Une frappe visant un «centre de commandement terroriste», selon l’armée israélienne, a déclenché un violent incendie dans un camp de réfugiés dans la cour d’un hôpital de Deir al-Balah et aurait fait quatre morts. Les images de la scène, authentifiées par «CheckNews», sont insoutenables.
Attention, les descriptions qui suivent peuvent heurter.
Depuis les premières heures de ce lundi 14 octobre circulent sur les réseaux sociaux plusieurs vidéos montrant ce qui semble être une personne brûlant vive dans un incendie. Sur certaines images, on distingue de loin une tête et un bras qui se recroqueville au milieu d’un brasier. «Des gens sont en train de brûler devant nous», hurle l’auteur des images, en larmes. D’autres vidéos et photos, en plus gros plan, montrent la même personne sur le dos, les deux mains en l’air et dévorée par les flammes. Les images sont présentées comme consécutives à une frappe israélienne, dans la cour d’un hôpital situé dans la «zone humanitaire» de Gaza où se trouvaient des tentes de réfugiés. La scène, authentifiée par CheckNews, est bien réelle. Elle a été filmée par au moins quatre personnes.
La frappe, que reconnaît Tsahal, a eu lieu dans la cour de l’hôpital Al-Aqsa, à Deir al-Balah, dans le centre de la bande de Gaza. L’hôpital et le lieu du tir sont dans la «zone humanitaire» décrétée par l’armée israélienne. Cette même zone a été bombardée plusieurs fois par Tsahal la semaine dernière ou pendant l’été.
Les images filmées après l’incendie montrent la cour parcellée d’abris de fortune en partie brûlés.
CheckNews a choisi de ne pas partager les nombreuses images filmées lors de l’incendie.
Une première vidéo, filmée par le photographe Abdallah Alattar, visiblement juste après la frappe, montre une femme et un homme s’extirper des flammes. Leurs habits et leurs cheveux sont en feu. Au sol, on voit une troisième personne (un «jeune homme», d’après le photojournaliste Hani Abu Rezeq qui a filmé la scène), apparemment coincée ou blessée, qui bouge distinctement son bras. D’après les comparaisons d’images réalisées par CheckNews sur trois plans différents et filmées sur place par les photojournalistes Hani Abu Rezeq, Omar Aldirawi et Abdallah Alattar, il s’agit de la personne que l’on voit être brûlée vive, plus tard, sur les gros plans qui circulent sur les réseaux sociaux.
Dans ces séquences, de nombreux Palestiniens tentent de lui porter secours, notamment en s’approchant derrière des couvertures ou en tentant d’éteindre les flammes autour de lui, avec des extincteurs. Mais aucun ne réussit à s’approcher. De nombreux blessés sont également visibles dans différentes vidéos. Le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, évoquait ce lundi matin 4 morts et 40 blessés dans la frappe.
Certains commentateurs ont cru voir un tube branché en intraveineuse dans le bras de la victime brûlée vive, présentée comme «un patient». Mais les différentes images consultées par CheckNews montrent qu’il s’agit plus vraisemblablement d’un câble ou d’un fil de fer, qui n’est pas relié au bras de la personne.
Tsahal revendique la frappe
Un témoin interrogé par le Washington Post, le photojournaliste Ahmed al-Ras, rapporte que la frappe aurait déclenché l’explosion de bombonnes de gaz : «L’incendie s’est propagé très rapidement et a brûlé toutes les tentes. J’ai vu trois personnes brûler, des dizaines de blessés et des centaines de familles courir et crier à la recherche de leurs enfants.» Toujours d’après ce dernier, il a fallu environ 40 minutes à l’équipe de la Défense civile palestinienne pour éteindre les flammes. Une vidéo filmée sur place par Omar Aldirawi montre également un homme retirer deux bonbonnes de gaz alors que les flammes s’en approchaient.
Interrogée par CheckNews, l’armée israélienne revendique la frappe et explique avoir «mené une frappe précise contre des terroristes qui opéraient dans un centre de commandement et de contrôle dans la zone d’un parking adjacent à l’hôpital Shuhada Al-Aqsa à Deir al-Balah». Tsahal reconnaît l’incendie, mais en rejette la responsabilité : «Peu après la frappe, un incendie s’est déclaré dans le parking de l’hôpital probablement en raison d’explosions secondaires.» Comprendre : des substances inflammables autres que celles qu’aurait contenues la munition utilisée. On peut entendre plusieurs détonations pendant l’incendie et voir plusieurs explosions, sans qu’il soit possible de déterminer si ces dernières sont causées par des bonbonnes de gaz ou d’armes qui auraient été ciblées.
L’armée israélienne ajoute que «l’incident est en cours d’examen. L’hôpital et son fonctionnement n’ont pas été affectés par la frappe». Une affirmation que CheckNews n’est pas en mesure de vérifier.
Large zone complètement carbonisée
Les images filmées pendant et après l’incendie, notamment le lendemain, montrent une large zone – où se trouvaient des tentes de réfugiés – complètement carbonisée. «L’armée israélienne prend de nombreuses mesures pour atténuer le risque de nuire aux civils, notamment l’utilisation de munitions précises, la surveillance aérienne et des renseignements supplémentaires.»
Le 26 mai, Israël avait frappé un camp de réfugiés à Rafah, faisant plus de 40 morts, là encore en partie à cause d’un incendie déclenché par des explosions secondaires, selon l’armée israélienne. Tsahal, qui expliquait avoir visé deux responsables du Hamas, avait évoqué la présence de munitions ou de combustibles dont elle aurait ignoré la présence. Des enquêtes journalistiques avaient révélé que des débris de bouteilles de gaz avaient été retrouvés dans les décombres, sans qu’il soit possible d’établir un lien certain avec l’explosion meurtrière. A propos de l’hypothèse d’une explosion provoquée par des munitions avancée par Tsahal, le consultant en munitions Frederic Gras, interrogé par le New York Times à l’époque, avait appelé à la prudence et pointé le fait qu’il y a souvent des bouteilles de gaz ou des lampes dans les camps de réfugiés et les abris de fortune où vivent désormais une grande partie des Gazaouis.
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