Après le putsch de Macron s’asseyant sur le résultat des législatives en créant un gouvernement macroniste adultérin Barnier/LR soutenu par le RN, l’air général du temps est plus que jamais au « dégagisme ». Cette situation n’est pas nouvelle mais a pris un caractère encore plus marqué avec ce gouvernement totalement illégitime.
Chose nouvelle, ce n’est pas que Macron qui subit ce discrédit mais aussi tous ceux qui en participant à ce vol des élections et à cette mascarade anti-démocratique se sont ainsi associés à la décomposition du macronisme. Une décomposition qui vient de s’illustrer, au travers des péripéties du vote du budget 2025, par de multiples coups de couteaux que se donnent entre eux les alliés de la minorité gouvernementale montrant ainsi leur incapacité à gouverner et prouvant chaque jour un peu plus combien ce vol des élections n’avait aucune justification et n’était qu’une scandaleuse infamie. Ainsi, chaque jour d’existence de ce gouvernement entraine un peu plus à la déconsidération de toutes ses composantes. Le macronisme n’existe quasi plus. LR était déjà au plus bas, ils ne feront que s’enfoncer un peu plus. Et pour la première fois, le RN subit aussi ce discrédit. Plus que cela, le RN montre des lignes de fracture qu’on peut mesurer autour de la question des retraites. Il a beau dire qu’il fait partie de l’opposition, il devient clair, même pour nombre de ses électeurs, qu’il fait partie de la minorité gouvernementale, et surtout, que sans lui le gouvernement et sa politique anti-ouvrière ne pourraient pas tenir. Or, contrairement à la plupart des partis d’extrême-droite aujourd’hui en Europe qui ne sont que des partis anti-ouvriers de droite radicalisés, le RN s’est construit évidemment sur le racisme mais avec aussi une orientation prétendument sociale. La forte réalité dans le pays d’une lutte de classe ouvrière puissante – ce qu’a montré encore la dernière mobilisation sur les retraites avec dans sa foulée celle des quartiers ou encore hier les Gilets Jaunes et aujourd’hui la Martinique -, a comme conséquence sur le terrain parlementaire traditionnel l’apparition sur le cadavre de l’ancienne gauche qui a failli d’une gauche plus radicale avec LFI, et dans son sillage, la NUPES, puis le NFP. Contre cela, le RN ne peut se contenter de prendre la tête de la droite traditionnelle comme il est en passe de le faire, mais a besoin en plus de l’apparence d’une orientation sociale pour accéder au pouvoir.
En même temps, il faut qu’il montre à la bourgeoisie qu’une fois au pouvoir, il balancera sans problème toute sa démagogie sociale et ne subira en rien la pression populaire. Ainsi, parce qu’il pensait arriver au pouvoir aux législatives de juillet, plus on se rapprochait du scrutin, plus il balançait tout ce qui pouvait y avoir de social dans son programme. Mais surprise, il a perdu.
Alors, bien que Bardella se soit prononcé clairement pour la retraite à 66 ans, virement de bord, le RN se place à nouveau dans l’opposition et annonce qu’il soumettra l’abrogation de la réforme macronienne des retraites au Parlement en prévoyant un financement des retraites, -puisque c’est obligatoire de décrire le financement pour passer au Parlement – par l’impôt, c’est-à-dire non pas réellement une abrogation de la réforme mais une sorte de rachat de leurs points retraites par les pauvres.
Puis, Macron refuse tout gouvernement NFP, et, au contraire, associe le RN au soutien d’un gouvernement Macron/Barnier en lui promettant une politique qui lui corresponde avec par exemple une nouvelle loi immigration. Le RN prend alors un nouveau virage, il n’est plus dans l’opposition. Il soutient Macron en empêchant la démarche de destitution de LFI d’aller plus loin, puis refuse de voter une motion de censure qui aurait fait tomber le gouvernement, puis encore vote contre la réforme des retraites avancée par LFI en commission parlementaire des finances puis à nouveau en commission sociale, au prétexte que ça se ferait avec une hausse des cotisations patronales, (donc des salaires) et pénaliserait les patrons, tout en maintenant, empêtré dans ses contradictions, sa proposition d’abrogation de la réforme des retraites. Mais, cette fois il refuse de dire comment il la financerait sinon par un hypothétique gouvernement RN, ce qui n’est pas une explication de financement, et qui, normalement, devrait permettre à Yael Braun-Pivet d’empêcher la discussion au Parlement de la proposition d’abrogation de la réforme des retraites du RN.
Tous ces virages successifs du RN amoindrissent le poids politique qu’il voulait donner à sa proposition de réforme des retraites, font douter ses électeurs et jettent même le trouble dans ses députés, ne sachant plus s’ils doivent soutenir ou contester le gouvernement. Ainsi, on a vu certains d’entre eux voter toutes les mesures du budget Barnier/Macron, tout en se plaignant publiquement d’être les dindons de la farce, puisqu’ils étaient les seuls à permettre au budget de passer et donc à porter le poids politique du gouvernement alors que les députés macronistes ne le font pas en étant absent au moment des votes. Plus fort encore, l’initiative d’un impôt exceptionnel sur les milliardaires proposé par LFI a pu être votée du fait de l’absence des macronistes et malgré les députés RN qui ont tenté de l’empêcher de passer. Puis dans un deuxième temps, les même députés RN ont refusé de voter avec Ciotti et des députés macronistes qui voulaient bloquer ce nouvel impôt. Le bazar et la division dans la minorité gouvernementale sont au plus haut et vont continuer, les discréditant toujours un peu plus tant que le RN hésite entre ses deux natures, entre le vote du budget ou son refus, et en cas de 49.3 entre le vote d’une motion de censure ou son refus, écartelant toujours un peu plus le RN, voire peut-être le divisant.
Bien sûr, il faut du temps pour qu’un parti comme le RN perde l’influence qu’il a gagnée en 40 ans d’autant qu’il lui reste le fond de sa politique, le racisme. Mais le résultat des législatives de juillet a déjà témoigné que la France des anti-racistes était plus forte que celle des racistes. En montrant que le vote antiraciste était surtout celui des jeunes et des quartiers, celui du prolétariat, c’est aussi la démonstration que ce prolétariat peut retrouver la confiance en lui sur cette base, après des décennies de découragement politique et d’abstention électorale. En s’associant dans ce moment au processus de décomposition du macronisme, le RN s’ajoute une nouvelle faiblesse. C’est dans le processus de reprise de confiance du prolétariat en lui-même et son programme, qu’il faut s’inscrire aujourd’hui en élargissant les faille du RN et tapant sur le clou de ses contradictions, le mensonge de son visage social par son soutien au gouvernement.
Cela signifie qu’il faut refuser tout accompagnement de sa politique prétendument sociale, refuser de s’incliner, il faut tenir la tête haute devant lui et donc refuser de marcher dans son pseudo piège du vote de son «abrogation » de la réforme des retraites. C’est la presse des riches qui prétend que la gauche est piégée et malheureusement quelques militants divers se font influencer ou sont perdus, ne savent pas quoi penser, ou, pire comme à la tête du PCF accréditent l’idée que cette abrogation peut se faire, que ce serait un plus, alors que c’est faux, que c’est impossible, ne serait-ce que parce que le Sénat la refusera -comme toute proposition d’abrogation, y compris venant du NFP. Nous n’en serions pas là, soit dit en passant, si les directions syndicales n’avaient pas trahi le mouvement des retraites car la seule réelle possibilité d’abroger la réforme des retraites est dans la grève générale politique, pas dans les manœuvres politiciennes au Parlement. Répétons-le, y compris pour ceux à gauche qui penseraient qu’une abrogation de la réforme des retraites par en haut est possible : la leçon du succès effacé des législatives de juillet est toute fraîche. Quand on peut effacer un résultat d’élection, empêcher un acte parlementaire est une bricole.
Cela dit, aujourd’hui, c’est le RN qui est en difficulté et c’est une bonne chose, piégé par son soutien au gouvernement et par cette question de la retraite dans laquelle il s’est empêtré et dont il ne peut espérer une sortie pas trop lamentable… que par l’aide de la gauche. Alors ne l’aidons pas. Dans la situation actuelle où le RN se discrédite parce qu’il est visible qu’il soutient Macron alors qu’il avait promis de le combattre, la partie de son public que séduisait ou rassurait son visage social, se met à douter. Il veut comprendre ce qui se passe, il vaut savoir s’il n’a pas été trompé. Alors, faire croire qu’avec le RN, on peut abroger la réforme des retraites, c’est le pire qui puisse se faire. C’est dire aujourd’hui à ses électeurs qui doutent : « ne doutez pas, nous donnons, nous la gauche, notre caution, oui on peut réellement avec lui abroger la réforme des retraites, il ne vous trompe pas, vous pouvez avoir confiance ». Peut-on faire pire ?
Tapons au contraire sur le clou du doute. Et élargissons la brèche entre sa nature de droite et son discours sociale, amplifions le doute actuel de ses électeurs à l’éventuel gouvernement RN qu’il exige pour sa réforme ; cela signifierait la fin du système de cotisations sociales en échange d’à peine plus d’argent momentanément, c’est-à-dire surtout, la fin des protections maladie et chômage et bien sûr la fin des retraites, sauf pour les plus aisés. Alors voter aujourd’hui sa fausse réforme – si ça vient au vote -, cela signifie s’engager à voter pour un gouvernement RN, et donc voter pour la fin de la Sécu, la fin des retraites. Voter sa réforme, c’est cautionner son mensonge, donner de la crédibilité à sa manœuvre et le sortir du merdier dans lequel il se s’enfonce avec son soutien au gouvernement Macron/Barnier.
Le RN est en difficulté, laissons-le s’enfoncer dans ses contradictions avec Macron et appuyons-nous sur l’air ambiant visant au dégagisme de Macron pour qu’il soit aussi celui de tous ses alliés.
Jacques Chastaing 27 octobre 2024
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