ne prendre que ces exemples, Gabriel Attal perd 8 points, Gérald Darmanin 6, Bruno Le Maire 5. Raphaël Glucksmann, Marine Le Pen et Laurent Wauquiez ne se portent guère mieux puisqu’ils abandonnent 4 points chacun. Pour paraphraser Michel Audiard, « au terminus des prétentieux, tout le monde descend ! »

Les chamailleries et les calculs politicards l’ont emporté

Le message d’insatisfaction des Français est clair comme un soufflet : « vous êtes incapables de vous entendre et de proposer des mesures permettant de faire face au désordre des comptes comme aux injustices sociales. » Il faut convenir que l’actuel charivari budgétaire offre un spectacle lamentable. Cette dérive inédite a d’abord provoqué la stupeur parmi les Français. Une fois celle-ci passée et l’ampleur des dégâts constatée, est apparue la volonté de s’en sortir, certainement pas de se chamailler. Or ce sont les chamailleries qui l’ont emporté, les calculs politicards des prétendus candidats à la prochaine élection présidentielle, la défense acharnée de tous les lobbys.

Comment dans ces circonstances qui exigent des efforts de tous, l’Elysée et le Parlement ont-ils pu réclamer – et obtenir – une hausse de leurs budgets ? Comment ce gouvernement soi-disant de « crise » peut-il avoir enflé à ce point, jusqu’à compter 41 (!) ministres et sous-ministres alors que les citoyens sont invités à se serrer la ceinture ? La France n’est certes pas une société nordique qui pratique le culte de la vertu collective… Mais, dans ce contexte, l’exemple aurait dû venir « d’en haut ». À l’inverse, il est épouvantable.

Les arbitrages budgétaires de Michel Barnier contestés par ses troupes

Au départ, le Premier ministre a paru plein de belles et bonnes intentions. Il lui en fut d’abord porté crédit. Vouloir « co-construire le budget » avec les parlementaires relevait d’une sage disposition. Mais encore eut-il fallu que ses partenaires et alliés lui reconnaissent une quelconque légitimité. Certes son expérience de ministre, de commissaire européen et de négociateur du Brexit, est respectable. Mais il est censément chef du gouvernement et les membres de celui-ci se disputent et vont jusqu’à contester ses arbitrages budgétaires. Quant à Agnès Pannier-Runacher (Transition écologique) et Laurent Saint-Martin (Budget), ils divergent sur la hausse des taxes appliquées au gaz. Alors Michel Barnier est-il vraiment le chef d’une majorité même relative ?

Force est de constater qu’il n’y a plus de majorité – même relative – mais des écuries, celle de Gabriel Attal, celle de Laurent Wauquiez qui s’écharpent entre elles mais se réunissent avec l’appui d’une troisième, celle de Gérald Darmanin, pour dénoncer en chœur les hausses d’impôts envisagées par « leur » Premier ministre ! Et les Français devraient avoir confiance.

Ce n’est pas un débat budgétaire mais la foire d’empoigne

Quant aux oppositions, elles vont… s’opposer. En particulier au projet de budget. Elles pourraient se retrouver dans des offensives communes. On peut compter sur les mélenchonistes pour organiser le chaos en stéréo, chaos facilité par les divisions du prétendu socle « majoritaire ». Ainsi leurs bisbilles minables ont-elles favorisé l’élection de l’Insoumise Aurélie Trouvé à la tête de la commission des affaires économiques à l’Assemblée, alors que celle des finances est déjà présidée par Eric Coquerel, autre élu LFI.

Bref, ce n’est pas un débat budgétaire qui commence, mais comme on le dit dans les couloirs de l’Assemblée nationale, « la foire à la saucisse ». Rappelons tout de même qu’au-delà de cette foire d’empoigne, les finances de la France sont déficitaires comme jamais et désormais sous la double surveillance des marchés et de Bruxelles ! Quant à Michel Barnier, il ne doit pas oublier… Marine Le Pen. Si elle a tout intérêt à ne pas censurer en ce moment le gouvernement, elle a bien l’intention de le faire danser, mais à son rythme de future candidate présidentielle !

Vers un recours au 49.3 ?

L’ancien Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve a employé une expression joliment usagée pour décrire l’épreuve budgétaire : « c’est le franchissement de l’Himalaya sans les moufles ». S’il ne bénéficie pas d’un appui solide au sein de l’opinion, l’expédition de Michel Barnier risque fort de mal tourner. Le montagnard semblait en mesure de rassurer, mais il semble incapable de ramener au réel des responsables politiques, à droite comme à gauche, biberonnés à la dette, infantilisés par des années de dépenses inconsidérées. On risque donc des surenchères qui déboucheraient sur un budget délirant !

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La proverbiale sagesse des sénateurs devrait toutefois redonner un équilibre aux comptes. On aurait donc ensuite une commission paritaire Assemblée nationale/Sénat qui pourrait ne pas être « conclusive » si les deux chambres ne se mettaient pas d’accord. Dans ce contexte, le Premier ministre pourrait avoir recours au fameux 49.3, lui permettant de faire passer le budget avant la date fatidique du 21 décembre car tout doit être bouclé en 70 jours, pas davantage.

Toutes les forces politiques refusent plus ou moins cette proposition de budget. Pour autant aucune n’accepte vraiment d’en assumer la responsabilité. Que Michel Barnier s’en débrouille, seul, si seul ! À moins que les partis politiques se ressaisissent, qu’ils songent au bien commun.

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