MACRON : CHRONIQUE D’UNE CHUTE EN COURS

Nous sommes depuis quelques semaines dans une situation étrange.
Personne n’a oublié la peur que nous avons eu il y a quelques mois avec le danger d’un gouvernement RN. Personne non plus, n’a oublié notre victoire contre le RN et contre Macron aux législatives, malgré toutes les prédictions et tout le soutien qu’ils avaient par les milliardaires, les institutions, les journaux, les instituts de sondage et souvent même malgré le découragement et la croyance large suscitée par tous ces derniers que le pays serait de droite et que le racisme y serait majoritaire.
En même temps, malgré cette victoire et la mobilisation inédite qui y a mené, depuis le coup de force de Macron contre le résultat électoral et contre la démocratie, il est devenu clair que si nous avons amorcé quelque chose, le travail n’est cependant pas fini : aujourd’hui nous en cherchons en quelque sorte la route. La tension politique qui nous a habité de juin à juillet puis septembre et a permis ce succès électoral et politique est toujours là mais nous marquons le pas dans cette nouvelle étape, car les acteurs institutionnels de la première, partis et syndicats, ont fait défaut, et nous devons en inventer le chemin afin d’aller jusqu’au bout de notre succès de juillet.
La réponse légitime au coup de force de Macron exigeant sa destitution a suivi la piste initiée par LFI. Cependant, pas grand monde ne croit vraiment à son efficacité – sinon comme protestation-, parce qu’elle n’est conçue que par en haut, c’est-à-dire sans la force populaire de la rue qui lui permettrait d’aboutir. Or, cette démarche aurait pu trouver ce complément nécessaire par en bas et donc sa force, si les directions syndicales s’étaient engagées dans la même voie de la destitution dans la défense dans la rue et la grève du programme social du NFP, principalement l’abrogation de la réforme des retraites et le Smic à 1 600 euros, pour lesquels les électeurs avaient voté mais dont lesquels Macron les avaient volés en refusant le résultat du vote. Après quelques hésitations au vu du succès de la première des mobilisations pour la destitution du 7 septembre, les directions syndicales se sont finalement opposées à ce processus destitutif. Tout au contraire, elles se sont précipitées pour légitimer ce gouvernement d’imposteurs et le sauver – la CFDT l’a quasiment dit – en renouant avec lui un « dialogue social » déconnecté, en revenant au plus routinier programme de journées d’actions saute-moutons comme si rien ne s’était passé. La journée d’action du 1er octobre a été bornée à de pures revendications économiques. Le résultat a été évidemment un bide car complètement hors des besoins politiques exprimés depuis des mois.
Cela fait qu’on est revenu comme avant à une séparation de l’économique et du politique qui fait la force de l’ordre bourgeois. Du côté politique, LFI maintient à juste titre l’esprit de la destitution mais que par en haut sans donc les moyens suffisants pour que cela sorte des péripéties, manœuvres, coups d’éclats et révolutions de palais qui n’ont pas de grande conséquence en bas sinon d’en entretenir la possibilité et, de l’autre côté économique, les directions syndicales reprennent les mêmes tactiques de lutte éculées, profession par profession, secteur par secteur, qui ont déjà échoué mille fois.
Cependant, en même temps, le pays tout entier baigne encore dans le politique où tout le monde sait que chaque conflit social d’importance sera automatiquement une remise en cause du gouvernement Barnier/Macron/Le Pen. Nous vivons toujours dans le sillage de la dissolution, de la menace RN et surtout celui de la victoire contre lui, et nous savons aussi que le moment est toujours dangereux avec ce risque RN toujours présent. C’est avec cela à l’esprit que nous avons constaté une fois de plus que les directions syndicales et politiques sont incapables d’organiser réellement la résistance contre le fascisme, qu’il faut le faire nous-mêmes et que nous en sommes capables, car tout autant la réussite de la création du NFP que le succès de sa campagne électorale ont d’abord été des succès de la mobilisation d’en bas et le plus souvent, en tous cas au début, malgré et contre les appareils.
C’est pourquoi, nous sommes dans une curieuse situation politique et mentale.
Bien que ce soit la première fois depuis les années 1940 que l’union des droites soutenue par l’extrême droite gouverne la France, nous sentons bien que ce gouvernement n’est qu’en carton et qu’il n’a jamais été aussi fragile, qu’il ne tient que par l’absence d’opposition sérieuse et déterminée. Nous savons qu’il ne durera pas – la question étant plutôt quand va-t-il tomber et avec lui Macron ? – et qu’il n’aura guère les moyens politiques de mettre en applications sa politique ultra-réactionnaire. Car si elle nous horrifie et nous inquiète, nous savons qu’elle est loin d’être encore passée. Nous avons constaté que nous sommes une force et que c’est cette force qui seule peut stopper ce gouvernement. Bien sûr, cette force n’a pas d’expression visible permanente, n’a pas de porte-parole ni de journaux sinon plus ou moins les réseaux sociaux mais elle gronde souterrainement et peut ressurgir à tout moment. Il n’y a pas de grande lutte aujourd’hui pour la faire entendre puisque d’un côté on essaie de nous limiter au rôle de spectateur de ce qui se passe au Parlement et de l’autre à des luttes économiques séparées inefficaces sans guère de chance de réussite chacune dans son coin. Ce qui fait du moment une sorte de pause entre deux, mais où en même temps nous sommes toujours tendus parce qu’immensément nombreux à vouloir refuser tout de ce gouvernement illégitime et de ceux qui le soutiennent. Ce qui continue à nous faire marquer des points politiques contre le RN. Ce n’est pas la première fois que le RN vote avec les macronistes et les soutient. Mais aujourd’hui, sa collaboration se voit infiniment plus ayant cautionné le coup de force et il le paye politiquement en n’apparaissant plus vraiment dans l’opposition. Nous avons montré que la France n’est pas majoritairement raciste et le RN montre aujourd’hui que sa « solution » raciste sert Barnier, Macron et leur politique d’austérité. Malgré le calme, nous maintenons notre pression invisible.
Ce n’est ainsi pas un sentiment de découragement qui traverse le pays. Nous pouvons ressentir une sensation d’impuissance parce que nous sommes sans organisation et donc apparemment passifs, mais en même temps ça bout dans le pays, on attend quelque chose.
Nous sommes pleins de cette puissance potentielle que nous avons mesurée en juin/juillet, qui est toujours là et qu’un évènement fortuit peut déchainer à nouveau en nous organisant tout d’un coup.
Quel sera-t-il ?
Personne ne le sait. Mais il est dans l’air du temps.
Un 49.3 de trop ?
Une Nième provocation de Macron, par exemple la chute du gouvernement derrière une motion de censure suivie du rétablissement inique par Macron du quasi même gouvernement, ou encore plus à droite ?
Une révolte contre une vague de licenciements trop massifs autour d’une usine qui résiste parce que des centaines de milliers de personnes vont être concernées et vont souffrir ?
Un mouvement contre la vie chère comme en Martinique ?
Un féminicide, une révolte comme celle de Gisèle Pélicot ?
Une mobilisation d’écologistes ?
Un scandale de trop ?
Une injustice sociale flagrante ?
C’est le suicide d’un jeune marchand des rues qui a provoqué le soulèvement du peuple tunisien, fait chuter la dictature et derrière lui entraîné les printemps arabes.
C’est la hausse du prix du ticket de métro en 2019 à Santiago du Chili qui a fait tomber la dictature au Chili.
Quand la situation socialement inflammable est arrosée de combustible politiquement inflammable, c’est toute la situation qui devient propice à l’embrasement général, où n’importe quel incident anodin en d’autres temps, peut provoquer la marche vers une grève générale politique, la chute de Macron…. et derrière lui, du système.
Jacques Chastaing, 20 octobre 2024
Peut être une image de texte

 

MACRON : CHRONIQUE D’UNE CHUTE EN COURS

 

 

Ce champ est nécessaire.

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*