L’augmentation des dépenses publiques est d’abord celle des transferts sociaux

Tribune

Les économistes Olivier Bargain et Nicolas Hérault montrent, dans une tribune au « Monde », que l’augmentation des dépenses publiques est d’abord celle des transferts sociaux, aux dépens de l’offre de services publics.

Publié hier

Le défi apparent du nouveau gouvernement est de proposer un budget qui s’attaque au problème d’un déficit public d’une ampleur jamais vue en temps de paix et hors récession (5,5 % du produit intérieur brut en 2023). On peut en effet penser que maîtriser le déficit, donc l’évolution de la dette, est souhaitable, en premier lieu pour obtenir des marchés un taux raisonnablement bas qui rende cette dette supportable.

Rappelons qu’aujourd’hui la France paie plus cher que le Portugal pour emprunter sur les marchés. Réduire nos déficits et contenir la dette publique serait également gage de prudence, en dégageant une marge de manœuvre budgétaire permettant de faire face aux crises à venir.

Mais le problème n’est pas tant le niveau de la dette et des déficits que la nature des dépenses qui les sous-tendent, et leur rendement économique, environnemental et social. C’est de ce constat que doit découler un projet d’avenir pour la France. Le péril est grand de proposer un budget court-termiste qui rognerait encore plus sur les services publics et ne permettrait pas un basculement vers des investissements de croissance et garants de la transition verte.

Un Etat redistributeur et non investisseur

Le niveau élevé des dépenses publiques est ancien : elles ont dépassé le seuil symbolique de 50 % du PIB dès le début des années 1980 et ont continué à grimper jusqu’à 57 % du PIB en 2023. Les chiffres font écho au sentiment d’érosion des services publics : l’essentiel du surcroît de dépense publique depuis quarante ans est lié aux prestations et transferts, qui sont passés de 25 % à 33 % du PIB, alors que les dépenses pour la fourniture de services publics – dépenses de fonctionnement pour la santé, l’éducation ou la sécurité, par exemple, ainsi que l’investissement public – régressent de 25 % à 22 % du PIB sur la même période. La hausse du coût des prestations est surtout liée au vieillissement – avec l’augmentation de l’espérance de vie et le recul de la fertilité – et à l’introduction de pensions de retraite « minimum »

A cela se sont ajoutées des mesures comme la baisse des cotisations sociales, pour soutenir l’emploi, et des aides aux entreprises (comme le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), dont les effets sont débattus. Cette hausse des transferts s’inscrit dans une tendance de long terme, qui peut s’expliquer par une demande accrue de protection face aux risques sociaux (vieillesse, santé, etc.) et économiques (Covid, crise énergétique). Cette tendance forte marque la disparition de l’Etat investisseur au profit d’un Etat simplement redistributeur.

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